Olivier Schrameck
© François Guillot / AFP

Numéro 23 et RMC Découverte mises en demeure par le CSA

Lors de son assemblée plénière du 24 juin, le CSA a décidé de mettre en demeure Numéro 23 et RMC Découverte en raison de leur programmation en 2014. Le régulateur a ainsi regretté que les quotas imposés aux deux chaînes dans leurs conventions n’aient pas été respectés.

L’escroquerie intellectuelle Numéro 23, vendue publiquement le 8 mars 2012 aux Sages comme une “chaîne de la diversité”, par un attelage hétéroclite digne de l’Actors Studio (Pascal Houzelot, Damien Cuier, Valérie Bernis et David Kessler), devait offrir une programmation cinéma alternative dans le paysage audiovisuel. Dans sa convention, la chaîne s’engageait ainsi à privilégier “les cinématographies provenant d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique”. Mais le CSA vient de faire ses comptes : en 2014, 92% des films diffusés étaient américains, tandis qu’aucune œuvre africaine n’était proposée ! Également en cause, le quota d’œuvres européennes et de films d’art et d’essai, qui n’a pas non plus été respecté par la chaîne de la TNT.

De son côté, RMC Découverte est accusée de ne pas avoir proposé assez d’émissions européennes et françaises sur sa grille, privilégiant notamment des formats… américains. Aux heures de grande écoute, la chaîne a diffusé 32% d’œuvres européennes (contre 55% imposés) et seulement 5% d’œuvres françaises (contre 35% imposés) !

Dans les deux cas, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a invité les chaînes, dans un contexte où la seconde tente de racheter la première, “à se conformer, dès l’exercice 2015 et à l’avenir, à leurs obligations de diffusion d’œuvres audiovisuelles”.

Numéro 23 a-t-elle encore un avenir ?

Encore faut-il que Numéro 23 ait un avenir, ce qui est de moins en moins sûr. Car le CSA a saisi un rapporteur indépendant, chargé de faire la lumière sur l’évolution du capital de cette chaîne de la TNT dont la part d’audience est mesurée… à zéro (une première dans l’histoire de Médiamétrie) et qui a, contre toute attente, vu l’oligarque Alicher Ousmanov, première fortune de Russie, y faire son entrée, il y a (officiellement) presque deux ans.

Le Conseil présidé par Olivier Schrameck entend s’appuyer sur les conclusions de l’expert extérieur au collège pour statuer avant la fin de l’année. “Je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale”, avait lancé, on s’en souvient, Gaston Jèze, le “pape” des finances publiques. “Moi non plus, mais je l’ai souvent vue payer l’addition”, lui faisait écho le professeur Soyer, bien des années plus tard. Au-delà de la boutade historique, c’est bien tout le problème de Numéro 23 : Pascal Houzelot, personne physique sans le sou, ne pouvant éponger les pertes abyssales de la chaîne, c’est UTH, le groupe russe contrôlé par Alicher Ousmanov, qui s’y serait attelé.

Qui paie, commande

Or, l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986 est clair, qui limite à 20 % la part d'actionnariat extracommunautaire, directe ou indirecte, du capital des sociétés de télévision titulaires d'autorisation. Peu importe, dès lors, les quotités initialement inscrites au pacte d’actionnaires (pacte que le CSA a réclamé pendant 18 mois), celui qui paie étant juridiquement considéré comme le donneur d’ordres et donc le patron effectif de la chaîne. Dans ces conditions, Pascal Houzelot a du souci à se faire (et Alain Weill, acheteur déclaré, aussi), le CSA étant en mesure, à l’aune de ces éléments nouveaux, de retirer à Numéro 23 l’autorisation d’émettre. Cela ne léserait personne, puisque la chaîne n’a aucune audience et, mieux encore, cela éviterait de passer de l’escroquerie intellectuelle à l’enrichissement personnel à partir d’une ressource publique.

Bien imprudemment, Pascal Houzelot a récemment écrit à notre confrère Renaud Revel pour lui assurer que tout était formellement respecté au sein de l’actionnariat de Numéro 23. Comme dans toutes ces affaires sophistiquées et forcément exotiques, plus la forme est parfaite, plus le fond interroge. Car on voit mal Alicher Ousmanov, homme d’affaires particulièrement avisé, dépenser 10 millions d'euros par an (l'étendue des pertes de Numéro 23, pour un mystérieux chiffre d'affaires de 15 millions*) pour les seuls beaux yeux de Pascal Houzelot, dans une chaîne fantôme. À moins que la 71e fortune mondiale n'ait un urgent besoin d’entregent. “Personne morale bien sous tous rapports cherche personne éthique pour parfaire son carnet d’adresses” : un vrai programme de téléréalité.

* Ce point aussi ne cesse d’interroger les économistes des médias. Comment cette chaîne, qui n’a ni notoriété, ni programmes, ni audience, réussit-elle à engranger 1,25 million d’euros de publicité par mois, surtout dans le contexte actuel ?
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