Ballet Grand Théâtre Genève Tristan Isolde
© Grégory Batardon

Tristan et Isolde : l’opéra de Wagner en ballet à Lyon

Le ballet du Grand Théâtre de Genève est à Lyon pour une petite semaine. Au programme : Tristan et Isolde de Wagner, transcrit pour la danse par la chorégraphe Joëlle Bouvier. Amour contrarié, amour, trahison, ressentiment, pardon… Émotions garanties !

Entretien avec la chorégraphe Joëlle Bouvier

Lyon Capitale : Vous aviez déjà travaillé avec le Ballet de Genève en créant Roméo et Juliette, avez-vous un lien particulier avec cette compagnie ?

Joëlle Bouvier : Avant tout et pour être honnête, je dirais que je suis prête à travailler avec tous les ballets. Lorsque j’avais un centre chorégraphique*, j’avais les moyens de créer aisément. Depuis que je ne l’ai plus et que le fait d’avoir une compagnie indépendante s’est transformé en une course à la recherche de financements, les temps sont devenus durs.

* Au Havre de 1986 à 1992 puis à Angers jusqu’en 2003.

Travailler avec des ballets est un plaisir car ils offrent une structure solide pour accueillir un travail de création. Après le Roméo et Juliette, Philippe Cohen, le directeur [du ballet du Grand Théâtre de Genève, NdlR], m’a fait confiance une nouvelle fois. Ce n’est pas difficile avec ses danseurs car ils sont souvent sollicités par des chorégraphes contemporains et ils sont capables d’assumer des choses très différentes, d’incarner des personnages.

Vous n’aviez pas peur de vous confronter à cette œuvre immense ?

J’ai eu très peur, mais en fait la peur est devenue un moteur. Je ne connaissais pas bien Wagner. J’ai très vite senti que cette œuvre était colossale et je savais que d’autres artistes, des metteurs en scène comme Chéreau, s’y étaient confrontés, en ayant aussi à subir les critiques des puristes.

Quand Philippe Cohen me l’a proposée, il m’a dit “Tu fais ce que tu veux mais il faut que tu traverses l’opéra” et moi je me suis dit : non, je ne vais pas faire comme ça, je vais me confronter tête basse avec la structure existante de l’opéra.

Vous avez transformé une œuvre qui n’a pas été écrite pour la danse, qui plus est en la réduisant à 1h30 au lieu de 4h, comment avez-vous fait ?

J’ai d’abord écouté Wagner des heures et des heures durant pour m’imprégner. Puis j’ai découvert Tristan et Isolde. La musique est incroyable, elle se dévoile en vous petit à petit. On ne peut pas l’écouter comme ça. Au début c’était difficile, puis c’est devenu très fort, je me suis laissé emporter, j’ai commencé à couper avec délicatesse, puis de plus en plus. Je pense que Richard a dû se retourner dans sa tombe. Mais je ne pense pas l’avoir trahi, j’ai parcouru l’opéra tel qu’il est écrit dans son livret, j’ai fait une réduction de texte, puis un travail de reconstruction de la musique.

Il y avait des parties musicales impossibles à garder telles quelles car trop fortes, danser avec était impossible et il n’y avait rien d’autre à faire que d’écouter. Ensuite, j’ai commencé à travailler avec mes assistants et là encore ce n’était pas facile, du fait que la musique change tout le temps. On est allé dans la matière profonde de la musique, pas sur le tempo car on ne pouvait pas compter.

Cette impossibilité à se caler sur la musique a amené les interprètes à s’investir d’une autre manière, très prenante, c’est ce qui fait toute la puissance émotionnelle de la pièce.

Ballet du Grand Théâtre de Genève / Joëlle Bouvier
Tristan et Isolde – “Salue pour moi le monde !”
Du 8 au 13 avril, à la Maison de la danse
> Bord de scène : rencontre avec l’équipe à l’issue de la représentation du 10 avril.

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