Mgr Barbarin entendu par la police pendant une dizaine d’heures

Le cardinal lyonnais était convoqué par la brigade de protection de la famille, au commissariat du 3e arrondissement. Son audition marque la fin de l’enquête préliminaire le visant, ainsi que plusieurs autres responsables diocésains, pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs. Le procureur de la République devrait se prononcer avant la fin du mois sur la suite à donner à cette affaire.

Commissariat du 3e arrondissement de Lyon (Place Bahadourian)

Antoine Sillières
Commissariat du 3e arrondissement de Lyon (Place Bahadourian)

Une audition marathon. Le cardinal Barbarin a été entendu par les enquêteurs de la brigade de protection de la famille ce mercredi. Il était convoqué pour une audition libre, en qualité de témoin (à ce titre, rien ne l'obligeait à rester plus de quelques minutes face aux policiers). "Le cardinal est entendu par pure convenance", minimisait ainsi André Soulier, un de ses avocats, en déplacement ce mercredi et joint par téléphone. Arrivé au commissariat du 3e arrondissement, place Bahadourian, dans le quartier de la Guillotière, à 8h, Philippe Barbarin n'en est ressorti qu'en fin de journée, autour de 18h. Il n'a pas fait face à la presse, venue en masse. C'est un autre de ses avocats, Me Jean-Félix Luciani, présent à ses côtés durant la dizaine d'heures d'audition, qui s'est chargé de l'exercice.

L'audition du cardinal Barbarin marque la fin de l'enquête préliminaire ouverte en mars dernier suite à plusieurs plaintes pour non-dénonciation d'agressions sexuelles. Ces plaintes ont été déposées par certaines des 67 victimes qui auraient, selon l'association La Parole Libérée, subi des attouchements de la part du père Preynat, entre les années 1970 et 1991, mais aussi par la victime supposée du père Billioud.

Plusieurs responsables diocésains, dont le directeur de cabinet du cardinal, Pierre Durieux, ont par ailleurs été entendus par la police ces dernières semaines. Deux perquisitions ont également été menées au siège de l'évêché. Comme prévu, les conclusions de l'enquête vont donc pouvoir être livrées mi-juin au procureur de la République. Dès lors, ce dernier disposera de trois options : saisir un juge d'instruction pour ouvrir une procédure, prononcer le renvoi de l'affaire en correctionnelle ou décider de la classer sans suite.

Quelles connaissances, quelle responsabilité ?

La presse était présente en masse devant le commissariat du 3e

Antoine Sillières
La presse était présente en masse devant le commissariat du 3e

Parmi les badauds agglutinés derrière les barrières délimitant l'espace presse, beaucoup, catholiques ou non, pratiquants ou pas, regrettent le silence qui a perduré plusieurs années et disent penser avant tout aux victimes : "J'en ai des frissons."

La personnalité de l'archevêque lyonnais semble pourtant toujours perçue favorablement. Certains reconnaissent ainsi en Philippe Barbarin un "Monsieur", œuvrant pour les bonnes causes. En fin d'après-midi, lorsque Me Luciani répond aux journalistes, quelques (rares) invectives fleuries fusent, lancées par des adolescents, d'ailleurs pas toujours au courant de l'affaire, à l'adresse du cardinal. De quoi alimenter le discours dénonçant une "vindicte" et un "procès en sorcellerie" tenu par l'autre avocat de Philippe Barbarin, Me Soulier.

Pendant ce temps, Me Luciani a pris le relais d'André Soulier pour rappeler à qui veut l'entendre que "la défense n'a pas accès au dossier" et que, par conséquent, la prudence s'impose. "Je serai prudent, je vais attendre la décision du ministère public et on verra ce qu'il y a lieu de faire. Aujourd'hui, je ressens une certaine sérénité, mais cela n'exclut pas la prudence", a-t-il déclaré à la presse.

Sur le contenu de l'audition de son client, l'avocat précise que "les questions étaient celles posées sur la base des responsabilités qui seraient prêtées au cardinal pour deux infractions, qui seraient la non-dénonciation d'actes pédophiles et, d'autre part, l'omission de porter assistance à des personnes en péril". Des interrogations auxquelles le cardinal "avait envie de répondre et je crois qu’il a répondu avec toute la sincérité possible", a déclaré son avocat. Lequel évoque encore un climat "tout à fait apaisé" durant cette journée d'audition.

“Un évêque n’a pas une vocation policière”

Maître Jean-Félix Luciani répondant à la presse

Antoine Sillières
Maître Jean-Félix Luciani répondant à la presse

Rien de nouveau sous le soleil de Fourvière. La défense du cardinal reste inchangée : Mgr Barbarin a fait ce qu'il pouvait avec ce qu'il savait et ce dont il a hérité. "Il n'y a pas d'explication particulière ou de choses qui seraient des révolutions", prévient Me Luciani. "Il a fait ce qu'il pouvait faire avec les moyens qui étaient les siens, ajoute-t-il, (...) je rappelle qu'un évêque, ou l'Église en général, n'a pas une vocation policière." L'avocat explique par ailleurs la durée de l'audition (une dizaine d'heures) en arguant que le cardinal "voulait légitimement revenir sur un historique d'Eglise qui ne le concerne pas lui forcément de manière personnelle". Des déclarations saupoudrées d'une empathie, relativement récente, à l'égard des victimes.

Pour les victimes, justement, cette journée a concrétisé la lutte menée depuis l'automne 2015. Le secrétaire de l'association de victimes La Parole Libérée, Bertrand Virieux, confiait à Lyon Capitale y voir un aboutissement. "Le simple fait d'avoir amené le cardinal à répondre à des policiers est une victoire morale", s'est-il félicité. Il reste néanmoins conscient que les plaintes pour non-dénonciation sont loin d'avoir abouti. "Il faudrait d'abord qu'il y ait un début de constitution des infractions", comme l'a relevé Me Luciani.

De son côté, Me Soulier, joint par téléphone, a une nouvelle fois critiqué l'action de La Parole Libérée et attaqué les parents des victimes, qu'il estime coupables de non-dénonciation : "Les parents des victimes sont concernés par l'article 434-1 du Code pénal", a-t-il provoqué.

Lire aussi : “Faut-il sauver le soldat Barbarin ?”

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