Karim Benzema

Benzema en équipe de France : “Qu’il soit arabe, ça ne l’a pas aidé”

Dans une interview publiée ce mercredi dans le journal espagnol Marca, Karim Benzema expliquait sa non-sélection en équipe de France par le fait que Didier Deschamps aurait “cédé sous la pression d’une partie raciste de la France”. Nous sommes allés dans le quartier d’enfance du joueur, à Bron, afin de recueillir les réactions des habitants à ces propos controversés.

“Deschamps n’avait pas le choix”

“Il est soutenu par tout le monde ici”, résume Mendil, casquette et survêtement, une vingtaine d'années, enfant du quartier du Terraillon comme Karim Benzema. Il est vrai qu'il est difficile de trouver quelqu'un qui accepte la non-sélection du joueur, dans le quartier. Parmi les personnes que nous avons interrogées, toutes manifestent leur opposition à la décision du sélectionneur, et nombreux sont ceux qui pensent qu'il est "le meilleur joueur de l'équipe de France".

Pour autant, très rares sont ceux qui sont prêts à affirmer, comme le fait l'ancien joueur de l'OL, qu'elle est le fruit d'une pression "raciste". Ceux-là écartent d'un revers de main l'affaire dite "de la sextape" (la raison officielle) : "C'est un prétexte", nous dit par exemple Mehdi*. Il affirme que "Deschamps n’avait pas le choix". "C'est comme pour Ben Arfa, il est Tunisien et il ne l’a pas pris aussi, pourtant il est super bon", argue encore un jeune rencontré sur le terrain de foot "du but en or".

Des réactions contrastées

Hatem Ben Arfa semble également avoir une forte cote de popularité dans le quartier, puisque sa non-sélection est très souvent présentée à côté de celle de Benzema comme une injustice, même par ceux qui n'adhèrent pas aux accusations de racisme. L'ancien joueur de l'OL, qui n'a pas grandi dans la région lyonnaise, vient d'un quartier de la banlieue parisienne qui présente des similitudes importantes avec Terraillon. Quand on demande à un gamin, les cheveux plaqués en arrière, si l'origine sociale des deux joueurs a été un obstacle à leur sélection, sa réponse est univoque : "Oui, largement." Un jeune footballeur, dont le visage et la posture droite lui donnent un faux air d'Anthony Martial, pense lui aussi que l'origine de Karim Benzema a quand même joué un rôle : "Qu'il soit arabe, ça ne l’a pas aidé."

Plus nombreux sont ceux qui prennent de la distance avec les propos du joueur, voire les rejettent en bloc. "C'est à cause de l'affaire s’il n’a pas été pris", nous affirme par exemple Mohamed, qui ne croit pas aux explications racistes, mais conteste tout de même sa mise à l'écart de l'équipe de France. Même discours pour un entraîneur de football américain, qui exerce sur un terrain situé à deux pas de la résidence actuelle de la famille Benzema. Sans adhérer aux accusations de racisme, il ne croit pas que le scandale soit la vraie cause de l'exclusion du joueur : "Ils cherchaient une raison pour ne pas le choisir." "L'équipe de France doit être le rassemblement de la banlieue ou d'ailleurs. Le mieux, c'est de représenter ce qu'il y a en France et de mettre de côté le fait qu'il soit musulman, du Maghreb", ajoute-t-il.

Des visions divergentes sur les tensions communautaires

"On sent plus un climat raciste. On le voit déjà avec la montée du FN, y a peut-être une montée de la haine", explique le jeune homme au faux air d’Anthony Martial. Cependant, tous ceux que nous avons rencontrés à Terraillon ont nié l'existence de tensions communautaires dans le quartier et ses environs, et ont indiqué ne pas avoir été confrontés à de sérieuses attaques racistes, y compris dans le cadre du sport.

Mais le son de cloche n'est pas forcément le même en s'écartant un peu du quartier. C'est par exemple le cas d'un couple de quarantenaires, tenues du dimanche et bière à la main, rencontrés aux abords d'un stade de rugby. Interrogé sur d’éventuelles tensions entre les différentes communautés, l'homme, qu'on pourrait aisément confondre avec Albert Dupontel, répond de but en blanc "oui", tandis que son épouse précise : "Ce sont surtout les Maghrébins qui posent problème." "Quand on te traite de sale Blanc dans la rue, tu vas au commissariat où personne ne t'écoute", enchaîne son mari, policier de fonction. Quant à Benzema, il avance que sa déclaration est un moyen de "s'autoflageller" plutôt qu'assumer ses responsabilités, et défend une certaine "exemplarité" en équipe de France.

Un lien fort entre le joueur et son quartier mais pas avec son ancien club

Si l'on demeure dans les limites de Terraillon, la cote de popularité de Karim Benzema reste au beau fixe. Cet amour est grandement lié à la relation qu'il cultive avec son quartier d'enfance. "Quand on le voit, c'est banal", nous affirme par exemple un gamin à trottinette rencontré en bas de son immeuble, qui comme d'autres témoigne de l'accessibilité du joueur. Cette proximité de Benzema avec son ancien milieu a été longuement commentée dans les médias, beaucoup lui reprochant un "mauvais entourage". Cette critique s'est faite particulièrement vive depuis le début de l'affaire qui a coûté au joueur sa place à l'Euro, et dans laquelle il aurait été entraîné par un ami d'enfance. "Les gens qu'il fréquente, ce n’est pas bon", nous confirme Mendil, qui fait mine de désigner les habitations des amis d'enfance de l'international situées non loin.

Reste un accroc notable dans cette relation demeurée étroite avec son quartier : ses rapports avec son ancien club de foot, le SC Bron, où il a joué de 8 à 10 ans. Ils semblent en fait être inexistants. "Il s'en fout", lance un homme rencontré à la sortie d'une réunion de la direction du club, dénonçant le manque d'intérêt que le joueur porte à son club d'enfance. Nous ne sommes pas parvenus à obtenir une entrevue avec un officiel du club, l'équipe dirigeante étant fatiguée des sollicitations permanentes des médias malgré cet éloignement. "Nous, on s'en fout, mais ça ferait plaisir aux gamins qu’il vienne", nous indique l'homme en casquette et survêtement, qui confie sa déception de voir Karim Benzema rendre visite à d'autres clubs de jeunes plutôt qu'à celui qui fut le premier de sa carrière. "Il a oublié d'où il vient", conclut-il.

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