Boursiers, issus de familles modestes, ces "petites têtes bien pleines" vont intégrer dans quelques jours une classe préparatoire aux grandes écoles. Mais avant cela, ils ont raboté leurs vacances pour dix jours de coaching de classe d'été. Objectif : éviter les décrochages précoces et rétablir l'égalité des chances.
Ce sont trente jeunes méritants, titulaires de mentions bien ou très bien au bac. Tous sont boursiers, issus de familles modestes. Dans quelques jours, ils vont intégrer des classes préparatoires aux grandes écoles, en lettres, sciences ou économie. Mais avant la rentrée, ils ont suivi dix jours de classe d'été à la Doua. Ils ont accepté de sacrifier un peu de leur vacances pour être mieux armés pour réussir leur nouveau défi. Parmi eux, des jeunes de quartier, de campagnes éloignées et de centre-ville mais exposés à des difficultés financières. N'en déplaise à l'égalité républicaine, ils sont prédisposés à des études courtes.
L'enjeu de la classe d'été est de "rétablir un peu de justice sociale", comme l'explique Fabien Lafay, directeur du pôle universitaire de proximité à Lyon 3. "Ce ne sont pas des quotas, ces jeunes sont là parce que leur résultats le permettent", insiste Luc Maerten, conseiller du recteur. Ce dispositif est né en 2008, sous l'impulsion de l'ancien préfet, Jacques Gerault.
Gestion du stress, méthodes de dissertation et techniques d'entretien
Durant dix jours, logés gratuitement à la Doua, on leur apprend comment gérer leur stress, mieux organiser leur futur emploi du temps, on leur inculque des techniques de dissertation et de mémorisation rapide, on les coache sur la prise de parole en public, sur la bonne attitude corporelle à adopter lors d'un entretien ou un exposé. Selon Pierre-Jean Bravo, proviseur au lycée du Parc, des valeurs fondamentales sont rappelées, comme l'importance de la solidarité et du travail d'équipe, le fait de ne pas négliger son sommeil ou son alimentation. "Ca va leur laisser des repères pour la suite".
Eviter les abandons précoces
L'un des objectifs est de démystifier à leurs yeux les grandes écoles et dédramatiser les obstacles à venir. "Certains réussissaient jusqu'alors sans développer leur capacité de travail", expose Fabien Lafay. Loïc par exemple avoue avoir décroché le bac avec mention bien en ayant seulement potassé un peu l'histoire et les mathématiques. Or en prépa, une telle désinvolture ne pardonne pas. Les premiers mois sont très exigeants et les notes souvent cruelles. L'an dernier, Pascal a connu un coup de mou à la Toussaint. "Dans certaines familles, les parents ne sont pas persuadés de l'intérêt d'études longues. Alors quand l'élève ramène des mauvaises notes, c'est pour eux une catastrophe", relate le proviseur au lycée du Parc. Il faut à tout prix éviter les renoncements. Et de ce point de vue, les résultats de la classe d'été sont exceptionnels : "On a réussi à éviter les décrochages précoces en cours de première année de prépa, de 6% lors de notre dernière promotion contre 21% à 45% en moyenne nationale, selon les filières" se félicite Fabien Lafay.
Lutter contre l'auto-censure des jeunes de familles modestes
"On a juste eu à cliquer pour venir ici. Quelle chance on a ! On a une aide incroyable. Tous les jours on se dit que l'on a bien fait de venir", s'enthousiasme une élève, lors d'une cérémonie ce lundi, en présence du préfet chargé de l'égalité des chances, Alain Marc. Certains regrettent un manque de publicité du dispositif. Ils pointent là l'extraordinaire gâchis que constitue l'auto-censure de jeunes de familles modestes qui renoncent à ces formations d'excellence, faute de confiance en eux, faute d'argent ou faute d'informations. Ainsi confie Fabien Lafay, certains jeunes issus de zones rurales comme Tarare ou Bourg-en-Bresse, éloignés des centres universitaires, ne s'imaginaient même pas quitter leur territoire.
"J'ai toujours hésité à faire une prépa. Le choix s'est fait en dernière minute", affirme une élève. Mathilde qui va rejoindre le prestigieux lycée parisien Henri IV raconte que lors de la sortie organisée en août à l'ENS Lyon, personne ne s'imaginait intégrer l'école. A l'issue de la visite, tous ambitionnaient de l'intégrer. "C'est sûr, je tenterai le concours", tranche-t-elle, charmée par la bibliothèque. "Ce qui a le plus d'impact, c'est d'aller dans les lycées", soutient Christine Didomenico, responsable du projet d'ouverture sociale à l'EM Lyon. L'intervention de jeunes de prépa dans les lycées, tout comme le fait d'avoir, en cours de prépa, un ancien élève comme tuteur constituent d'autres actions positives.