Caché sous l'occupation, il défend des sans-papiers

Alors que l’on commémorait, en France et à Lyon ce dimanche 18 juillet, la “journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France”, nous avons rencontré Georges Gumpel. Il fut un des nombreux enfants juifs cachés pendant la seconde guerre mondiale alors que sévissait la Gestapo et le régime de Vichy.

Un homme qui parle avec recul de cette période mais qui ne peut s’empêcher de faire le lien avec notre époque “pour que ces événements servent à la jeunesse”. Cette mémoire vivante milite pour que “le passé éclaire le présent”. Georges Gumpel n’hésite pas, à ce titre, à faire le lien avec la situation des sans-papiers qu’il connaît bien pour en avoir cachés à son domicile, comme lui le fut il y a presque 70 ans. Certains jugeront ce parallèle périlleux mais lui, assume. Militant à la fois pour l’Union Juive pour la Paix (qui se bat pour la reconnaissance d’un Etat palestinien) et proche des réseaux RESF, son histoire personnelle rend son engagement spontané.

“Les Justes sont des exemples.”

Georges, originaire de Lyon, est issu d’une famille française de confession juive. Alors que Klaus Barbie prend ses quartiers à Lyon en 1943, il est caché dans un internat religieux. Georges n’a jamais su si parmi les enfants de l’internat, d’autres étaient dans sa situation. Du haut de ses 6 ans, il ne s’est pas posé la question. Puis, pour des raisons qu’il ignore, son père le retire de l’internat et le confie à une famille de Montfaucon-en-Velay dans la Haute-Loire où il reste caché pendant 9 mois. “Eux, c’était des vrais Justes”, confie-t-il.

Georges avoue se rendre de temps en temps à la maison d’Izieu. Cette année, il s’y est rendu pour la commémoration du 18 juillet avec sa petite fille. On y inaugurait une exposition sur des policiers de Vichy qui se firent Justes en cachant des enfants juifs. “Je ne suis pas contre les fêtes nationales qui permettent de nous interroger, qu’elles fassent naître des engagements.

Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français.” Ces mots ne sont pas ceux de Georges, mais ceux de Jacques Chirac prononcés en 1995. Après 50 ans de déni, Georges et tant d’autres se félicitent encore du “courage” du président Chirac : la reconnaissance de la responsabilité de l‘Etat français dans les horreurs antisémites. C’est également sous Chirac qu’on greffa à cette journée, quelques années plus tard, en 2000, l’hommage aux Justes. “ll est très bien d’honorer ceux qui nous ont caché. Ils l’ont d’ailleurs fait pour des raisons multiples, avec plus ou moins de conscience politique mais l’important est qu’ils aient dit ‘non’. Les Justes sont des exemples.

“Nous sommes les sans-papiers d’hier”

Le sort des Juifs pendant la guerre ne doit pas faire l’objet d’un traitement historique à part, selon lui. “On entretient une spécificité juive qui rend cette mémoire non transposable à la situation actuelle, or l’exemple est, selon moi, universel”. La mémoire, Georges la rend vivante et utilisable dans la vie de tous les jours. Il la sème autour de lui, en se rendant dans les écoles de la région notamment.

Les commémorations rappellent le présent et l’histoire. Le passé éclaire le présent. Au XXIe siècle, on ne peut donner un sens à cette cérémonie que si on la relie à la situation actuelle. Ce qui était juste à notre égard l’est aujourd’hui pour des gens qui sont victimes des lois actuelles”. Car le combat de Georges depuis plusieurs années est la défense des sans-papiers. Son passé d’enfant caché et sa connaissance du sort des sans-papiers d’aujourd’hui l’amènent à certains rapprochements. “C’est ce que je dois aux gens qui m’ont caché”. Lui qui considère les Juifs comme “les sans-papiers d’hier”, reste en colère contre le caractère massif et la violence des expulsions. “Entre 1940 et 1943, il y a eu 75 000 juifs livrés aux Nazis, soit 25 000 par an. Aujourd’hui, près de 30 000 sans-papiers sont reconduits à la frontière tous les ans.” Il ajoute : “A l’époque, des lois punissaient ceux qui nous ont protégés et c’est la même chose aujourd’hui. La France d’aujourd’hui fait semblant de dire qu’il n’y a pas de lien entre rafle des juifs et rafle de sans-papiers mais il y a similitude dans les méthodes même si évidemment les expulsions ne mènent pas au four crématoire. Mais, dans les deux cas, une fois la frontière franchie, il y a un désintéressement total du sort de ces personnes. Certaines sont renvoyées dans des pays en guerre, d’autres sont menacées de mort dans leur pays d’origine...”.

Il conclut : “les gens victimes de expulsions sont nos frères. Notre conscience s’arrête-t-elle à la légalité ou nous dicte-t-elle de transgresser l’intolérable. C’est justement la leçon des Justes qui est valable pour l’humanité entière.”

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