Que fait vraiment l’assistante parlementaire Lætitia Cochet ?

Depuis plus de dix ans, Philippe Cochet emploie son épouse comme assistante parlementaire. S’il ne s’en est jamais caché, il peine à éclaircir les zones d’ombre entourant l’activité de sa femme. Lyon Capitale a enquêté sur le travail réellement effectué par l’épouse du député-maire de Caluire-et-Cuire.

L’affaire Fillon a braqué les regards sur les députés qui emploient leur femme. Dans le Rhône, cinq députés sont dans ce cas. L’un d’eux interpelle particulièrement : Philippe Cochet, député-maire LR de Caluire-et-Cuire, dont l’épouse, Lætitia Cochet, est l’assistante parlementaire depuis une dizaine d’années. Lyon Capitale et France Info ont enquêté conjointement pour délimiter le périmètre de ses activités.

“Elle passait à la permanence parlementaire toutes les deux à trois semaines. Elle prenait le courrier et l’emmenait à la Poste”, se rappelle seulement une ancienne employée de Philippe Cochet. Une militante qui fréquente assidûment la permanence depuis une décennie abonde : “Pendant très longtemps, elle ne venait que de façon très sporadique.” “Je n'ai jamais vu Mme Cochet prendre un ordinateur, utiliser les contacts, écrire des mails ou des courriers à des élus (...) Elle nous aidait comme tous les militants. Je ne l'ai jamais vue faire quelque travail que ce soit. Elle n'avait pas de mission d'assistante parlementaire, sauf pour le courrier", a expliqué Maud Guerrini, ancienne assistante parlementaire de Philippe Cochet, à nos confrères de France Info. Licenciée par Philippe Cochet, Maud Guerrini a contesté la décision en justice qui a reconnu le licenciement “dénué de cause réelle et sérieuse”. Le député-maire de Caluire-et-Cuire a été condamné à lui verser des dommages et intérêts en appel en 2008. Lætitia Cochet n’était pas plus présente à l’Assemblée nationale, où son mari n’emploie aucun assistant.

De nombreux collaborateurs passés par le cabinet de Philippe Cochet à la mairie de Caluire nous ont aussi expliqué ne jamais avoir travaillé avec Lætitia Cochet mais plutôt avec les deux autres assistantes parlementaires de son mari. Même son de cloche auprès de maires Divers droite de la circonscription. Lesquels, il est vrai, n’entretiennent dans l’ensemble pas de relations franches avec leur député. “Je connais plus Lætitia Cochet comme épouse du maire. Sur la nature de son travail et sa présence en tant qu’assistante parlementaire, je ne peux rien vous dire. Philippe Cochet ne s’est jamais caché de confier une mission à son épouse mais, sur la façon dont elle s’exerçait, je n’ai aucune capacité à y répondre”, explique un ancien proche collaborateur de Philippe Cochet.

Après des années dans l’ombre, Lætitia Cochet exerce une activité plus palpable depuis le mois de septembre dernier. “On la voit plus souvent”, poursuit une militante LR de Caluire. Les habitants de l’immeuble où se situe, au rez-de-chaussée, la permanence parlementaire notent aussi que la voiture de l’épouse du maire est garée presque tous les jours.

Une employée sans bureau

Jusqu’au début de l’année 2016, le député Philippe Cochet employait quatre collaborateurs sur son enveloppe parlementaire. Il s’est ensuite séparé de l’une de ses assistantes. Ce qui a rendu possible l’arrivée, en permanence, de Lætitia Cochet. Dans les locaux, les collaborateurs n’ont en effet que deux postes de travail. L’épouse du maire de Caluire ne s’en est vu attribuer un que récemment, après plus de dix ans de labeur. “Elle fait généralement du télétravail. Tout dépend des missions que je lui donne. Un problème de place se posait à la permanence. Mais pas mal de missions d’assistant ne nécessitent pas de présence à la permanence”, nous a expliqué Philippe Cochet.

“Mère de famille”

Pendant dix ans, Lætitia Cochet a donc exercé à distance son activité d’assistante parlementaire. Rien d’incompatible, pour son époux, avec les missions qu’il lui confie : “Elle relaie les messages des habitants. Elle s’occupe de la gestion du courrier, des réseaux sociaux, du site Internet.” Les réseaux sociaux constituent une grosse partie de l’activité de Lætitia Cochet mais justement, sur l’un d’eux, à la case profession, elle indique : “Mère de famille”.

