IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Si aujourd'hui Lyon possède le deuxième réseau de tramway de France, son installation n'a pas été de tout repos. En 1998, alors que l'idée de réimplanter le tramway revient, les commerçants se mobilisent pour dire non.
Le premier réseau de tramway de Lyon date de 1880. Fermé en 1956, il faut attendre le début des années 1990 pour que revienne la volonté de le réimplanter. Problème, le projet ne fait pas l'unanimité chez les lyonnais. Les commerçants notamment, sont assez frileux à l'idée qu'un tramway puisse empiéter sur leurs rues. Tout en dénonçant une idée électoraliste de la part de Christian Philip, ces derniers se mobilisent et proposent plutôt de rallonger les lignes de métro. Après de nombreuses levées de bouclier, le réseau renaît finalement avec l'apparition du T1 et du T2 en 2001. Le T3 circulera à partir de 2006, et le T4 en 2009. Le petit dernier, le T5, est quant à lui arrivé en 2012. Une ligne T6 est prévue pour 2019.
Un article paru dans Lyon Capitale n°157 le mercredi 4 février 1998, signé par Frédéric Crouzet.
Les Lyonnais disent oui, les commerçants disent non
Cette semaine, le Sytral distribue à 70 000 exemplaires un petit dépliant baptisé "Les Lyonnais disent oui" dans Les principales stations de métro. Il met en avant le sondage selon lequel 83 % des Lyonnais sont favorables au retour du tramway à Lyon. Une réplique aux commerçants hostiles à la ligne Montrochet-La Doua qui manifestaient vendredi dernier.
Ça bouchonnait gentiment rue Servient, ce vendredi 30 janvier dans l'après-midi. Coups klaxons, rugissements de moteurs au point mort. "Avec le tramway, ce sera tous les jours comme ça", lançait Pierre Marsal, représentant des commerçants de la rue de Marseille (Lyon 7e), en distribuant des tracts aux automobilistes coincés dans le mini-ralentis-sèment. Hostiles à la ligne de tramway Montrochet-La Doua prévue pour l'an 2000, les commerçants regroupés au sein du Collectif urbain lyonnais... autrement sont passés à l'action en bloquant deux voies de circulation de la rue Servient, artère qui sera empruntée par le tram. Seule une poignée de commerçants étaient sortis de leur boutique pour la manifestation. Une misère quand on sait qu'ils prétendent représenter 4 000 commerçants. Avec les événements de la Part-Dieu la veille, les boutiquiers étaient restés au chaud pour protéger leurs vitrines. La faible mobilisation a été quelque peu compensée par le soutien sur place de Marie-Chantal Desbazeille, maire RPR du 7e arrondissement et hostile au passage du tramway-dans le centre de l'agglomération. Comme à son habitude elle n'a pas mâché ses mots pour parler de ce projet : 'Dans cette ville, on ne termine jamais ce qu'on a commencé. Il serait plus logique de construire 1 km de métro pour relier La Doua. D'ailleurs le sondage du Sytral ne parle même pas du métro. Et je m'étonne que ce sondage sorte en même temps que se déroule l'enquête publique. Il ne faudrait pas que la communication du Sytral devienne du bourrage de crâne."
Le "joujou électoral" de Christian Philip
Ce fameux sondage, rendu public il y a 15 jours par le Sytral, révèle que 83 % des Lyonnais sont favorables à la création de deux lignes de tram. Il n'a pas été du goût des adversaires de la ligne, les commerçants le jugeant de "mauvaise foi". Ils ont intérêt à bien s'accrocher car le Sytral diffuse cette semaine une plaquette à 70 000 exemplaires pour résumer les résultats de cette enquête menée par l'IFOP auprès de 1 302 Lyonnais. Les résultats de l'enquête étaient courus d'avance. On voyait mal la population rejeter le tram, moyen de transport sur le retour qui dispose d'une image de marque excellente. Mais avec ces chiffres favorables, le Sytral entend apporter une réponse aux critiques des commerçants : "II n'y e pas de raison que l'on laisse certaines personnes dire que les Lyonnais ont peur du tramway", explique Christian Philip, président du Sytral. "Je ne prends pas ce sondage pour un fait définitif. C'est un point de départ positif. Le vrai sondage, c'est quand le tramway roulera." Mais d'ores et déjà, le Sytral affirme dans son dépliant que les Lyonnais adhèrent "très fortement à la philosophie du plan des déplacements urbains". En revanche le sondage ne dit pas si les interrogés avaient eu vent du PDU avant que l'IFOP leur passe un coup de fil et leur demande leur avis sur les diverses mesures du plan. Le questionnaire reste aussi muet sur le tracé, controversé, des deux lignes. "Et seulement 9 % des interrogés disent que leur principale préoccupation est les transports en commun", note un commerçant. "Cela veut dire que 91 % des Lyonnais s'en contrefichent." Marie-Chantal Desbazeille se plaît à dénoncer le "triomphalisme" qui ressort de ce sondage et voit dans le projet du tram "un joujou électoral". Par ses propos, elle vise bien évidemment Christian Philip, premier adjoint de Raymond Barre et candidat aux cantonales de mars dans un secteur très concerné par le futur tramway (3e et 7e arrondissements). "Si ma première préoccupation était électorale, je n'aurais pas pris le risque de perturber les habitudes des Lyonnais", réplique le bras droit du maire de Lyon. Mais l'exploitation sur un ton positif de ce sondage n'aplanit pas pour autant toutes les difficultés. Car de nombreux citoyens, concernés par la ligne Montrochet-La Doua, continuent de dénoncer dans les registres de l'enquête d'utilité publique le manque de pertinence de ce tracé.