Le chef Christophe Marguin, élu à la CCI, vient de lancer un label "officiel" des bouchons lyonnais. Dans le même temps, le critique gastronomique Pierre Grison fait renaître les Authentiques Bouchons Lyonnais. Un combat de (crêtes de) coqs qui fleure bon le beurre et la crème. Et, au final, un même objectif : défendre les vrais bouchons, véritables mémoires de la ville et voraces Gardiens du Temple, qui font la réputation de Lyon.
Dix sept restaurants ont reçu, vendredi 30 novembre, le label "Les Bouchons lyonnais". L'initiative est signée de la Chambre de commerce et d'industrie de Lyon, via le président de la commission Tourisme, Christophe Marguin, ancien patron des Toques Blanches Lyonnaises. "C'est une démarche professionnelle qui a pour objectif d'aider au développement économique des bouchons et qui promeut les spécificités culinaires de Lyon".
La première promotion est composée de 17 restaurants (voir liste ci-dessous). Pour acquérir le label, les restaurants qui se revendiquent "bouchon" doivent en faire la demande auprès de l'association – dirigée par... Christophe Marguin. Un audit est dès lors effectué par un cabinet ad hoc qui remettra un rapport en se basant sur une vingtaine de critères : une cuisine familiale, de saison et traditionnelle, faite maison et sur place, aucun plat préparé autorisé, des produits frais à 80%, une carte composée majoritairement (pourquoi majoritairement ?) de produits de la cuisine lyonnaise, l'apéritif communard (beaujolais et crème de cassis), des gratons en accompagnement, des pots lyonnais de beaujolais ou de côtes du rhône (historiquement, il y avait aussi des coteaux du Lyonnais), le port du tablier pour le patron et le personnel, des établissements propres, etc.
"Nous prônons une démarche de qualité, explique Christophe Marguin. Ce n'est pas une association de copains ni du copinage". Paf, dans le pif !
Lancés de quenelles
L'ancien patron des Toques Blanches Lyonnaises – régulièrement attaqué de favoriser ses copains quand il était en poste de l'amicale de cuisiniers (2006-2012) – vise clairement "Les Authentiques Bouchons Lyonnais", créés en 1997 par le critique culinaire Pierre Grison, à travers l'Association de défense des bouchons lyonnais. Pour la petite histoire, les deux hommes ont autant d'estime l'un pour l'autre que Gérard Collomb en a pour Martine Aubry... Autant dire, pas bézef.
Et Grison d'arraisonner Marguin : "Quand j'ai eu appris que le label de la CCI c'était dans l'air, j'ai écrit à Marguin. Il ne m'a jamais répondu. S'il aime jouer l'usurpation, ça le regarde. Je constate simplement qu'il a un appétit conforme à son tour de taille : gargantuesque et qu'en matière de restauration, il semble que rien ne lui échappe. Il a besoin de se faire mousser. Moi, je fais un guide gratuit". Référence à peine voilée au prix de l'adhésion au label "Les Bouchons lyonnais" de la CCI : 130 euros HT annuels avec, en complément, 380 euros pour la plaque émaillée et des tabliers brodés du gnafron.
Qui c'est donc le vrai bouchon ?
Bref, chacun y va de son bon mot. Mais les deux ont le même objectif : tordre le cou aux pseudo-bouchons qui prolifèrent, succédanés au décor nappe à carreau et tout l'attirail, mais sans le souffle. Alors "Bouchon lyonnais" ou "Authentique bouchon lyonnais" ?
Le manque – ou l'impossibilité – d'entente entre Marguin et Grison, encouragés l'un comme l'autre par des patrons de bouchons qui ont choisi leur camp, risque de créer une confusion dans l'esprit des Lyonnais et des touristes. Car si les Lyonnais savent, peu ou proux, sur quelle quenelle jeter leur estomac, les étrangers eux, reluquent le mot "bouchon" sur les façades des établissements.
"Quand on interroge les touristes venus visiter Lyon sur les motivations de leur venue, ils répondent d'abord pour les bouchons, ensuite pour Paul Bocuse, en raison de la célébrité du chef de Collonges-au-Mont-d'Or, incontestablement lié à la qualité de la gastronomie lyonnaise" illustre Maria-Anne Privat-Savigny, conservateur en chef du patrimoine et directeur des Musées Gadagne.
