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Rillieux : tensions depuis l'arrivée des policiers

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Depuis l'arrivée des policiers le 1er août, patrouilles et contrôles se multiplient. Au risque de braquer la population : les caillassages se multiplient. Les gendarmes avaient des méthodes différentes, plus attachés à la proximité. Le maire souhaite interpeller les policiers pour qu'ils améliorent leur relationnel.

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Pas un jour ne passe sans que la cellule communication de l'hôtel de police ne mentionne des interpellations à Rillieux. L'été serait-il particulièrement chaud dans cette ville du nord de l'agglomération ? A la lecture de faits constatés, pas d'inquiétude : 150g de cannabis le 15 août, 48g d'héroïne le 11 août, 1g de cannabis le même jour, le 7 août un contrôle routier qui se passe mal, le 4 août une moto-cross qui n'obtempère pas. Parmi les plus grosses prises de ce mois d'août, 300g de hachisch à un domicile et une arme (autorisée) gomm'cogne retrouvée dans une cave.

S'adapter au bassin de délinquance

Ce sont les résultats d'un tour de vis opéré par les forces de l'ordre, opération consécutive au basculement en zone police d'une ville autrefois surveillée par les gendarmes. Rillieux est rattachée à la division ouest. "Le projet est de faire une unité territoriale par rapport au bassin de délinquance qui couvre l'agglomération", explique Jacques Patricot, commissaire divisionnaire, chef de la division ouest. Un projet qui s'insère dans la volonté de former une police d'agglomération, ici comme dans plusieurs villes françaises. Ce bouleversement correspond à une mutation démographique de nos villes : "Une des évolutions majeures de la société française des 40 dernières années est l'importance croissante du peuplement en zones dites périurbaines. Et la plupart de ces territoires sont de fait aujourd'hui sous compétence de la gendarmerie. Il s'agit donc de les en évincer", explique le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, dans son billet "Les gendarmes n'ont vraiment pas le moral".

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"Il fallait occuper le terrain"

Depuis le 1er août, ce sont les policiers qui surveillent Rillieux et, comme en plaisante un collaborateur du maire, "il n'y a pas un seul Rilliard qui peut affirmer ne pas être courant de leur arrivée". Lui même a été contrôlé à un rond-point début août. Des opérations de ratissage ont été menées, dans les cages d'escalier, les montées d'immeuble, des opérations de contrôle conduites presque à chaque carrefour. "Il fallait occuper le terrain", argue Jacques Patricot qui reconnait "avoir multiplié les patrouilles". Les agents de Rillieux ont ainsi reçu le renfort d'autres policiers, pour imposer une présence massive et visible. "Les habitants ici ne parlent que de ça", confirme Nordine. Cette phase de conquête devrait s'atténuer. Mais elle instaure d'emblée des rapports conflictuels avec la population.

"Ils font les zorros"

"Depuis leur arrivée, c'est très tendu, confie un commerçant de la Ville nouvelle. Ils font les zorros, ils contrôlent tout le monde en étant très agressifs." Un jeune homme, Romain, faisant ses emplettes, complète : "Le gros souci, c'est qu'ils tutoient et ne font pas preuve de diplomatie. Ils s'y prennent mal", confie-t-il. Nordine a vu des mamies devoir ouvrir leur cabas alors qu'elles revenaient du marché. "La police ok, elle est là pour faire respecter l'ordre mais là, c'est plus que de la répression, ils outrepassent leur droit. Ils te sautent dessus, te fouillent, sans même te demander ton identité. C'est vraiment abusé !", enrage Farid.

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Ces démonstrations de force policières provoquent des réactions à l'avenant. Les caillassages de véhicules de police se produisent un soir sur deux. "Pour ne pas reculer", consigne est donnée aux policiers pour chaque caillassage survenu une journée, de revenir le lendemain, à la même heure, avec des effectifs supplémentaires. "On ne veut pas abandonner le terrain", martèle Jacques Patricot.

Certains regrettent les gendarmes

"Ils nous trouvent plus présents parce qu'on les dérange. C'est plutôt un compliment", réagit Jean-Marc Rebouillat, directeur de la sûreté départementale. Selon lui, ce sont surtout les agents en civil - ceux de la BAC par exemple - qui perturbent les trafiquants, pas habitués à voir des agents de la paix dissimulés parmi la population. Car les gendarmes, eux, conservent toujours leurs uniformes.

