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L'étonnant financement de campagne de Gérard Collomb

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Exclusif – Lyon Capitale vous dévoile un document expliquant en détail comment Gérard Collomb a chargé un membre de son cabinet à la Ville de Lyon de collecter de l’argent pour sa campagne de 2014. La démarche est parfaitement légale mais interpelle sur le plan moral. Le PS récupère ainsi une partie de l’écrêtement de Gérard Collomb pour se constituer une cagnotte. Quant à l’homme qui orchestre cette collecte, il se trouve dans une situation manifeste de conflit d’intérêts. Décryptage.

Lyon Capitale s’est procuré un courrier interne aux élus socialistes de la Ville de Lyon dans lequel il est écrit, par le menu, comment faire financer une partie de la campagne des municipales de 2014 par de l’argent public. Un courrier qui interpelle à bien des égards. Il est rédigé de la main de Jean-Louis Ubaud, chargé de mission au cabinet du maire de Lyon et trésorier de la fédération PS du Rhône, qui explique agir à la demande de Gérard Collomb, lequel l’a “chargé de mettre en place le financement de la campagne municipale de 2014”. Le salarié de la Ville, par ailleurs candidat aux municipales à Oullins, explique aux élus PS comment transformer l’écrêtement qu’ils reçoivent de Gérard Collomb en don à l’association départementale de financement du PS (AFDPS).

Des contreparties au “cadeau”

L’écrêtement est une pratique tout à fait légale, qui permet à un élu dépassant le revenu maximum autorisé pour un élu (8 272,02 euros bruts par mois) de reverser le surplus à des membres de son assemblée. Gérard Collomb, au titre de tous ses mandats (sénateur-maire et président du Grand Lyon) perçoit ainsi plus du double du plafond autorisé. Il reverse donc, comme Jean-Louis Touraine et Thierry Braillard, une partie de ses revenus aux élus de sa majorité ou dans les arrondissements. Comme l’expliquait Lyon Capitale en septembre 2012, le maire de Lyon reverse 8 000 euros à 17 élus. Mais le courrier que nous nous sommes procuré viendrait mettre des contreparties à ce “cadeau”. Gérard Collomb redistribue par exemple 1 015 euros tous les mois à Thérèse Rabatel, une élue GAEC qui a préféré partir sur les listes du maire de Lyon plutôt que sur celles de son parti au premier tour des municipales qui aura lieu dans cinq jours.

Dès 2009, les élus qui perçoivent ces “extras” en plus de leurs indemnités d’élus sont donc mis à contribution pour préparer le financement de la campagne de 2014. Jean-Louis Ubaud, qui rédige le courrier, plante le décor : “La législation (…) prévoit deux types de ressources : une dotation de l’État plafonnée à 50 % des dépenses autorisées et des dons des personnes physiques. Comme cela a déjà été le cas pour les municipales de 2008, ces dons proviendront principalement d’une cotisation des élus de la majorité municipale que nous proposons de mettre en place dès maintenant (…) afin d’étaler dans le temps cette contribution.” Contacté lundi, Jean-Louis Ubaud a reconnu avoir rédigé cette missive et l’assume : “C’est un document que vous ne devriez pas avoir, mais, oui, je me suis bien occupé de cette tâche. Il n’y a rien d’illégal.” Le tour de passe-passe est en effet tout ce qu’il y a de plus légal mais, moralement, il interpelle.

Une copie de la lettre adressée aux élus bénéficiant de l'écrêtement de Gérard Collomb

Le courrier démontre comment le candidat Collomb joue sur tous les tableaux pour faire financer sa campagne par de l’argent public, ce qui est le cas de l’écrêtement. L’effort pour l’élu qui verse une partie de ces revenus à l’ADFPS est en effet d’autant moins indolore qu’il est compensé par une déduction fiscale, comme ne manque pas de le rappeler Jean-Louis Ubaud : “Je vous propose de verser cette contribution à l’ADFPS afin de vous ouvrir la possibilité d’une déduction fiscale de 66 % des montants versés.”Une remise fiscale qui englobe l’intégralité des revenus perçus à titre public comme privé par l’élu. Il s’agit en l’espèce d’une sorte d’équation à somme nulle, sauf pour l’argent public.

Une somme évaluée à 700 000 euros

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© Thierry Chassepoux

Tous les partis politiques procèdent de la même manière en faisant financer leur campagne par des cotisations d’élus”, se justifie Jean-Louis Ubaud. “C’est bien vu mais, sur le plan moral, c’est vraiment limite de faire financer d’aussi gros montants par l’écrêtement”, nous confie un colistier de Gérard Collomb qui, après un rapide calcul mental, chiffre à 700 000 euros le montant que pourrait avoir collecté la majorité socialiste pour le financement des campagnes électorales depuis le début par le biais des donations à partir de cotisations sur les indemnités ou l’écrêtement. D’une certaine manière, c’est aussi la prime au sortant. À l’UMP, Nora Berra – seule élue en position d’écrêter – a fait le choix de reverser cette manne à la Ville de Lyon.

En 2011, le député (apparenté PS) René Dosière, considéré comme la vigie de l’Assemblée nationale en matière de bonne utilisation de l’argent public, avait réussi à faire passer une loi supprimant l’écrêtement. Les sénateurs, dont Gérard Collomb, avaient voté contre cette mesure et ainsi conservé ce privilège.

Jean-Louis Ubaud, “au 3e étage porte K”

Ce courrier fait aussi émerger des questions quant au rôle de Jean-Louis Ubaud. Difficile de ne pas voir un conflit d’intérêts dans cette missive signée de la main d’un collaborateur du maire de Lyon qui est aussi trésorier de la fédération PS du Rhône et conseiller général d’Oullins. À quel titre écrit-il cette lettre aux élus PS de la ville dont il ne fait pas partie ? Dans le document que s’est procuré Lyon Capitale, Jean-Louis Ubaud invite les intéressés à déposer leur réponse, “accompagnée d’un RIB”, dans son bureau de l’hôtel de ville ou par le courrier interne. “Je l’ai fait parce que j’ai l’habitude de ce type de démarche. Je suis salarié de la Ville et peut-être que le groupe socialiste aurait dû l’organiser. Quand on cherche la petite bête, on peut effectivement être interpellé. Je ne tombe pas de la dernière pluie, je vois bien la ficelle, à dix jours des municipales où je suis candidat à Oullins. C’était plus facile pour moi de procéder ainsi. Si je dois avouer une faute, c’est celle-là : de les avoir fait déposer à mon bureau. Mais je vous assure que, mon travail de trésorier, je le fais en dehors de mes heures de travail à la Ville”, nous assure Jean-Louis Ubaud. La lettre que nous publions prouve qu’en tout cas cette collecte destinée au PS se faisait sur son lieu de travail : “au 3e étage porte K”.

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