Retour en images sur la journée spéciale “Charlie Hebdo, un an après”

Lyon Capitale, Sud Radio et l’ISCPA s’associaient ce jeudi, un an après l’attentat qui a frappé Charlie Hebdo. Un après-midi spécial entre table-ronde et émissions de radio était organisé sur le campus de l’ISCPA.

Charlie ISCPA ()

©Tim Douet

Un an après les attentats de Charlie Hebdo, que reste-t-il de la liberté d'expression ? C'est la question fil rouge qui a animé l'après-midi organisé par Lyon Capitale et Sud Radio, en partenariat avec l'ISCPA.

Un après-midi marqué par un constat, dressé par le pédagogue Philippe Meirieu : "La fracture sociale s'accroît, elle engendre l'amertume, la peur."

Ce qui pose un véritable problème quand ces difficultés entraînent la violence, comme l'a résumé Jean Kempf, directeur de recherche au CNRS et professeur de civilisation à l'université Lyon 2, invité de la table ronde animée par deux étudiantes de l'ISCPA : "Quand on règle les problèmes à coups d'armes, la société entière bascule."

Deux élèves de l'ISCPA ont animé la table ronde

©Tim Douet
Deux élèves de l'ISCPA ont animé la table ronde

Le pédagogue Philippe Meirieu, invité de l'émission Le Grand Show de l'info, présentée par Cyril Brioulet en direct de l'ISCPA et diffusée sur Sud Radio, a confirmé ces difficultés et confié que les incidents qui ont émaillé certaines minutes de silence dans les écoles, en hommage aux victimes des attentats, sont "significatifs d'une vraie tension dans un certain nombre d'établissements scolaires où les valeurs de la République ne sont pas partagées".

Le dessinateur Yan Le Pon a fait des interventions dans les lycées, en compagnie de Raphaël Ruffier-Fossoul, rédacteur en chef de Lyon Capitale, à la suite des attentats. Il raconte qu'avant et après les attentats du 13 novembre il a senti une véritable différence dans les réactions des jeunes, parlant d’"une prise de conscience collective". Si tous n'étaient pas Charlie, ils ont compris que "la liberté de tout le monde était visée".

De gauche à droite : Jean Kempf, directeur au CNRS et professeur de civilisation américaine à l'université Lumière Lyon 2, Yann Le Pon, dessinateur et Didier Maïsto, pdg de Fiducial Médias (Lyon Capitale et Sud Radio)

©Tim Douet
De gauche à droite : Jean Kempf, directeur au CNRS et professeur de civilisation américaine à l'université Lumière Lyon 2, Yann Le Pon, dessinateur et Didier Maïsto, pdg de Fiducial Médias (Lyon Capitale et Sud Radio)

Pour Didier Maïsto, pdg de Fiducial Médias (Lyon Capitale et Sud Radio), il faut "se poser les questions" : Ce qu'on pensait évident dans la société française – la laïcité, la liberté d'expression – ne va pas de soi."

Cette fracture au sein de la société serait plus sociale que religieuse, d'après Jacques-Louis Lantoine : "Si vous avez une caricature de Mahomet mais qu'en même temps tous les musulmans sont bien intégrés dans la société, je ne suis pas sûr que ça pose problème. Pour les élèves, c'est juste la goutte d'eau de plus."

Christine Cognat, présidente de l'association Reporters solidaires, a tenu à dissocier ces événements des questions religieuses, confiant que "les attentats sont faits au nom d'une religion mais ce ne sont pas des attentats de défense d'une religion. On devrait peut-être plutôt parler d'un comportement sectaire".

Deux émissions de Sud Radio ont été diffusées en direct depuis l'amphithéâtre de l'ISCPA

©Tim Douet
Deux émissions de Sud Radio ont été diffusées en direct depuis l'amphithéâtre de l'ISCPA

Parce qu'il y a "un gros problème", Didier Maïsto s'est dit favorable au recours aux statistiques ethniques : "Après les attentats, on ne peut plus mettre un voile pudique et dire que ça n'existe pas."

Une solution sur laquelle tous, à l'image de Jacques-Louis Lantoine, ne se sont pas accordés, le professeur préférant évoquer "des statistiques sociales".

Outre les outils pour analyser la situation, le débat s'est également orienté vers les réponses à apporter. Philippe Meirieu a évoqué la réserve citoyenne, ces personnes qui se sont portées volontaires pour assister les enseignants sur ces questions. "Je souhaiterais que cette réserve citoyenne ait débuté plus vite parce que je crois beaucoup aux vertus de l'intergénérationnel, a confié Philippe Meirieu au micro de Cyril Brioulet. On a peut-être cru que la laïcité était acquise, c'est une conquête."

Philippe Meirieu, à droite, aux côtés de Raphaël Ruffier-Fossoul, rédacteur en chef de Lyon Capitale

©Tim Douet
Philippe Meirieu, à droite, aux côtés de Raphaël Ruffier-Fossoul, rédacteur en chef de Lyon Capitale

Des réponses qui ne peuvent pas, uniquement, venir de l'Education nationale, comme l'a expliqué Jacques-Louis Lantoine : "La vérité, face aux passions qui animent les croyances, ne vaut rien du tout. Il y a trop de haine, de rancœur, de ressentiment, pour pouvoir compter sur l'éducation."

La réponse doit aussi venir de l'Etat, trop longtemps défaillant dans "des territoires de la République qui sont abandonnés", selon Mohamed Tria, président du club de football de l'AS Duchère, invité du Grand Show de la présidentielle sur Sud Radio, pour qui "il y a une ségrégation en France. Tous ces événements ont mis en relief ce qui se passe. On s'est rendu compte qu'on vivait les uns à côté des autres mais pas ensemble".

Charlie ISCPA ()

©Tim Douet

Un constat sombre, partagé par Didier Maïsto : "Les politiques, de droite comme de gauche, ont abandonné des territoires entiers, des populations à elles-mêmes, qui ont vécu la laïcité comme une agression à leur communauté, alors que ce n'était pas du tout ça."

Comme l'a expliqué Michèle Vianès, présidente de l'association Regards de Femmes, pour qui, "dans certains espaces, on n'ose plus parler de la République parce que ça gênerait certaines personnes".

Ce bilan doit être moteur d'actions, comme les nouveaux programmes d'urbanisme qui ont, pour certains, été enclenchés dans les banlieues et qui, pour Mohamed Tria, étaient "nécessaires" parce qu'"il y avait urgence". Mais le président de l'AS Duchère a conclu en expliquant que "le béton ne suffit pas : l'humain est important, il est important de rapprocher les individus et il est important de trouver une mixité".

Article mis à jour le 29 janvier à 16h21 : Simon Lanher, professeur de philosophie, a dû décliner l'invitation au dernier moment. Son nom a été remplacé par celui de Jacques-Louis Lantoine, qui a pris part à la table ronde.

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