Jean-Marc Bret
© Tim Douet

Souffrance au travail : sortir du tandem “harceleur/harcelé”

L’avocat lyonnais Jean-Marc Bret est aussi médiateur. Il intervient dans les entreprises pour mettre en place des processus de médiation lors de situations conflictuelles. Il est également auteur de plusieurs ouvrages sur la prévention des risques psychosociaux.

Lyon Capitale : On parle beaucoup de la souffrance au travail. Les risques psychosociaux sont de plus en plus pris en compte dans les accords professionnels en reconnaissant la responsabilité de l’employeur dans tous les cas…

Jean-Marc Bret : Il y a une obligation de sécurité qui incombe au chef d’entreprise et, depuis un arrêté récent, elle est même devenue une obligation de résultat. Lorsqu’il y avait un pépin, l’employeur voyait sa responsabilité engagée. Aujourd’hui, il y a une obligation de “moyens renforcés”, donc de prévention.

Quel est le rôle du médiateur lors d’un conflit dans une entreprise ?

La fonction première de la médiation, c’est de réinstaurer la communication. Pas uniquement pour prévenir les risques psychosociaux, mais aussi pour traiter toutes les situations conflictuelles. Le tribunal va s’occuper du litige, la facture à payer, les dommages et intérêts… Nous, ce qui nous intéresse, c’est pourquoi on en est arrivé là ! Dès que la communication a été réinstaurée grâce aux techniques de médiation, les solutions émergent naturellement.

Plutôt prévenir que guérir, donc…

Oui, travailler en amont, c’est éviter l’escalade du conflit. Beaucoup de situations deviennent des situations de harcèlement ou de souffrance au travail qui n’auraient jamais dû évoluer vers cela si elles avaient été repérées et gérées plus tôt par un manager sensibilisé à la culture de médiation.

Vous dites d’ailleurs dans votre dernier ouvrage que la plupart du temps les conflits proviennent de malentendus. Il n’y a pas nécessairement un bourreau d’un côté et une victime de l’autre… Vous insistez aussi sur la notion de salarié responsable.

Oui, des “mal écoutés”, des “mal exprimés” qui donnent des malentendus… Le médiateur demande aux protagonistes – ceux que l’on appelle les médians – de construire la solution. On va remettre le salarié, qui se présente en victime, en situation de sujet actif. Dans les situations de harcèlement, par exemple, on va éviter d’avoir une approche manichéenne de la situation en mettant en cause les individus. Il faut les sortir du tandem “harceleur/harcelé”. On peut par exemple interroger l’organisation du travail : est-elle maladroite, pathogène ?

Comment se déroule un processus de médiation ?

Généralement, nous rencontrons chacune des parties pour un entretien individuel. Puis nous organisons une rencontre où les deux s’expriment sur leurs “besoins” et les posent sur la table. Le “besoin” de l’un devient celui de l’autre et inversement. C’est un des principes de la médiation : le problème d’une personne devient le problème de tout le monde… Tout le processus consiste à faire reconnaître à l’un ce qui est important pour l’autre, ce qui n’est déjà pas simple !

Le salarié, qui se présente au début dans une posture passive, va aussi peu à peu retrouver cette “énergie de vie” en participant à la co-construction des solutions. J’ai assisté à des situations où, tout d’un coup, il y a eu un “éclair” entre le salarié et son manager.

Et pour cela, le pivot de la médiation, c’est la confidentialité. Rien qui se dit dans un processus de médiation ne peut sortir du cadre de la médiation. Cela permet de dire bien plus de choses que devant un conseil des prud’hommes.

Y a-t-il des réticences de la part de certains managers, qui se sentent dépossédés de leur autorité en demandant à un tiers de gérer un conflit ?

Pourquoi aurait-il le sentiment d’être dépossédé alors qu’il ne l’a pas lorsqu’il va voir son expert-comptable, son commissaire aux comptes ou lorsqu’il fait appel à son avocat ? Au contraire, la médiation est un outil de management supplémentaire mis à la disposition du chef d’entreprise.

Mais, comme dans toute relation humaine, il y a parfois des questions d’ego…

Oui, bien sûr. C’est pour cela que nous menons des entretiens préalables pour évaluer la capacité des sujets à penser “l’altérité”. Il faut être psychiquement capable de se mettre à la place de l’autre. Il y a parfois des cas où la médiation n’est pas possible.

Mais, lorsqu’elle est possible, on ne sort pas d’une médiation comme on y est entré. Car il va se passer des choses qui font que deux personnes – fussent-elles chef d’entreprise et employé – vont parler “d’humanité à humanité”, bien au-delà de leur statut social.

À lire :
Jean-Marc Bret / La Médiation : un mode innovant de gestion des risques psychosociaux, collection Médias et Médiations, Yvelinédition, mai 2016, 12 €.

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