"Avec son pessimisme cultivé, la France entière me fait peur"

Éric-Emmanuel Schmitt était jeudi dernier à la salle Rameau pour présenter son livre "Plus tard, je serai un enfant", un livre d'entretien sur sa vie. Peu avant cette soirée, il était l'invité de l'Autre Direct.

Lyon Capitale : Dans votre livre vous revenez sur votre enfance qui s'est déroulée à Lyon. Quel rôle a joué la ville dans l'adulte que vous êtes ?

Éric-Emmanuel Schmitt : Avec les années, je me rends compte que le rôle de Lyon est énorme. Je suis né à Sainte-Foy-lès-Lyon, sur la colline de Fourvière. Mes parents avaient un balcon d'où l’on voyait toute la ville. Le monde s'est donné à moi comme un spectacle. Il y avait à la fois le recul nécessaire pour admirer le paysage et la distance pour réfléchir. Je suis sûr que le philosophe est né dans le petit garçon qui regardait Lyon, les monts et les Alpes au loin. Le monde était passionnant et beau. Et quand je n'arrivais plus à voir, j'imaginais.

Il faut dire que Lyon est une balade à travers les siècles. J'allais au lycée Saint-Just, qui date du XIXe siècle. À côté de l'établissement, il y avait l’amphithéâtre gallo-romain. Pour y aller, je traversais le Vieux Lyon, c'est-à-dire une époque médiévale et Renaissance. Et au loin, il y avait les tours de la Part-Dieu. Cette connivence avec les époques est très lyonnaise.

En tant qu’artiste et intellectuel, comment jugez-vous le climat actuel en France, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle ?

Je crois qu'il y a toute une partie de la population qui n'écoute que ses douleurs et ses souffrances. Je ne lui jette pas la pierre parce qu'il y a des gens qui rencontrent de réelles difficultés, qui ont peu de perspectives d'avenir et qui se sentent rejetés de la société. Ceux-là ont une légitimité. Au-dessus de ceux-là, il y a un culte du malheur et du «ça ne va pas». Avec son pessimisme cultivé, la France entière me fait peur.

C'est si nouveau que ça ?

Si on regarde dans la littérature, les Français sont toujours apparus comme très très pessimistes. Mais il y a des siècles merveilleux qui y ont échappé, comme le XVIIIe siècle, siècle des Lumières où il y avait l'enthousiasme philosophique et la volonté de donner un accès culturel à tous. On a retrouvé cela à la fin du XIXe siècle. C'est comme si les fins de siècles se remettaient à l'optimisme. Malheureusement, là on est au début du XXIe.

Retrouvez l’intégralité de l’interview d'Éric-Emmanuel Schmitt dans l’Autre Direct, dans la vidéo ci-dessous.

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