DANSE - Avec sa dernière création Salves, pièce sur la mémoire et la transmission, Maguy Marin bouscule la Biennale par un travail remarquable où l’esthétique, le son et les corps servent un propos à la fois intime et collectif…
L’ouverture se fait dans un décor sombre, celui d’un lieu ravagé ou démoli ou en attente d’être construit. Les entrailles d’une terre avec des corps qui iront chercher au prix de la violence, ce que nous avons oublié et ce que nous ne voyons plus. La chorégraphe a voulu cette pièce comme un hommage aux vaincus, à nos morts, soldats, penseurs, artistes, résistants, anonymes qui ont contribué à l’histoire et à la lutte. Un hommage qui prend aussi dans sa forme artistique, les contours d’une guérilla à mener contre l’oubli et ces pouvoirs économiques qui aujourd’hui instaurent d’autres guerres. Maguy Marin cherche à transmettre ce dont nous sommes faits, avec des traces enfouies sous les couches de l’oubli. Elle cherche les liens perdus avec hier mais aussi dans nos vies, maintenant. Et toute la pièce est construite sur la notion de cassure et de reconstruction. Des objets brisés que l’on recolle de leurs morceaux dispersés, comme des morceaux de mémoire à reconstituer. Des corps engloutis dans des trous qui réapparaissent et tentent de s’imposer, en rampant, en se tordant, en se relevant. Des corps qui courent vers des chemins inlassablement répétés pour ne pas se perdre. Car dans ces courses folles de corps qui se cognent, se disloquent pour revenir parfois soudés, il y a aussi cette envie de devenir un et non pas éparpillé, incapable d’être là. La mise en scène distille en permanence des images amenées par des lampes torches, symboles à la fois de vie et de persécution et qui surgissent sur des rythmes effrénés tels des tirs meurtriers ou joyeux. En maîtrisant le son, marquant ici l’écoulement du temps et des batailles, une scénographie percutante et juste dans ses desseins d’émotions, des corps toujours reliés à l’endroit de leur espace, Maguy Marin nous plonge dans un univers mental où notre mémoire semble à la fois fuyante et évidente, bousculée par les coups foudroyants d’une poésie, vivante !
Jusqu’au 19 septembre, au Petit Théâtre du TNP à Villeurbanne.
www.biennaledeladanse.com