De ce fait, certains pleurent les gendarmes partis. L'un d'eux affirme s'être fait accoster à la station service alors qu'il faisait son plein, en civil. "On ne va pas vous regretter, on vous regrette déjà", lui a-t-on dit. "Ils savaient tenir le quartier, ce sont des professionnels", renchérit Hichem. Faut-il voir dans ces témoignages d'affection une reconnaissance à l'égard de gardiens de la paix pas trop regardants, volontiers laxistes pour les auteurs de petits faits ? "Le petit jeune de quinze ans vu avec une boulette de shit, il ne lui mettait pas les pinces pour l'amener toute sirène hurlante au commissariat", explique un collaborateur du maire. "C'est sûr qu'ils n'allaient pas casser les c… à celui qui fumait un joint en rentrant chez lui après le boulot. Par contre, ils se concentraient sur ceux qui font du trafic", avance Hichem.

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Les gendarmes faisaient plus de proximité

Les militaires assument leurs méthodes différentes. Ils sont les champions de l'interpellation du lendemain, dès potron-minet. En clair, ils identifient les auteurs mais, sauf faits graves, préfèrent les arrêter le lendemain, à 6h. "Le but, c'est de minimiser les troubles sur le moment", explique Joël Dromard, chef d'escadron et commandant de gendarmerie. "Le lendemain, on s'affranchit en plus de phénomènes de groupes. Tous seuls, ils sont plus gentils", poursuit l'agent. La stratégie policière du "Surge" surprend un gendarme haut gradé à la retraite que nous avons contacté. "Le Ramadan est une période calme, ajouté aux vacances qui vident les quartiers. Ma priorité aurait été différente. J'aurais préféré aller au contact des gens, de jour comme de nuit, pour mieux les connaître. Ca peut être beaucoup plus utile pour la suite". "L'année dernière, nous avions organisé un barbecue et ils étaient venus passer une heure avec nous", se rappelle Hichem.

"Policiers et gendarmes ont des cultures professionnelles très différentes, décrypte le sociologue Laurent Mucchielli. Le modèle de la gendarmerie est la police de proximité avec pour priorité la connaissance la plus précise du territoire et de la population. Ca prend beaucoup de temps". A ce modèle s'oppose celui de la BAC avec des agents déconnectés d'un territoire. Depuis 2002, selon le sociologue, la police nationale embrasse de plus en plus ce modèle, qui s'accompagne d'une "doctrine de tolérance zéro".

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Le maire veut la fin du tutoiement

L'arrivée des policiers n'a pas vraiment enthousiasmé la municipalité. Le maire, Renaud Gauquelin (PS) s'est démené pour conserver sa brigade de gendarmes, plus proches selon lui des citoyens. "Ce sont des agents qui habitent sur place, leurs enfants fréquentent les écoles de la ville, leurs épouses font les courses dans les commerces de la commune. Ils participent aux comités de quartier, avec un gendarme référent par quartier", nous confiait-il, en octobre 2009 (lire ici). Il s'appuyait aussi sur les performances des militaires : un taux d'élucidation de 52% en 2008 contre 40% dans l'ensemble du Rhône et une baisse de la délinquance de 13% (+ 1,1% dans le Rhône). Ces efforts ont été vains.

Les premiers contacts entre le maire et le commandant de police Gilles Thévenon ont cependant été courtois. Mais Renaud Gauquelin compte bien rencontrer le 1er flic de Rillieux dans les jours qui viennent pour évoquer le relationnel des gardiens de la paix. Il veut notamment la fin du tutoiement à l'égard des jeunes, une pratique qui contribue à l'exacerbation des tensions. "C'est vrai, ce n'est pas normal", reconnait Jacques Patricot, chef de la division ouest, qui parle d'agissements isolés. "Il ne faudrait pas que l'on ait plus peur de la BAC que des délinquants", glisse un collaborateur du maire.

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Une force de frappe supérieure

La police fait état d'effectifs supérieurs. D'un côté, 40 gendarmes et des pelletons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, mobilisables en cas de problème. De l'autre, 71 policiers, potentiellement aidés par des renforts de la brigade anti-criminalité, de la compagnie départementale d'intervention (CDI), des CRS, du groupe anti-drogue ou encore du groupe de sécurité et proximité divisionnaire. Depuis le 1er août, trois à cinq véhicules patrouillent toutes les nuits sur la commune. "Il n'est pas difficile de mobiliser huit ou neuf véhicules sur Rillieux", explique Jean-Marc Rebouillat, directeur de la sûreté départementale. De plus, le commissariat est ouvert 24h/24.

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