Arrangements entre l’EI et Lafarge : tout en béton, sauf l’éthique ?

Une enquête publiée dans Le Monde révèle que le groupe Lafarge, dont l’un des deux sièges est à Lyon, a passé des arrangements avec l’État Islamique pour poursuivre la production de sa cimenterie syrienne jusqu’en septembre 2014.

Numéro un mondial du ciment depuis sa fusion avec le groupe suisse Holciem, le groupe français Lafarge a, selon le journal Le Monde, "indirectement et peut-être à son insu financé les djihadistes de l'Etat Islamique entre le printemps 2013 et la fin de l'été 2014".

En 2007, le groupe achète une cimenterie encore en construction au nord-est de la Syrie. Avec un investissement de 600 millions d'euros, c'est le plus important investissement dans le pays en dehors du secteur pétrolier. Mise en activité en 2010, la cimenterie aura une capacité annuelle de production de 2,6 millions de tonnes de ciment par an.

Ahmad Jaloudi : négociateur avec les djihadistes

En 2013, le prise de contrôle des villes voisines par le groupe Etat Islamique ralentit la production du site, qui passe de 10 000 à 6 000 tonnes de ciment par jour. Pour le groupe français Lafarge, il s'agit de s'assurer que ses ouvriers et sa production puissent circuler sur les routes du pays. Pour cela, il faut obtenir des autorisations.

C'est Ahmad Jaloudi, d'origine jordanienne, qui sera chargé de cette mission. Si son nom n'apparaît pas du côté du groupe Lafarge, une source précise au Monde qu'il en est le "gestionnaire des risques". Une série d'emails consultés par le quotidien du soir entre ce dernier et le PDG de la filiale Syrie de Lafarge confirme que la direction était au courant des tentatives de négociation. Un laissez-passer estampillé du tampon de l'Etat Islamique daté du 11 septembre 2014 a également été consulté par Le Monde.

Licences, taxes, et provision en pétrole

Le groupe Lafarge aurait également dû payer des licences et des taxes au groupe terroriste, ainsi que lui acheter du pétrole pour continuer de faire tourner la cimenterie. En septembre 2014, l'Etat Islamique s'empare du site. Ce n'est qu'à ce moment-là que le groupe français Lafarge annonce l'arrêt de toute activité. Au cours de ce même mois, un e-mail précise que, depuis plus de deux mois, Lafarge n'aurait pas versé une somme équivalant à 30 000 euros à leurs fournisseurs "qui travaillent avec l'armée islamiste la plus forte sur le terrain".

La chargée de communication du groupe, contactée par Le Monde, explique que "la situation était très compliquée et évolutive en Syrie en 2013-2014 et qu'il est difficile de réagir à des courriels sans avoir tout vérifié, puisque les personnes ayant travaillé sur place ne sont pas toutes joignables". La cimenterie étant fermée depuis septembre 2014.

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