Joan Riviera, rédactrice en chef et cofondatrice de cette nouvelle revue créée à Lyon, dévoile les dessous d'une aventure éditoriale singulière.
Avec un passé dans l'édition et la diffusion, notamment au sein de la belle revue pour enfants Georges, elle aussi publiée à Lyon, Joan Riviera a une petite idée de la manière dont on lance un objet éditorial. Ce qui ne l'avait pas forcément préparée à affronter le regard effarouché de certains face à la littérature et à l'imagerie érotiques, encore souvent considérées comme un mauvais genre. Elle explique à Lyon Capitale les dessous de la création d'Aventures magazine, une revue explicite, certes, mais drôle et belle, mêlant nouvelles, BD, photos, collages, etc. "Rétro et contemporain", "pour dames et messieurs", on est plus proche ici d'un magazine d'art branché que d'une feuille de chou pornographique.
D'où est venue votre idée de publier une revue érotique ?
Je suis moi-même collectionneuse, depuis plusieurs années, de publications érotiques des années 1950 à 1970. J'aime cette imagerie vintage, qui évoque aussi les premiers émois adolescents car il n'y avait pas Internet quand j'avais cet âge-là. Avec Aventures magazine, nous voulons publier de la fiction, montrer des belles images du présent et du passé, dessins ou photos, et surtout montrer que l'émotion érotique peut être quelque chose de léger et de drôle.
Comment diffusez-vous votre revue ?
Le premier numéro, qui sortira officiellement le 24 octobre, sera tiré à 2500 exemplaires et la diffusion en librairie – et non en kiosque – est assurée par le diffuseur Les Belles Lettres. Nous sortirons six numéros par an et l'objectif est de séduire rapidement des abonnés. Nous espérons trouver un modèle économique durable dans les deux ans.
Pour démarrer, vous avez lancé un financement participatif.
Au départ, nous ne pensions pas le faire, car nous avions constitué avec Vic Lenoir, le cofondateur et directeur artistique, un capital de départ permettant de publier le premier numéro. Mais le crowdfunding est un bon outil de communication et finalement, les quelque 6000 euros levés nous permettent d'avancer de manière plus sereine, de financer des événements de lancement, etc. Il y a bonne énergie derrière tout ça.
N'avez-vous pas peur de la frilosité des libraires à mettre en avant un ouvrage réservé aux adultes ?
D'abord, j'aimerais bien qu'Aventures magazine soit présenté dans la section revues des librairies, qui commence à être bien garnie depuis quelque temps. Mais être dans le rayon érotique m'ira aussi… Les premiers retours que j'ai ne me font pas remonter de réactions épidermiques. De plus, j'ai l'impression qu'on est à un moment où la littérature érotique sort un peu du dessous des tables des libraires, dans la foulée de 50 nuances de Grey et des livres dits "new romance". Je passais récemment dans une Fnac à Lyon et j'y ai vu un vrai rayon de littérature érotique, bien identifié et pas dissimulé. Je pense qu'un lectorat se recrée et notre but est bien de créer du lien avec ces lecteurs. Plusieurs libraires nous contactent pour organiser des lancements, et l'association des libraires de la région Paca nous a invités à venir parler du projet. Cela va dans le même sens.
Pourtant, l'érotisme, la représentation de la nudité n'ont pas toujours bonne presse…
C'est effectivement paradoxal. Il y a un attrait des lecteurs, mais en même temps une chape de plomb moral tend à peser sur l'édition et les auteurs… Plusieurs ouvrages ont dû subir une vague de protestations, comme le livre jeunesse Tous à poil. Et puis, c'est toujours difficile, avec un projet érotique, de trouver un banquier, de discuter avec la Poste pour les envois de nos revues…
Est-ce compliqué de trouver du contenu de qualité ?
Pour les choses anciennes, on déniche des perles chez les bouquinistes par exemple. Ou dans la collection de la Fondation internationale d'arts et littératures érotiques (F.I.N.A.L.E.), à Lausanne en Suisse. Mais le plus compliqué est de retrouver les ayants droit de certaines œuvres, écrites sous pseudonymes et publiées par des maisons d'édition depuis longtemps disparues.