Selon nos confrères de Satellifax, “un amendement dans le cadre du nouveau volet de la loi Macron pourrait taxer lourdement toute revente d'une chaîne de la TNT”. Catherine Morin-Desailly (UDI-UC), présidente de la commission de la Culture au Sénat, devrait ainsi proposer un amendement visant à “quadrupler l'actuelle taxe (de 5 à 20%) due à l'Etat en cas de revente d'un canal de la TNT”. Bigre ! Que d’audace !
Cette proposition Canada Dry et a posteriori est censée répondre au scandale de la chaîne Numéro 23, vendue 90 millions d'euros par Pascal Houzelot au groupe NextRadioTV (BFM TV, RMC) alors qu'il avait obtenu la fréquence gratuitement dans le cadre d’un appel à candidatures par ailleurs truqué, comme nous l’avons démontré depuis 2012. Une fois que la guerre est finie, on peut en effet toujours taxer les cartouches. Rendons clair ce qui est compliqué.
Et maintenant la droite aime la loi Macron !
"Cette mesure pourrait être préférée à une autre option envisagée cette semaine, consistant à faire passer à cinq ans la durée minimale de détention d'une chaîne", explique Satellifax. Oui, sauf que l’on pourrait bien quadrupler ou quintupler la taxe due à l’État, cela ne serait en l’espèce d’aucune utilité, seulement une perfidie supplémentaire de la part de l’ancienne majorité de la droite et du centre, qui avait attribué le canal TNT à un lobbyiste désargenté et sans aucun projet. À supposer que cette nouvelle taxe très éventuelle s’applique à la revente de Numéro 23, cela ne règlerait en rien la question cruciale de la chaîne, à savoir ses conditions originelles d’attribution, lesquelles, viciées, comprenaient dès le début la revente à un opérateur déjà installé dans le PAF… quand il s’agissait de consacrer “un nouvel entrant” et “seulement des chaînes thématiques, à l’exclusion de toute nouvelle chaîne généraliste”, comme le répétait sans cesse Michel Boyon (ancien président du CSA et ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Raffarin à Matignon).
Une nouvelle affaire dans l’affaire Bygmalion ?
Bien des questions demeurent : si l’on voit bien qui bénéficie in fine du canal TNT (Alain Weill), quelles ont été les contreparties et qui en a profité -ou en profitera ? Est-ce une nouvelle affaire dans l’affaire Bygmalion, après le volet audiovisuel impliquant France Télévisions ? Pourquoi ce besoin irrépressible du CSA et de la sarkozie –les deux se confondaient à l’époque- d’accorder un canal TNT à Pascal Houzelot, sur la foi d’un projet stupide, irréaliste et non financé (et d’ailleurs non réalisé), sinon pour une préemption qui ne dit pas son nom ? Cette “mise au chaud” est-elle bien légale, comme on le lit un peu vite ici ou là, simplement parce que le délai de revente de deux ans et demi a été respecté ? La SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) ne s’y trompe pas, qui vient de s’indigner dans un communiqué officiel du fait que“le CSA a surtout aidé des investisseurs financiers à utiliser le paysage audiovisuel pour faire fructifier leurs affaires (…) Les créateurs non plus n'ont pas pu compter sur l'engagement de Numéro 23 dans la création et attendent par ailleurs toujours le versement de sommes importantes de droits d'auteur, toujours en souffrance depuis le lancement de la chaîne, qui n'applique pas l’engagement de respect de la propriété intellectuelle qui figure dans la convention qu’elle a signée avec le CSA”.
Le handicap, mais à la sauce yankee bas de gamme
De même, le projet, initialement nommé “Tvous la Télédiversité”, une fois obtenu le blanc-seing du CSA, dirigé de fait à l’époque par le seul Nicolas Sarkozy, a-t-il été rebaptisé dans l’urgence Numéro 23. “Quand le président de la République dit quelque chose, le président du CSA écoute”, avait ainsi confié à l’auteur de ces lignes un Patrick Buisson définitif et sûr de lui, quand Camille Pascal, la plume du président-candidat Sarkozy, par ailleurs ancien secrétaire général de France Télévisions entendu par le juge Van Ruymbeke dans le cadre de l’affaire Bygmalion, essayait d’obtenir des financements privés pour ses amis producteurs souhaitant lancer des chaînes régionales. Élue à la majorité absolue par les Sages pour être “une chaîne culturelle thématique axée sur toutes les diversités”, la convention de la chaîne sera, juste avant le lancement de celle-ci, habilement et discrètement réécrite, afin qu’elle puisse diffuser, grâce à son nouveau statut de mini-généraliste, des programmes US essentiels, tels que… “Concours de tatouage, le défi : avez-vous déjà réussi à tatouer un amputé ?”
Liberté, Égalité, Hamburger
A l’époque, nous avions dénoncé l’escroquerie intellectuelle –qui est en train de virer à l’escroquerie tout court- en expliquant que Pascal Houzelot allait certainement faire la promotion des “jeunes filles ayant un père taliban” et des “unijambistes alsaciens”, pensant que le CSA de l’époque resterait au moins attaché à une promotion, en l’occurrence celle de la langue française, comme ses ex-conseillers le clamaient et le déclamaient publiquement à la moindre occasion. D’unijambistes, il est bien question sur Numéro 23, mais nourris aux hamburgers plutôt qu’à la choucroute. Comme le dit Pascal Houzelot sur les plateaux de télé, “au-delà de trois doigts, c’est une atteinte à la dignité humaine”. Ouf, on est passé à deux doigts d’un drame.
- Vous reprendrez bien un peu de n°23 ?
- Oh… juste un doigt !
- Vous ne voulez pas un n° 23 d’abord ?