Couv Laurent Astier Face au mur

Lyon BD Festival : Face au mur, une fiction de la réalité

Jean-Claude Pautot, ex-braqueur maintenant peintre prisonnier, a désormais son nom associé à celui de Laurent Astier. Le dessinateur de L'Affaire des affaires a publié en mars dernier Face au mur, une fiction largement inspirée de la vie de grand bandit de Jean-Claude Pautot. À l'occasion du Lyon BD Festival, l'auteur et le peintre à la vie chaotique se sont retrouvés pour évoquer ensemble la conception de Face au mur.

Les deux hommes se rencontrent par hasard début 2012. Astier est convié à donner des cours de bande dessinée à la Maison Centrale de Saint-Maur. Sur les neuf inscrits au cours, un seul présent, Jean-Claude, qui était là pour tester Laurent : "Les ateliers d'un mois sont mal vus, parce qu'on sait qu'il n'y a pas de perspective. On passe pour des cobayes auprès des gens qui veulent se donner bonne conscience. Donc on n'aime pas ça. J'ai été voir, et j'ai dit aux autres que c'était bon, qu'ils pouvaient venir", raconte l'ancien braqueur. La semaine suivante, les neuf détenus sont présents. Très vite, Pautot et Astier s'entendent bien. Le bandit aujourd'hui rangé se livre au dessinateur à travers un quizz : qu'aurais-tu fait à ma place ?

L'histoire rattrape l'auteur

Laurent Astier adore le grand banditisme. Spécialiste des polars, il s'était pourtant juré de ne pas aller en prison pour y trouver des idées pour ses histoires : "Je ne voulais pas recueillir de la matière. J'y allais vraiment avec l'envie de partager ma passion pour la bande dessinée. C'est l'histoire qui m'a rattrapé", confie-t-il. Lorsque Pautot doit être transféré en prison de haute sécurité, Astier ne peut s'empêcher de lui demander le droit de faire quelque chose de son histoire. L'ex-bandit accepte. Le projet est né.

Récit décousu

C'est Laurent Astier qui s'est chargé de choisir la chronologie du récit. Si certaines scènes ne correspondent pas à la temporalité réelle, c'est parce qu'il estimait que les éléments seraient plus impactants s'ils survenaient à un autre moment. Il en va de même pour la trame entrecoupée de flash-backs : "Il fallait quelque chose qui soit aussi proche du récit que m'a fait Jean-Claude. Tout n'est pas toujours dans l'ordre, parce que ce sont les souvenirs qui sont faits comme ça." De là, on commence à apercevoir le début d'une subtilité délicate et difficile à mettre en place : comment se servir de la réalité pour créer une fiction, et comment faire comprendre qu'il s'agit bien d'une fiction ? Car c'est là tout le propos de Face au mur : s'inspirer de la vie de Jean-Claude Pautot pour raconter une histoire de bandit qui ne soit pas uniquement et entièrement la sienne. "C'est Jean-Claude qui a choisi de me raconter certaines choses ou pas, il a déjà filtré à l'origine pour que je n'en dise pas trop" explique l'auteur. Et Jean-Claude Pautot de rajouter : "On ne peut pas tout dire si je veux me protéger, et protéger ceux qui m'ont aidé".

"Il y a des choses vraies, mais ce n'est pas moi qui les ai faites."

Si l'auteur s'est documenté sur certains lieux comme la prison Saint-Joseph, où il a réussi à se rendre malgré l'inaccessibilité au public, il est important de préciser que ce récit est avant tout une fiction. Laurent Astier précise : "Je ne voulais pas faire une biographie de Jean-Claude Pautot, ce n'était pas le but. Mais je voulais m'accrocher à des détails de vie". Lorsque l'on feuillette Face au mur, difficile de discerner la réalité de la fiction. La complexité du travail d'auteur a été de trouver un équilibre cohérent entre le réel et l'imaginaire. D'un côté, rendre probables des histoires qui dépassaient le possible, explique Laurent Astier : "Je me suis inspiré de ce que je connaissais, mais il y certaines scènes que je ne pouvais même pas imaginer !". Et d'un autre, faire comprendre au lecteur que tout n'est pas issu de la réalité.

Un récit de vie et non une incitation au délit

A plusieurs reprises, Jean-Claude Pautot se sent obligé de se justifier, répétant : "Cette bande dessinée, ce n'est pas une apologie du crime. Aujourd'hui je me suis rangé, je veux retrouver une vie normale, et je compte les années qui me restent à faire en prison. L'évasion, c'est fini. Je n'ai plus envie". Face au mur, c'est aussi des souvenirs parfois douloureux dont l'ex-braqueur aurait préféré se passer. Mais comme avec la peinture, qu'il expose aujourd'hui régulièrement, dans son atelier au Faubourg St Honoré à Paris, la bande dessinée a été une manière de régler certaines choses avec lui-même. Même si ce livre "ne représente même pas un centième de tout ce qu'il s'est passé" précise Jean-Claude Pautot. Une histoire de vie partielle, mais qui sera complétée en partie par le tome 2 de Face au mur, prévu par Laurent Astier.

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