20 ans après les émeutes à Vaulx-en-Velin, hommage à Thomas Claudio

On se souvient des émeutes qui ont suivi mais pas de la mort du jeune Thomas Claudio, le 6 octobre 1990, à Vaulx-en-Velin. 20 ans après, le même jour et au même endroit, ses proches lui ont rendu hommage.

“On n’a pas oublié Thomas Claudio percuté volontairement par une voiture de police, comme on n’a pas oublié la révolte que ça a créé”. C’est par ces mots griffonnés que Morad Aggoun a pris la parole au nom des proches du Vaudais de 21 ans, mort le 6 octobre 1990 alors qu’il circulait à l’arrière d’une moto. Vingt ans après, une poignée de proches ont déposé une gerbe de fleurs barrée d’un ruban à son nom, à l’endroit même où Thomas Claudio a été renversé, à une encablure de la place du Mas du Taureau, le cœur de la ville nouvelle de Vaulx-en-Velin.

Émeutes télévisuelles et grand désarroi

La mort de Thomas Claudio avait mis le “feu aux poudres” (formules couronnées par les médias) dès le soir même. Des “police assassin” se faisaient entendre lors des affrontements avec les forces de l’ordre. Le lendemain, les scènes d’émeute reprenaient. Le bar, l’Intermarché ont brûlé. Les voitures bien sûr. Les deux centres de loisir également. Pendant trois jours, pour la première fois, les caméras télévision ont filmé des scènes de “guérilla urbaine” ou d’"intifada des banlieues", terminologies de guerre utilisées par certains. Ces émeutes ont plongé les responsables politiques locaux et nationaux dans un grand désarroi car la réhabilitation de la ZUP de Vaulx-en-Velin entreprise depuis 1985 faisait déjà figure de modèle de la politique de la ville, avec le projet Banlieue 89.

À la clé, près de 2000 logements réhabilités, des pavillons construits et pour faire une vraie ville, une place a été créée. La semaine précédent la mort de Thomas Claudio, on avait inauguré le mur d’escalade de 47 mètres de haut au Mas du Taureau, symbole, disait-on, du renouveau du quartier. Ça a été d’une violence extrême. Traumatisant et injuste. On venait juste d’inaugurer une semaine plus tôt le Nouveau Mas. Cela nous a déstabilisés un moment”, reconnaît aujourd’hui Maurice Charrier, l’ancien maire (GAEC) dans le Progrès. Dans la presse de l’époque, les causes profondes que révèlent les émeutes sont reprises en boucle : le chômage, l’absence d’avenir, le racisme ou bien encore les rapports jeunes/police. Même le jeune Nicolas Sarkozy, alors député-maire RPR de Neuilly, interviewé par Valeurs Actuelles tirait ainsi les leçons de Vaulx-en-Velin : “Ces événements, le chômage et l’absence de formation des jeunes en sont responsables”.

“Mêmes causes, mêmes effets”

Autour de la gerbe de fleurs, des regards vides de tristesse et de colère. Ils pointent les insuffisance de la politique de la ville, pourtant accélérée après les émeutes vaudaises, notamment avec la création d’un ministère dédié. “La révolte a fait découvrir des pratiques policières indignes qui continuent et une apartheid sociale qui continue. Nous n’oublions pas ceux qui sont tombés ailleurs dans les banlieues”, poursuit Morad Aggoun. Lui qui avait 18 ans en 1990 est aujourd’hui élu au conseil municipal (divers gauche) de Vaulx-en-Velin après avoir créé l’association Agora née des émeutes. Mais il ne participe pas à la majorité communiste qui dirige toujours la ville tout comme sa collègue Hélène Geoffroy (PS), également présente pour le dépôt de gerbe.

Malgré la création d’un nouveau centre ville (lire en encadré) et le début de l’opération de démolition/reconstruction des barres HLM au Mas du Taureau, Morad Aggoun estime que “toute la ville a changé sauf ici" comme si les habitants du quartier subissaient “une punition collective”. Même discours chez un plus jeune, Ahmed Chekhab, 8 ans en 1990 et ancien voisin de Thomas Claudio : “on vit la même oppression policière, la même discrimination, la même misère. Il n’est pas logique que la politique de la ville née après les émeutes n’ai rien changé ici”, explique celui qui est aujourd’hui président d’Unit 6.T, une association sur la citoyenneté à travers le sport. Il est à peine 20 heures. Les quelques proches s’éloignent de la gerbe de fleurs après le court discours de Morad Aggoun. Des adolescents se demandent qui est Thomas Claudio. Après explications, ils parlent de 2005, d’un autre jeune vaudais “pare-choqué” par une voiture de la police et des caillassages qui ont suivi. Comme une histoire qui se répète...
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Et pourtant la ZUP de Vaulx-en-Velin change de visage

C’est le plus important projet de renouvellement urbain de l’agglomération par le nombre de personnes concernés (30 000 des 40 000 Vaudais). C’est aussi celui qui a démarré le plus tôt avec la construction d'un lycée et d'un planétarium en plein centre-ville en 1994, suivis d'un supermarché et d'un premier ilôt logements, commerces et bureaux. Point d'orgue : la démolition en 1997 du centre commercial qui tenait lieu de centre-ville. Les urbanistes reviennent à un schéma classique qui deviendra le modèle du renouvellement urbain : un tracé de rues orthogonales, des places rectangulaires, des commerces au rez-de-chaussée et une mixité de logements (sociaux et libres). La deuxième phase du renouvellement urbain a démarré en avril 2010 avec la démolition de 450 logement HLM du Pré de l’Herpe/Mas du Taureau. 900 autres suivront d’ici 2015. Au total, 2 900 logements seront reconstruits sur place (dont un tiers de HLM). Objectif : passer de 66 à 50% de HLM. Signe du changement, même si Vaulx-en-Velin est la troisième ville la plus pauvre de France, les classes moyennes reviennent progressivement y vivre.

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