Deux jours après l’expulsion d’un campement de 149 personnes de l’esplanade Nelson-Mandela, une partie d’entre elles demeurent sans point de chute, dans le quartier de la Part-Dieu.
Le terrain est désormais grillagé et placé sous la surveillance de vigiles d'une société privée. Mais une partie des familles expulsées du campement de l'esplanade Nelson-Mandela vendredi est toujours présente dans le quartier de la Part-Dieu. Juste de l'autre côté de l'avenue Félix-Faure, se trouvent une vingtaine de personnes et des chariots chargées d'affaires personnelles, ce dimanche. Parmi elles, une famille bosnienne dont la petite fille d'une dizaine d'années explique en anglais qu'une partie des 149 personnes expulsées vendredi a été orientée vers des hébergements d'urgence. Eux sont restés. "La police nous a donné une adresse, mais comme nous n'avions pas d'ordinateur pour la trouver, nous sommes restés ici", raconte-t-elle.
Les rapports avec les vigiles privés sont cordiaux et la discussion courante. "Ils savent que la décision ne vient pas de nous, confie un agent pendant sa pause-déjeuner. Ils sont là parce qu'il n'ont nulle part où aller, mais ils ne causent pas de problème." Les vigiles veillent aussi à ce qu'un le campement ne soit pas reconstitué. Le jeu du chat et de la souris avec la police a commencé.
“Sept mois que nous sommes dans la rue”
"Les policiers nous laissent tranquilles tant que l'on ne monte pas les tentes", explique une femme en montrant les matelas posés sur le sol du côté sud de l'avenue Félix-Faure. "Le soir, nous allons sur un terrain derrière où nous montons les tentes pour la nuit, mais le matin il faut vite démonter", nous raconte-t-on. "Cela fait sept mois, sept mois que nous sommes dans la rue", souffle un homme venu d'Albanie. Il explique être passé par différents campements dans des parcs du quartier, à l'hiver et au printemps. Le collectif Agir Migrants évoquait vendredi une "cinquième expulsion en sept mois".
Sur les pelouses attenantes au fort de police, d'autres migrants ont trouvé un peu d'ombre pour s'abriter des températures caniculaires. Parmi eux, Argan, qui a un passeport français, "depuis vingt ans". "Je suis arrivé en 1998, raconte-t-il. Aujourd'hui je vis à Villefranche." Il vient pour faire le lien, dans un français irréprochable, avec les particuliers qui apportent de la nourriture ou des vêtements. "On nous amène beaucoup de choses, il y a une dame d'origine maghrébine qui nous a donné un couscous énorme", s'exclame-t-il. Une manière pour Argan d'aider ceux qui comme lui ont émigré d'Albanie, mais avec moins de chance. "La France, ce n'était pas comme cela avant, glisse-t-il. Il y a quelques années, on pouvait encore avoir des papiers."