L'andouillette a la fraise anxieuse
Bref, la quenelle a le moral en berne et l'andouillette la fraise anxieuse. Parcourir la ville est intéressant à plus d'un titre. D'abord pour le nombre d'établissements estampillés "bouchon". Rue des Marronniers, entre la rue de la Barre et la place Antonin Poncet, dans le 2e arrondissement, 7 restaurants se réclament de la sorte. C'est la plus grosse concentration de "bouchons" au m2 de tout Lyon : 1 tous les 17 mètres. Autre artère éminemment courue, la rue Saint-Jean. On en compte 14 (places St Jean et du Gouvernement incluses). Quant à la rue Mercière, on en dénombre 5.
Mais la promenade devient véritablement instructive lorsqu'on prend soin de jeter un coup d'oeil aux porte-menus extérieurs. En Presqu'Ile, à deux pas de la place Bellecour, un établissement, outre le fait d'être estampillé bouchon lyonnais – et d'être l'un des plus gros clients du géant de l'agroalimentaire et du tout-fait Brake France en Rhône-Alpes – , est spécialisé dans la moule. Marinière, provençale, crustacés, moutarde, poulette, basilic, roquefort, tout y passe. Quant à la spécialité d'un autre, bouchon itou et idéalement placé dans le Vieux-Lyon, c'est la fondue...
Sans avoir de connaissances particulièrement héroïques en gastronomie, n'importe quel quidam peut concevoir que les moules et la fondue symbolisent autant la cuisine lyonnaise que le cassoulet le folklore breton.
"Bouchon lyonnais" ou "Authentique bouchon lyonnais"... Si on fait bastraction de la bataille rangée de gâteaux de foies de volailles entre les deux appellations, on peut - quasiment - y aller les yeux fermés.
Label "Les Bouchons lyonnais" (17)
Café Comptoir Chez Sylvie (30, rue Tupin – 2e)
Le Laurençin (24, rue Saint Jean – 5e)
Le Café du peintre (50, boulevard des Brotteaux – 6e)
Le Café du Jura (25, rue Tupin – 2e)
Le Vivarais (1, place Gailleton – 2e)
Le Sathonay (34, rue Sergent Blandan – 1er)
La Tête de Lard (13, rue Désirée – 1er)
Aux Trois Cochons (9, rue des Marronniers – 2e)
Chabert & Fils (13, rue des Marronniers – 2e)
Daniel & Denise Saint Jean (36, rue Tramassac – 5e)
Daniel & Denise (156, rue de Créqui – 3e)
Bouchon Comptoir Brunet (23, rue Claudia – 2e)
Le Poëlon d'Or (29, rue des Remparts d'Ainay – 2e)
Café Comptoir Abel (25, rue Guyenemer – 2e)
Le Saint Cochon (11, rue Laurençin – 2e)
Les Lyonnais (1, rue Tramassac – 2e)
Les Culottes longues (42, rue Sala - 2e)
Distinction "Les Authentiques bouchons lyonnais" (20)
Le Bouchon de la Bourse (53, rue de la Bourse – 2e)
Café Abel (25, rue Guynemer – 2e)
Café Brunet (23, rue Claudia – 2e)
Café du Jura (25, rue Tupin – 2e)
Chez Hugon (12, rue Pizay – 2e)
Chez Paul (11, rue du Major Martin – 1er)
Le Garet (7, rue du Garet – 1er)
Le Mercière (56, rue Mercière – 2e)
Le Musée (2, rue des Forces – 2e)
Au Petit bouchon Chez Georges (8, rue du Garet – 1er)
Le Poëlon d'Or (29, rue des Remparts d'Ainay – 2e)
L'Amphitryon (33, rue Saint-Jean – 5e)
Aux Trois Maries (1, rue des Trois Mlaries – 5e)
Le Cabaretier (6, rue de la Fronde – 5e)
Le Soleil (2, rue Saint-Georges – 5e)
À ma vigne (23, rue Jean Larivé – 2e)
Le Café du peintre (50, boulevard des Brotteaux – 6e)
Daniel et Denise (156, rue de Créqui – 3e)
Le Mitonné (26, rue Tronchet – 6e)
Le Morgon (2, rue Barabant - 6e)
Les spécialités des bouchons de Lyon Capitale
La Mère Jean (andouillette)
Chez Hugon (gâteau de foies de volaille, poulet aux écrevisses)
Le Jura (gras double)
Le Bistrot de Lyon (croustillant de pied de porc)
Chez Georges (oeufs en cocotte cuits au st marcellin, gratin d'andouillettes aux poireaux)
La Meunière (oeufs meurette, pommes de terre hareng, queue de boeuf mijotée)
Daniel & Denise (omelette du curé aux queues d'écrevisse, tête de veau)
Chez Paul (quenelle)
Chez Brunet (ragoût de béatilles, gratin de tripes)
Le Musée (saucisson brioché)
Le Morgon (tablier de sapeur)
Le Garet (tête de veau)