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Pourquoi Collomb et Rivalta veulent absorber l'Est lyonnais

Le Sytral et le Département se battent pour organiser les transports dans les communautés de communes autour du Grand Lyon. Derrière cet enjeu se cachent la survie du Sytral et la constitution d'un grand pôle métropolitain. Décryptage.

C'est une sourde guerre que se livrent Département et Sytral. Enjeu : l'offre de transport dans les communautés de communes non membres du syndicat de transport lyonnais. De cet affrontement auquel s'adonnent les deux structures, une passe d'armes a fuité dans la presse. Bernard Rivalta a récemment menacé de couper la ligne de bus de Genas. "Dans ce cas, je demande le retrait du conseil général du Sytral", a répliqué Michel Forissier, 1er vice-président du conseil général. Ce débat intervient alors que se pose la question de l'existence même du Sytral, remise en cause récemment par un rapport de la chambre régionale des comptes (lire encadré ci-dessous).

Pourquoi le Sytral a absolument besoin de grossir

La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Des autocars du département entrent dans le Grand Lyon, mais ne font que déposer des voyageurs, sans possibilité d'en "charger". Et des lignes TCL sortent de l'agglomération, par des conventions spécifiques, selon une fréquence imparfaite. Par exemple, la communauté de communes du Garon n'a pas de bus passés 20 heures. Genas ne compte qu'une ligne (n°68) qui traverse son territoire. Et encore faut-il compter 31 minutes pour rallier Vaulx-en-Velin la Soie avant de prendre une correspondance.

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Depuis plusieurs mois, Sytral et Département se disputent pour attirer à eux ces communautés de communes. Le Sytral veut grossir pour survivre. Car en 2015, réforme territoriale oblige, le Département va perdre sa clause de compétence générale et ne pourra plus s'occuper de transport. Il devra donc se retirer du Sytral auquel il est partie prenante avec la communauté urbaine. Or selon un rapport de la chambre régionale des comptes, ce syndicat lyonnais des transports n'a déjà pas vocation à se superposer au périmètre du Grand Lyon. Deux choix s'offrent à lui : s'effacer au profit de la communauté urbaine qui gèrerait en direct les transports. Ou grossir pour survivre, en accueillant de nouveaux membres (lire encadré). Et tant pis si ces communes périphériques ne constituent pas un marché intéressant pour le Sytral : la clientèle potentielle y est faible et la transporter coûte cher puisque ces zones sont excentrées.

Le gros taux du Sytral

Bien que disposant d'un réseau sans pareil, le Sytral a un gros handicap pour convaincre de nouveaux entrants. Toutes les communes en faisant partie sont soumises au même taux de versement transport, acquitté par les entreprises. Son taux est de 1,75% de la masse salariale. Or, certains villages sont récalcitrants à payer autant que Lyon, Villeurbanne ou Bron qui elles, bénéficient d'une offre autrement plus avantageuse, avec métro, tram et trolleybus. "C'est un taux qui correspond à un service de transport lourd qui colle à une densité urbaine. Nous n'avons pas la prétention d'avoir le même service que la place Bellecour", explique Daniel Malosse, président de la communauté de communes des vallons du Lyonnais. Ces élus sont sous la pression de leurs entrepreneurs qui n'en veulent pas. Et certains y sont sensibles. "Je n'ai pas envie de saigner mes entreprises", affirme Daniel Valero, maire UMP de Genas et président de la communauté de communes de l'Est lyonnais. En plus du versement transport, le Sytral demande à ces collectivités une participation : 25 euros par an et par habitant. Une contribution qui compense le fait que ces communes ne soient pas adhérentes à la communauté urbaine qui, elle, finance directement le Sytral.

Mercier et Collomb veulent attirer la Région

Le Département formule une offre alternative, autrement moins onéreuse. "Le Sytral sait très bien desservir les zones denses. Mais au-delà, il suffit de quelques lignes en site propre qui se connectent au réseau TCL", défend Michel Forissier, 1er vice-président au conseil général (photo ci-contre). Sa proposition consiste en la création un syndicat de transport hors Sytral. Il comprendrait cinq zones qui disposeraient chacune d'une certaine autonomie financière. Le taux de versement de transport serait bien plus doux, 0,6% contre 1,75% pour le Sytral. De plus, les communautés de communes ne seraient pas soumises à contribution, sauf celles qui, comme l'Est lyonnais, demandent un service amélioré.

A moyen terme, passé 2014, le Département propose un syndicat élargi au conseil régional. "Un chapeau" selon Michel Forrissier, qui coifferait toutes les autorités organisatrice du Rhône et un peu au-delà. C'est bien là le paradoxe de la situation : Gérard Collomb partage la même vision d'une organisation régionale. L'usager y trouverait son compte puisqu'in fine, il utiliserait le même titre de transport pour emprunter bus, tramway, métro et TER. "Mercier et Collomb veulent chacun y aller avec leurs troupes, c'est-à-dire avec leurs droits de vote", décrypte Thierry Philip, président du groupe socialiste au conseil général.

