Alors que le tribunal administratif vient de reconnaître que sa candidature à un poste de professeur à Sciences Po Lyon avait été écartée de manière irrégulière, Fabrice Balanche tire la sonnette d’alarme sur les processus de nomination à l’université.
Il était "sûr d'avoir ce poste". "Mais, dans le jury, il y avait deux directeurs de thèse qui voulaient placer leur poulain". Enseignant à l'université Lyon 2, Fabrice Balanche postule en novembre 2014 à un poste de maître de conférences à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lyon. Sa candidature ne sera pas retenue. Incompréhensible pour lui, au vu de ses compétences, qui collent parfaitement au poste. D'autant que le jury aurait écarté sa candidature sur une excuse fumeuse. "Ils m'ont envoyé un mail le soir en disant qu'au vu de mes compétences je ne resterais pas à Lyon longtemps", raconte-t-il.
Fabrice Balanche dépose un recours auprès du tribunal administratif. Pas assez pour enrayer la procédure. Le chercheur reproche d'ailleurs au ministère de l'Éducation nationale d'avoir "soutenu le mémoire de défense de l'IEP au lieu de suspendre le processus de nomination". Deux ans plus tard, le tribunal administratif vient de lui donner raison en annulant la nomination du professeur en poste. Le jugement souligne une "erreur manifeste d'appréciation" du jury dans le processus de nomination.
“Moi je voterai pour mon étudiant”
L'occasion pour le chercheur aujourd'hui en disponibilité auprès d'un think tank à Washington de tirer la sonnette d'alarme quant aux processus de nomination à l'université. "Quand vous êtes jeune doctorant et que vous attendez un poste, vous fermez votre gueule, mais à 45 ans j'ai eu envie de dire : ça suffit !" explique celui qui évoque ses convictions politiques et ses analyses sur la crise syrienne comme de possibles freins à sa nomination.
"Ce genre de pratiques est très courant, et c'est même de pire en pire car la loi Pécresse sur l'organisation du recrutement a été complètement dévoyée par un système clientéliste, népotique et localiste", tonne le chercheur. Pour chaque recrutement, une commission ad hoc est constituée par le président du jury, lui-même désigné par le conseil d'administration de l'établissement. Le président est censé réunir les ténors de la discipline. "Or, les commissions ne sont pas constituées pour recruter le spécialiste de la discipline mais pour recruter une personne précise", selon Fabrice Balanche.
"Dans certaines universités, on crée même des postes sur mesure", raconte le chercheur. "Tout marche par copinage. Le processus est complètement bidonné", avance-t-il. Juste avant l'audition de Fabrice Balanche, un membre du jury lui aurait ainsi confié qu'il voterait pour "son étudiant". Un système qui dégoûte bien des chercheurs, à en croire Fabrice Balanche : "Quand on parle avec des chercheurs français ici aux États-Unis, on se rend compte que cela engendre une véritable fuite des universitaires français. C'est du gâchis."
Quel courage Fabrice (que je connais bien) de l'avoir dénoncé. Pour avoir enseigné 8 ans à Lyon II, je dénonce aussi ce 'système clientéliste, népotique et localiste, copinage, processus bidonné'. Cela m'est aussi arrivé avec l'Univ Lyon II, avec d'autres collègues qui postulaient, pour un poste sensible, qui a rendu un recrutement infructueux pour un poste où je correspondais parfaitement. Mais le pire, tout, dans la Métropole de Lyon se passe de la même façon. Il n'y a que la 'Cour de vizirs qui sont dans la cour du Roi, qui se partagent le business, les avantages, que ce soit le patronat, les syndicats, les associations... qui font allégeance, les autres ont la tête bien tenu en dehors de tout cela. Mais Lyon Capitale le sait aussi bien que nous, mais n'en parle pas assez souvent !!!
Cher Fabrice Balanche, *commentaire 1/2* J'ai eu une expérience similaire à la votre en 2011: ma candidature a été écartée illégalement d'un concours de recrutement sur un poste de maître de conférences associé à une chaire CNRS au sein d'une université normande. J'ai obtenu l'annulation du concours auprès du tribunal administratif en 2012, mais l'université a maintenu le lauréat du concours frauduleux en poste au titre de stagiaire; quand ce dernier a été titularisé j'ai ensuite obtenu l'annulation de sa titularisation auprès du même tribunal administratif en 2013. Cette annulation a été contestée auprès de la cour administrative d'appel par l'université ET le ministère de l'éducation nationale, et grâce au poids du ministère ils ont pu annuler la décision du TA, en 2015.
Cher Fabrice Balanche, *commentaire 2/2* Pendant tout le temps où l'annulation de la titularisation était effective (l'appel n'étant pas suspensif de l'exécution du jugement) le lauréat a été maintenu a son poste et a pu bénéficier des largesses du CNRS: décharge d'enseignement à hauteur de 2/3 du service, prime, et dotation de recherche pendant 5 ans, alors que le CNRS savait que le concours avait été bidonné!!! Le bilan du bénéficiaire de la fraude, au bout de 5 ans, sur la chaire CNRS est scientifiquement NUL! Véridique! Je suis dégoûté. Tant d'argent public investi pour RIEN! Je suis allé au Conseil d'Etat, mais avec mes moyens personnels contre la puissance publique qui puise dans l'argent public - le pot de terre contre le pot de fer. J'ai arrêté les frais, à l'usure, en 2016.
Cher Francis Balanche, Jamais deux sans trois: Vous avez fait l'expérience d'un système hypocrite, inconséquent, et auquel on ne touche pas. Le ministère protège les universités coûte que coûte sauf si un établissement cause du tort au ministère lui-même auquel cas il engage des actions (c'est rare mais cela arrive). Vous, moi, et bien d'autres encore, le ministère se fout royalement de nous, comme de sa première circulaire. Un concours frauduleux ne fait pas de mal au ministère, mais quand une victime se défend cela peut faire des vagues, et l'administration n'aime pas les vagues d'où l'intérêt de soutenir les universités pour nous écraser moralement et financièrement. Bon courage à vous et bonne continuation.