“Elle gère la logistique des apéritifs que j’organise”, poursuit Philippe Cochet. Le député-maire LR de Caluire nous a confié en organiser une dizaine par an. Cette mission, Lætitia Cochet a été vue en train de l’effectuer. “Je ne l’ai jamais vue à la permanence parlementaire mais elle est présente à tous les pots de la circonscription. Elle organisait toutes les réunions publiques. Mais je ne sais pas si on peut considérer ça comme un emploi de collaborateur parlementaire ? Lors des vœux ou du comité de circonscription Les Républicains, elle préparait le buffet”, se souvient un ancien militant UMP de Caluire-et-Cuire. Quant à ces apéros, il les décrit comme des buffets assez chiches : chips, cacahuètes, nappe au mètre et pétillant premier prix. Ces réceptions constituent la partie visible de l’activité de Lætitia Cochet.

Militante bénévole ?

Informé de notre démarche, le directeur de cabinet du maire de Caluire-et-Cuire nous a d’ailleurs contactés pour évoquer ce sujet : “J’ai appris que vous cherchiez des éléments sur Lætitia Cochet. Samedi matin [le 4 février, NdlR], vous auriez pu avoir un bon exemple de son activité d’assistante parlementaire si vous étiez venus à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, à la réunion organisée en faveur de la campagne de François Fillon. Les adhérents Les Républicains et les militants étaient invités. Lætitia Cochet gère le fichier des adhérents. C’est elle qui avait réservé la salle, qui l’a installée avec des militants.”

Le mélange des genres est total. Le directeur de cabinet de la mairie appelle pour expliquer la nature de l’emploi d’une assistante parlementaire. Et si l’on donne foi à son témoignage, il justifie l’activité de Lætitia Cochet en mettant en avant le fait qu’elle enfreindrait les règles électorales. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) stipule en effet que les assistants parlementaires peuvent “travailler uniquement pour le parlementaire dans le cadre de leur mission et leur participation à une campagne électorale pendant les heures de travail est proscrite”.

Interrogé sur ce sujet, Philippe Cochet rétropédale : “La loi interdit ce genre de choses. Elle le fait sur ses périodes de congé. Un assistant parlementaire peut consacrer des heures au militantisme bénévolement. Quand vous vivez avec un député, on a du mal à savoir quelle est la partie travail et celle bénévole.”

“Une chance d’avoir sa femme comme collaboratrice”

La trace la plus visible de l’activité de Lætitia Cochet s’évapore donc. Reste des zones d’ombre, que Philippe Cochet éclaire assez mal. Quand son directeur de cabinet déclare gérer l’agenda du député-maire avec son épouse, l’édile zappe ce rôle dans l’inventaire des missions qu’il lui confie. Philippe Cochet ne se rappelle plus non plus vraiment la date de l’embauche de sa femme : “2003 ou 2004.” D’après nos informations, leur collaboration a débuté en 2002.

Philippe Cochet a refusé de nous communiquer le salaire qu’il verse à son épouse. Tout comme le montant des salaires non dépensés qu’il dit reverser chaque mois à l’Assemblée nationale. Il a aussi eu du mal à se souvenir de la raison pour laquelle sa femme est la seule assistante parlementaire qu'il ne déclare pas au Trombinoscope (annuaire professionnel du monde politique) : “Je dois l’avoir une fois tous les quatre ans, je n’en sais strictement rien. Je ne sais pas si des mises à jour sont faites régulièrement.” En tout cas, depuis plus de dix ans, Philippe Cochet n'a pas demandé de mise à jour pour son épouse. Laquelle explique à France Info, sans détour, cette absence du Trombinoscope : “Je n’ai pas mis mon nom car je ne me suis jamais considérée comme une assistante parlementaire.”

Philippe Cochet se montre aussi hésitant sur son temps de travail : “Mon épouse est à temps partiel. Elle doit faire un deux-tiers de temps.” Elle ne travaille, effectivement, pas le mercredi. Il livre ses horaires : “9h-12h et 14h-18h”, avant d’expliquer qu’il y a “des moments où elle ne vient pas de façon permanente”. Puis d’élargir ses horaires : “En théorie, il faudrait que je la rémunère 20 heures sur 24. C’est une chance d’avoir sa femme comme collaboratrice.”

“Pas de faute morale”

Les excuses de François Fillon, la faute morale admise, très peu pour Philippe Cochet : “Ce n’est pas une faute morale de travailler avec une personne de sa famille. Ça ne me pose aucune difficulté. Je ne vois pas la problématique. La position de François Fillon est la sienne. Je ne suis pas candidat à la présidence de la République.” Il l’est aux législatives, dans la 5e circonscription du Rhône, où il brigue un troisième mandat. “Avec mon épouse, nous avons toujours travaillé ensemble, et demain, si je devais faire un autre métier, je travaillerais avec elle”, assume Philippe Cochet. Dans sa vie d’avant la politique, il dirigeait une entreprise. Et l’argent des salaires n’était pas public.

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