Suite à la disparition d'un homme parti le 15 août dernier tenter l'ascension du mont Blanc en tenue de trailer, le maire de Saint-Gervais a pris un arrêté municipal imposant à tous les candidats à l’ascension du mont Blanc un équipement minimum.
Ça ne va certainement pas faire plaisir à l'ultra-trailer espagnol Kilian Jornet : le maire de Saint-Gervais a pris, jeudi 17 août, un arrêté "réglementant l'accès au mont Blanc depuis la voie royale". Le texte, exécutoire immédiatement, impose un équipement minimal : "bonnet, lunette de soleil + masque de ski + crème solaire, veste chaude + gore tex, pantalon de montagne + surpantalon, chaussures d'alpinisme pouvant recevoir des crampons, crampons réglés aux chaussures, baudrier + kit de sortie de crevasse, corde d'attache, GPS ou boussole + altimètre".
"Face à l'inconscience de certains, il est de mon devoir de siffler la fin de la récréation!" défend Jean-Marc Peillex, le maire de Saint-Gervais. "Malgré les efforts de tous les acteurs de la montagne à convaincre que le mont Blanc ne se gravit pas comme une montagne à vaches, malgré la médiatisation faite autour des actes inconscients de quelques-uns, rien n’y fait et les accidents mortels dus à la seule imprudence, voire à la folle envie de réaliser un exploit, s’installe."
La décision du maire de Saint-Gervais intervient le lendemain de la disparition d'un Français de 46 ans, parti tenter l'ascension du mont Blanc par la voie normale du Goûter, en "short et en baskets" d'après le PGHM de Chamonix (Peloton de gendarmerie de haute-montagne).
Le 10 août dernier, Jean-Marc Peillex s'était fendu d'un communiqué ravageur sur le mont Blanc qui faisait office "tantôt de "Foire du trône" tantôt de "Disneyland"", prenant soin de rappeler l'histoire de ce père de famille américain qui voulait battre le record du monde en faisant gravir le mont Blanc à ses enfants de 9 et 11 ans, dans le cadre du tournage d'une émission de téléréalité d'ABC News, et échappant miraculeusement à une avalanche dont il avait revendu les images; ou encore celle de cette famille hongroise qui voulait faire gravir le plus haut sommet d'Europe à ses jumeaux de 9 ans chargés de sacs de 12 kilos et que les sauveteurs réussirent à convaincre de ne pas risquer la vie de leurs enfants, les redescendant en hélicoptère dans la vallée.
"Quelques têtes brûlées confondent l’ascension du Mont-Blanc avec un ultra-trail"
"Voilà plus de deux ans que le Mont-Blanc est confronté à de telles situations où quelques têtes brûlées confondent l’ascension du Mont-Blanc avec un ultra-trail. Il suffit de se souvenir de ce pseudo alpiniste asiatique qui avait fait une chute dans le couloir du Goûter, en tenue de trail et avec des chaussures de trail….. celles dont la semelle moule les doigts de pieds. Heureusement pour lui, il survécut…" ajoute l'élu savoyard.
Une société d'événementiel aurait même sollicité l'autorisation du maire de Saint-Gervais pour organiser un ultra-trail jusqu'au sommet du mont Blanc, le 22 août prochain, autorisation "bien évidemment refusée".
La disparition du trailer français, mercredi 16 août, dans le massif du Mont-Blanc a, semble-t-il, été la goutte de trop. L'homme a-t-il été inspiré par l'ultra-trailer Kilian Jornet ? Surnommé "l'ultraterrestre" dans le milieu, l'Espagnol de 30 ans est une légende vivante des courses en montagne et des ascensions, lesté d'un minimum de matériel. Et citant Bukowski : "celui qui n'est pas fou n'est pas vivant".
Le 21 juin dernier, Kilian Jornet postait une vidéo sur sa page Facebook où on le voyait grimper l'arête sommitale du mont Blanc, puis redescendre en courant, et saluant au passage trois alpinistes encordés. Et d'en appeler à la mémoire : "au XIXe siècle, des gens montaient déjà au mont Blanc sans être encordés, peu équipés. Je n’invente rien." Mais n'est pas Kilian Jornet qui veut.
"Complicité de ceux qui crient au scandale"
Réplique cinglante du maire de Saint-Gervais : "j’entends déjà quelques voix s’élever pour "crier au scandale" et rappeler que la montagne est le "dernier espace de liberté". A ceux-là, je répondrai simplement que, vu le degré d’équipement de certains sites de la montagne et du massif du Mont-Blanc, il y a longtemps qu’ils ne constituent plus un espace naturel et de liberté. Ils sont au contraire devenus des espaces urbains de commerce où la liberté se résume au respect des règles du business !" Et d'enfoncer le piolet un peu plus, accusant sans le citer l'ultra-trailer espagnol. "A ceux-là je dirai que pour jouir de la liberté, il faut être vivant… En refusant d’agir face à l’inconscience de certains, tous ceux qui le font sciemment portent une lourde responsabilité complice."
L'arrêté du maire de Saint-Gervais promet de faire parler dans le peloton des ultra-trailers qui se réunissent la semaine du 28 août au 1er septembre, à Chamonix,à l'occasion de l'UTMB (Ultra-trail du Mont-Blanc) la course d'ultra-trail la plus mythique de la planète.