Lyon : un labo imprime de la peau en 3D, demain des organes ?

Sur le campus de la Doua, les chercheurs de 3D Fab, plateforme de Lyon 1-CNRS, bouleversent le monde de la 3D en étant capables d’imprimer du vivant.

Imprimer de la peau en 3D pour soigner les grands brûlés, demain, fabriquer des organes pour pouvoir les greffer sans attendre de don : à Lyon, la plateforme 3D Fab révolutionne notre monde. Quand Christophe Marquette fonde son laboratoire, il y a un peu plus d’un an, son objectif est de répondre à des problématiques de santé grâce à l’impression 3D. Sans subvention et au sein de l'Institut de chimie et biochimie moléculaires et supramoléculaires, 3D Fab est financé sur les fonds propres de l’unité et a pour but d’accompagner les projets des entreprises ou laboratoires publics, “de la preuve du concept jusqu’au transfert technologique”, souligne Léa Pourchet, chercheuse en son sein.

Imprimer de la peau pour être plus rapide

Il y a un an, Léa Pourchet va à la rencontre d’Amélie Thépot, PDG de LabSkin Créations, une société lyonnaise connue pour son expertise en matière de peau. Ensemble, elles ont développé une machine et la substance capable d’imprimer toutes les couches de la peau, une première mondiale dans un univers où la culture traditionnelle permet juste d’obtenir du derme. Les bio-imprimantes existaient déjà, la vraie révolution est à chercher du côté de l’encre, brevetée, rappelle Léa : “On mélange un biomatériau avec des cellules issues de biopsies humaines qu’on place dans l’une des quatre seringues de l’imprimante. Elles sont déjà positionnées en 3D et n’ont qu’à s’étendre dans un environnement qui leur est favorable.” La technique permet de diviser par deux les temps de culture, passant de 50 à 25 jours, mais aussi d’imprimer les reliefs de la peau, les vaisseaux, pour un résultat plus proche de la réalité. LabSkin Créations peut ainsi obtenir la peau parfaite pour réaliser des tests pour l’industrie cosmétique. “Tout est sur mesure, ajoute Amélie Thépot. Les industriels peuvent nous demander de la peau sur mesure avec un âge précis, une exposition aux UV par exemple.” Cette personnalisation permet à LabSkin de se distinguer : “On commence à avoir des clients pour la peau imprimée, notamment en Chine, mais attention, lors de ce genre de demande, je ne propose pas de la peau issue de cellules de Chinois habitant en France, mais bien de Chine. Il faut que les cellules de peau d’origine viennent de l’environnement du pays demandé.”

La fin du don d'organes ?

À moyen terme, la technologie pourrait être déployée pour les soins des grands brûlés. Il serait ainsi possible d’imprimer directement la peau au bloc opératoire, sans risque de rejet puisque les cellules seraient prises directement sur le patient. Léa voit même encore plus loin : “Je suis intimement persuadée qu’on imprimera des organes un jour. S’il y a une synergie des chercheurs sur les cellules souches, de l’ingénierie cellulaire, des constructeurs d’imprimante 3D, ceux qui fabriquent des scanners, on pourra imprimer des organes et les greffer et [n’avoir] aucun rejet.” Néanmoins, ceux qui espèrent déjà se faire greffer volontairement des organes plus jeunes pour prolonger leur vie vont déchanter : “Les cellules ont l’âge du donneur, nous voulons restaurer le corps et faire avancer la science, ne pas améliorer celui qui va bien, c’est déjà pas mal.”

Construire des nouveaux supports de diagnostic

Avant de soigner, l’impression 3D peut aussi aider au diagnostic. Toujours à 3D Fab, Céline Mandon travaille de son côté sur des supports imprimés en 3D dans lesquels on peut insérer des biomolécules, enzymes ou anticorps. “Nous ajoutons une quatrième dimension avec l’apport de la biologie”, explique la chercheuse. Ces supports permettent de réaliser des diagnostics médicaux ou environnementaux, les marqueurs biologiques dans les échantillons pouvant réagir à la présence de l’élément recherché. La dimension permet au capteur d’être stimulé dans tous les sens. Aujourd’hui, le laboratoire est en attente d’une grosse aide qui pourrait lui permettre de changer d’échelle et devrait intégrer la plateforme d’innovation Axel’One, “dès qu’ils veulent se mettre sur le dossier”, déclarent en chœur les chercheurs de 3D Fab.

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