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Contournement ferroviaire de Lyon : le train sifflera trop de fois

Un avis favorable vient d'être rendu sur la partie nord de l'ambitieux futur train de marchandises qui reliera Ambérieu-en-Bugey à Saint-Rambert d'Albon. Revers de la médaille : les conséquences préjudiciables pour les populations et les terres agricoles environnantes.

Le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL) est présenté comme une solution à la saturation du noeud ferroviaire lyonnais. Cette autoroute destinée au transport de marchandises par rail est un projet monumental et absolument capital pour la région; Lundi 19 septembre, le rapport et les conclusions de l’enquête publique portant sur le projet de contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL), dans sa partie nord, a été remis en préfecture de Région.

La commission d'enquête a émis un avis favorable au tracé (avec cinq petites réserves). La voie ferrée de 48 km de long, dédiée au trafic de marchandises, partira, au nord, de Leyment, dans l'Ain, entre Ambérieux-en-Bugey et Meximieux, pour s'achever au sud de l'aéroport Saint-Exupéry, permettant une desserte de la plateforme aéroportuaire lyonnaise, avec la possibilité, à long terme, de se connecter au futur Lyon-Turin. Le Conseil d'Etat a désormais 18 mois pour se prononcer sur cet avis.

Sur place, le projet de train divise

En mai 2009, Lyon Capitale était allé sur place, dans la partie sud du tracé, pour se faire une idée. A l'époque, le gouvernement venait d’arrêter le tracé définitif du futur contournement, dont la mise en service est prévue à l’horizon 2020. Cette autoroute destinée au transport de marchandises par rail est un projet monumental et absolument capital pour la région, mais qui, revers de la médaille, génère des conséquences préjudiciables pour les populations et les terres agricoles environnantes.

Sur le papier, le futur contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL) est un bon projet : permettre aux trains de marchandises d’éviter de transiter par Lyon et la gare de la Part-Dieu et, plus globalement, reporter le fret de la route vers le rail tout en se reliant au futur Lyon-Turin à l’Est et à la Magistrale Eco-Fret au Nord.Écologiquement très correct, donc. En revanche, sur le terrain, les choses ne sont pas aussi simples que cela. Le 26 décembre 2005, le tracé de la partie Nord du contournement, de Grenay à Ambérieu-en-Bugey, est retenu, sans trop de difficultés. Le 15 avril dernier, c’est au tour du tracé Sud d’être arrêté, après plusieurs années d’âpres, parfois très virulentes, discussions.

Dominique Bussereau, secrétaire d’état chargé des transports, tranche pour la plaine d’Heyrieux/Sibelin Nord (Feyzin), soit vingt-et-un kilomètres de ligne nouvelle. Voilà, tel quel, le CFAL : un contournement de l’inextricable nœud ferroviaire lyonnais. Conséquence du choix de ce fuseau, le projet relie directement la vallée du Rhône, via la ligne de chemin de fer existante, qui devra supporter les prévisibles augmentations de trafic du fret - on parle de 240 trains/jour au lieu d’une centaine actuellement - avec des wagons plus longs, pouvant atteindre jusqu’à 1,5 km de longueur. Bref, un tracé qui va modifier en profondeur le cadre de vie des habitants, notamment en termes de perception paysagère et d’ambiance sonore. Voici un reportage sur le terrain, entre Vienne et Serrières.

Repères CFAL

Coût : 3 milliards d’euros
Longueur : 72 kilomètres de ligne nouvelle Ambérieu-en-Bugey/Sibelin-Feyzin
Mise en service : 2017-2020 pour la partie Nord (Ambérieu/Grenay), 2020-2022 pour la partie Sud (Grenay, plaine d’Heyrieux/Sibelin)

Des produits dangereux aux abords d'une école

Entre Saint Romain-en-Gal et Serrières, les trains de marchandises passeront à proximité immédiate d’écoles et d’établissements scolaires, soit au total près de 5 500 enfants. En photo, l’école maternelle d’Ampuis. La cour de récréation se trouve à moins de dix mètres des rails. Seule protection : un grillage de 2,5 mètres de haut. Chaque jour, des wagons de matières dangereuses circulent sur la ligne.

Seule consolation pour les riverains : Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, a demandé au préfet de la région Rhône-Alpes Jacques Gérault*, de mettre en place un comité de suivi “dédié à l’élaboration d’un programme adapté de mesures de protections acoustiques” sur les lignes existantes. Rien en revanche sur la question des risques.

L’un des onze passages à niveaux de la zone. Pour l’association Fracture (Fédération régionale des associations contre le train en zone urbaine et pour le respect de l’environnement), qui regroupe 27 communes et 4 000 habitants, pour sécuriser les passages à niveau, 55 millions d’euros de plus seraient nécessaires, soit 5 millions par passage à niveau, qui ne sont actuellement pas pris en compte dans le budget de RFF.

Au-delà des risques encourus par les habitations proches, les riverains doivent supporter les nuisances sonores : 80 à 85 décibels par train, soit l’équivalent d’un klaxon de voiture pendant 45 secondes.
Soit 3 heures de klaxon par jour (hypothèse de passage d’un train d’1,5 km de long toutes les 6 minutes à 120 km/h).

24 communes sont concernées. Certaines voient le train passer dans leur centre. À l’époque de la construction de la ligne, à la fin du 19ème siècle, l’idée était justement de faire s’arrêter les trains de voyageurs par les communes. Le transport de fret a aujourd’hui complètement changé la donne.

Des risques réels

Le 3 décembre 1990, vers 23h30, un train de 22 wagons d’hydrocarbures déraille en plein centre de Chavanay. Une dizaine de wagons prend feu, plusieurs habitations sont ravagées par l’incendie. Les pompiers éteindront les flammes le lendemain matin. Les milliers de litres d’essence qui n’ont pas brûlé s’écoulent dans les nappes souterraines, provoquant une pollution. Coup de chance,l’accident ne fait aucune victime. Et le même scénario, en journée, devant une école ?

Serrières. L’église, déjà détruite entre 1878 et 1879 lors de la construction de la ligne de chemin de fer Lyon-Nîmes, est aujourd’hui lézardée de fissures, très probablement dues aux vibrations des trains qui passent à moins de trois mètres. À l’intérieur du bâtiment, on peut entendre et “sentir” les trains passer.

À Serrières, toute la ville tremble à l’approche du train.
Serrières, toujours, en face de l’église, rue du 19 mars 1962. Gilbert Rey sur sa petite terrasse quasiment à hauteur des rails. Il est aujourd’hui sourd, malgré le double vitrage. Dans la même rue, dans un petit immeuble, les placards bougent lorsqu’un train passe.

La gare de triage de Sibelin (Feyzin), spécialisée dans le traitement du trafic de fret, avec 48 voies. Les wagons de marchandises isolés de leur rame initiale sont triés pour être incorporés dans de nouveaux trains de marchandises. Chaque jour, 1 800 wagons transitent ici, soit 11,5 millions de tonnes de marchandises, dont des matières dangereuses. Les trains en provenance de toute l’Europe s’y arrêtent. Sibelin est le deuxième plus gros hub français de triage de fret.

* Depuis la publication de cet article, Jacques Gérault n'est plus le préfet de la région Rhône-Alpes, remplacé par Jean-François Carenco.

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