Collomb veut contrôler l'aéroport

Le président de l'agglomération veut fédérer autour de lui le pôle métropolitain qu'il tente de constituer avec St-Etienne, Vienne et le Nord Isère. Un sujet qui dépasse largement la question des transports. Collomb souhaite qu'en fasse partie la communauté de communes de l'Est lyonnais - un territoire dont il n'a jamais manqué de dire qu'il constituait à ses yeux l'avenir de l'agglomération. Surtout que la communauté de l'Est héberge l'aéroport Saint-Exupéry, un enjeu absolument capital pour la métropole. Mais la communauté de communes traine des pieds et n'apprécie pas la manière.

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En décembre 2010, alors que ces communes étaient sur le point de rejoindre le Sytral, Gérard Collomb et Bernard Rivalta ont posé cette nouvelle condition. Et pour bien se faire comprendre, le président de l'agglomération a invités ses élus le 20 juin à déjeuner dans un chic restaurant de la Part-Dieu.

Le repas s'est très mal passé. Devant les réticences des maires à adhérer à ce pôle métropolitain, Gérard Collomb s'est énervé. Il leur a passé un tel savon que les serveurs de l'établissement ont été obligés de fermer les portes du salon particulier pour ne pas perturber les autres clients. "Vous voulez le beurre et l'argent du beurre", leur a-t-il hurlé, menaçant Genas de la priver des lignes de bus et d'en imputer la faute à son seul maire. "Si c'est une question de vie ou de mort pour le Sytral, il y a aura un vrai bras de fer", prévoit Thierry Philip. Sonnés par ce déjeuner, les maires ont ensuite eu rendez-vous avec le conseil général, autrement plus courtois. Cet échange va laisser des traces : "on ne peut pas nous traiter comme de petits garçons", s'agace Daniel Valero (photo ci-contre). Pour Michel Forrissier, "c'est une nouvelle féodalité que Collomb est en train de créer".

La communauté de communes de l'Est Lyonnais se méfie des rapprochements avec Lyon. "On a besoin de transport, pas du reste", assène Daniel Valero. Il résume là toute la stratégie de ces communes qui, en pratiquant une imposition douce, ont réussi à attirer des entreprises, s'adonnant à une forme de dumping fiscal. Rejoindre la communauté urbaine signifierait s'asseoir sur le produit généré par cette politique économique. Adhérer au pôle métropolitain constituerait aussi un risque de perte d'indépendance. "Au sein de la métropole, on va représenter 30.000 habitants dans un pôle de plus d'un million et demi d'habitants", calcule le maire. Il prend l'exemple de Décines qui se voit imposer le stade, sans n'y avoir rien décidé. "Je veux être acteur de ce qui se passe chez moi", martèle l'édile. Il sera difficile pour Gérard Collomb de convaincre ces communautés de communes. Car, comme l'explique Michel Forissier, celles-ci se sont largement construites en défiance au grand regroupement lyonnais.

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© Laurent Benoit

Risque mortel pour le Sytral

"La dévolution, par la communauté urbaine, de la compétence transport au profit d'un syndicat dont l'aire de plein exercice continue à recouvrir très exactement la sienne n'apparait guère justifiée en regard des textes". En quelques mots, le rapport de la chambre régionale des comptes, rendu public le 9 juin, peut signer l'arrêt de mort du Sytral. Car le préfet, tout occupé qu'il est à contraindre des syndicats de communes de fusionner pour obéir à la réforme territoriale, n'entend pas être spécialement indulgent à l'égard du Sytral. Mais comme le fait remarquer Michel Forrissier, "il suffirait qu'une commune hors du Grand Lyon l'intègre pour légaliser le Sytral". C'est tout l'enjeu de la politique conduite par Bernard Rivalta à l'égard des communautés de communes périphériques et singulièrement celle de l'Est lyonnais.

Faut-il craindre la disparition du Sytral, qui serait absorbé par le Grand Lyon ? Thierry Philip et nombres d'élus invoquent la souplesse du syndicat actuel, une petite machine de guerre en comparaison du mastodonte que représente la communauté urbaine. Nul ne doute de l'efficacité du Sytral pour faire avancer des dossiers - même ceux qui sont en difficulté comme la desserte du Grand Stade. Mais pour Béatrice Vessiller, administratrice écologiste du syndicat, sa disparition "serait une bonne chose". "Sur le plan démocratique, ce n'est pas satisfaisant que 26 élus au 3e degré gèrent un budget de plus d'un milliard d'euros". Il est vrai que les débats au Grand Lyon sont autrement plus riches et contradictoires qu'au comité syndical du Sytral.

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