Firminy: la Maison de la Culture, "temple du savoir" de Le Corbusier

La Maison de la Culture de Firminy est recensée au patrimoine mondial de l’Unesco en tant que symbole de l’architecture moderne depuis le 17 juillet 2016. C’est l’un des dix-sept sites de Le Corbusier, inscrits désormais sur la liste du patrimoine mondial. Lyon Capitale vous propose une présentation de ce monument historique complexe à décrypter, qui fut le seul bâtiment réalisé, de son vivant, par Le Corbusier à Firminy.

Maison de la Culture de Firminy

© Tim Douet
Maison de la Culture de Firminy

En 1953, Eugène Claudius-Petit, le nouveau maire de la municipalité, décide de faire sortir de terre un nouveau quartier qu’il baptise Firminy-Vert, soulignant ainsi que le temps de la "ville noire" est révolu. Le développement rapide de la mine et de la sidérurgie avait en effet entraîné un afflux rapide de population qu’il avait fallu loger précipitamment, entrainant la création d’une ville industrielle en déficit d’urbanité, sans aucun plan d’urbanisme, ni de patrimoine.

A ce propos, Eugène Claudius-Petit souligne en 1968 dans la revue Urbanisme : "Seuls, deux pauvres vestiges sans grand intérêt rappellent que cette ville eut un passé. Pas un monument, pas une sculpture, pas une peinture, pas un vitrail, pas même une grille ou un balcon pour arrêter le regard. L’insouciance des hommes avait laissé le temps détruire les ouvrages chargés d’âme, de souvenirs et d’art". Pour redonner à la ville de Firminy un patrimoine qui marquera les esprits, le maire décide donc de créer ce nouveau quartier de Firminy-Vert, et de faire appel à des architectes de renommée pour la réussite de son projet.

L’intervention de Le Corbusier s’inscrit donc dans un projet global, impulsé par Eugène Claudius-Petit. En dotant la ville d’équipements sociaux et culturels, l’architecte réalise le "centre civique et sportif" de Firminy-Vert, symbole de la renaissance de la ville. Parmi ces équipements se trouve la Maison de la Culture, construite entre 1961 et 1965.

L’accès à la culture dans le quartier de Firminy-Vert

Pour son financement, le bâtiment a bénéficié de la Loi Malraux instaurant les Maisons de la Culture à partir de 1961. Lié au mouvement historique d’éducation populaire et la décentralisation culturelle, ce projet ministériel est complété ici des idées issues de la Charte d’Athènes, dont Le Corbusier fut le rédacteur. Publiée en 1943, cette charte fixe les règles autour desquelles les villes modernes doivent se construire. L’objectif principal étant de placer les hommes au centre des projets afin qu’ils "réussissent leur vie au milieu des autres hommes".

Le bâtiment a été classé monument historique en 1984 et est recensé, depuis le 17 juillet 2016, au patrimoine mondial de l’Humanité en tant que symbole de l’architecture moderne. C’est le seul bâtiment réalisé du vivant de Le Corbusier à Firminy, et c’est pour cette raison que c’est le seul bâtiment de la ville qui participe à la candidature Unesco, et qui a obtenu le label.

Fresque de la face sud de la Maison de la Culture

© Tim Douet
Fresque de la face sud de la Maison de la Culture

Sur la face sud de la Maison de la Culture, on peut apercevoir une fresque qui représente les arts majeurs qui y sont pratiqués : peinture, sculpture, musique et théâtre. La particularité de cette fresque réside dans le fait que la partie haute s’inscrit en creux, tandis que la partie basse est en relief. Une erreur de conception du coffrage que l’architecte a souhaité conserver.

Décryptage d’un bâtiment complexe à lire

Filon de charbon conservé par Le Corbusier

© Tim Douet
Filon de charbon conservé par Le Corbusier

La Maison de la Culture s’appréhende pleinement dans son rapport au site. Surplombant le stade, la façade inclinée du bâtiment fait écho aux gradins situés juste en face. De même, ce centre culturel semble tout droit sorti du bloc rocheux sur lequel il est ancré, qui s’avère être une ancienne carrière de grès houiller.

On peut apercevoir encore un ancien filon de charbon que le Corbusier a voulu garder tel quel. Il souhaitait faire ce qu’il appelle une "résonance poétique", entre le matériau industriel du béton issu de l’homme, et le matériau brut naturel de la roche. L’architecte voulait atteindre une véritable symbiose de la construction avec son environnement.

Pour tenter de faire oublier le caractère imposant de cet édifice en béton qui fait plus de 112m de long, Le Corbusier a utilisé la technique de la construction sur pilotis sur plus d’un tiers de la surface du bâtiment. Le toit courbe casse aussi l’aspect massif de la Maison de la Culture et permet d’avoir un plan libre tout au long de l’édifice, car pour l’architecte, il faut qu’un lieu puisse s’adapter selon les besoins. C’est-à-dire qu’avec ce plan libre, on peut faire tomber tous les murs à l’intérieur et par exemple, créer un immense espace libre.

L’autre particularité de l’architecture de la Maison de la Culture est l’utilisation de pans de verres ondulatoires. On doit ce système de fenêtre à Iannis Xenakis, qui était architecte dans le cabinet de Le Corbusier, mais aussi mathématicien et musicien. L’objectif était de retranscrire une partition musicale dans l’architecture à travers une suite ordonnée selon les lois mathématiques établies par Fibonacci. Avec ces pans de verres ondulatoires, on a donc une musique qui va sortir de l’architecture pour résonner dans tout le bâtiment.

Pans de verres ondulatoires

© Tim Douet
Pans de verres ondulatoires

L’intérieur de la Maison de la Culture fonctionne comme une petite ville, les couloirs sont par exemple surnommés les "rues" et on retrouve un véritable centre avec le foyer, placé au niveau zéro. Ce foyer comprend un bar et des loges pour les artistes. C’est un lieu où tout le monde se croise : techniciens, artistes et spectateurs se rencontrent autour de la grande cheminée.

Le second élément intérieur remarquable est la grande salle. Conçue initialement comme un grand foyer pour les jeunes de Firminy, elle devient finalement une salle de spectacle. Pour pouvoir prétendre au label de maison de la culture, celle-ci doit présenter une capacité de 2 000 places, or les gradins de cette salle peuvent seulement accueillir 200 personnes. C’est pourquoi il existe le théâtre en plein air, au pied de la Maison de la Culture, qui permet de pallier le déficit de place.

La restauration du bâtiment et la consécration finale

La Maison de la Culture est toujours en activité, de nombreux spectacles et activités culturelles sont encore aujourd’hui présentés au public. Le bâtiment, point d’entrée du site Le Corbusier, abrite aussi le service culturel de la ville de Firminy.

Salle de concert de la Maison de la Culture

© Tim Douet
Salle de concert de la Maison de la Culture

Ce centre culturel a été restauré entre 2009 et 2013, grâce à l’intervention de la ville de Firminy, soutenue par la Direction régionale des Affaires Culturelles Rhône-Alpes et par la Fondation Le Corbusier. Il s’agissait de garantir la pérennité de ce bâtiment, afin que la Maison de la Culture reste un lieu de création et de diffusion de la culture à l’échelle régionale. La restauration a porté ses fruits, aidant fortement à ce que la Maison de la Culture soit inscrite aujourd’hui sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

En étant le second bâtiment classé Unesco dans la région, avec le Couvent Sainte-Marie-de-la-Tourette (Eveux), la Maison de la Culture constitue désormais un enjeu majeur pour l’attractivité du territoire stéphanois.

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