Laurent Wauquiez 10.16 région
© Tim Douet

Clause Molière : “Les élus devraient balayer devant leur porte”

“Surenchère populiste”, “égoïsme inouï“ et “mépris abyssal”… Pierre Desroches* explique dans cette tribune libre pourquoi la “clause Molière” votée par le conseil régional aurhalpin – mais aussi par ceux d’Ile-de-France et des Hauts-de-France, notamment – est selon lui pure “propagande”.

“Dans la surenchère populiste à laquelle n’échappe aucun candidat à la présidentielle, l’attribution des marchés aux PME françaises revient comme un leitmotiv.

Petite précision d’abord : au sens réglementaire, une PME est une entreprise de moins de 250 personnes avec moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.

L’obligation de maîtrise de la langue française par les travailleurs détachés est évoquée pour des raisons de sécurité. Pour appliquer des consignes de sécurité données en français, il est en effet préférable que l’ouvrier comprenne la langue. Pour éviter une rupture d’information, de nombreux marchés de travaux contiennent depuis plusieurs années une clause prévoyant à cet effet l’obligation d’un traducteur.

Mais tous ces élus qui partent en croisade pour la sécurité devraient balayer devant leur porte. Avec une extrême réticence, ils ont mis près de vingt ans pour accepter de se conformer au décret du 26 décembre 1994 relatif à la coordination sécurité et protection de la santé. Aujourd’hui encore, il y a de sérieux trous dans la raquette.

Certains blâment ce qu’ils nomment le dumping social, trouvant déjà les salaires français trop faibles et jugeant inadmissibles ceux pratiqués dans l’est de l’Europe et a fortiori dans le tiers monde. Mais ces salaires “scandaleusement bas” concernent 80 % des travailleurs du monde, et on ne voit pas comment, avec leurs petits bras musclés, nos donneurs de leçons pourraient y changer quelque chose. De plus, ils révèlent ainsi un égoïsme inouï et un mépris abyssal pour ces pauvres qui abandonnent leur famille afin de lui procurer de quoi manger.

Pourquoi les travailleurs détachés sont-ils aussi nombreux sur nos chantiers ? Bien sûr, ils coûtent un peu moins cher. Il faut dire également que ces métiers n’attirent pas les Français, et que la main-d’œuvre est rare. Mais une raison majeure est que ce sont des gens travailleurs et disciplinés, au point que nombre de maîtres d’ouvrage choisissent une entreprise à la condition qu’elle fasse intervenir ces équipes performantes…

Reste le projet de réserver 50 %, voire 75 %, des marchés publics aux PME françaises. Il suffit d’examiner les marchés publics attribués pour se rendre compte qu’ils sont déjà confiés à plus de 90 % à des PME françaises.

Et il reste les marchés privés, pour lesquels une obligation serait une atteinte à la liberté qui plomberait un peu plus notre économie.

Ce ne sont plus des programmes de campagne, mais de la meilleure propagande !”

* Pierre Desroches est spécialiste des marchés publics au sein de l’association grand-lyonnaise Canol

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