L'association Reporters Solidaires, en partenariat avec l'université de Lyon 2, tiendra les 18 et 19 octobre un colloque sur les enjeux de la francophonie dans les médias africains. À l'heure où près de 120 millions de personnes, réparties sur 31 pays parlent le français, l'association ouvre la porte aux interrogations qui découlent de la quasi-omniprésence du français sur le continent africain.
Depuis bientôt 10 ans, l'association Reporters Solidaires organise des formations journalistiques dans certains pays d'Afrique. Le but ? Renforcer les compétences, mais aussi la liberté de la presse. En formant de jeunes journalistes à leurs devoirs, l'association espère pouvoir redonner une place libre aux médias dans des pays où ils sont contraints.
Reporters Solidaires, une association partenaire
Christine Cognat, ancienne journaliste du Progrès et présidente de l'association Reporters Solidaires s'est lancée dans le projet pour répondre à une demande guinéenne. "Beaucoup de gens n'ont jamais eu de formation, ou alors de vagues notions d'info-com. Avec les bénévoles on intervient pour apporter les bases. On insiste aussi beaucoup sur les droits et les devoirs des journalistes, pour les sensibiliser à une presse libre, qui doit s'émanciper et pouvoir gagner le respect des populations" explique-t-elle convaincue. À raison de séminaire d'une semaine organisés deux fois par an et pendant deux ans, une quinzaine de journalistes bénévoles interviennent auprès de trente journalistes ou futurs journalistes burkinabés, guinéens ou maliens. Si les formations sont nécessaires sur la forme, elles le sont d'autant plus sur le fond. Pour Reporters Solidaires, il est capital de professionnaliser les journalistes pour une meilleure démocratie : "L'association est là pour leur faire comprendre que la liberté de la presse est fragile, et qu'elle ne peut se mériter qu'en étant irréprochable. Mais on ne veut pas non plus arriver en tant que Blancs qui prêchent la bonne parole. On intervient toujours en partenariat avec des associations locales."
Réhabiliter la profession
Reporters Solidaires ne travaille qu'avec des associations locales, bien au fait de la situation des journalistes. "Et c'est une vérité, explique Christine Cognat, en Guinée par exemple, les journalistes sont obligés de se positionner pour ou contre le gouvernement. Et ils sont très mal payés, alors forcément, ils acceptent parfois quelques enveloppes pour gagner de l'argent. On ne peut pas les blâmer pour ça, mais il faut que ça change, pour réhabiliter la profession aux yeux des populations. C'est un métier très risqué, où ils reçoivent des menaces tous les jours." Avec les journalistes français qui se rendent sur place, les journalistes locaux travaillent sur la déontologie et les devoirs de la presse. Le colloque organisé les 18 et 19 octobre sera aussi l'occasion de renforcer des partenariats, et d'en créer de nouveaux. Le fondateur de la future école de journalisme de Bamako s'est d'ailleurs invité au colloque. L'occasion pour tous les acteurs de se rencontrer et d'établir de nouvelles forces d'action.
La francophonie, force ou fracture ?
C'est la toute première fois que l'association organise un tel événement. Au programme, des débats ainsi que des tables rondes sur la place du français dans les médias africains. "Il est évident que le français a une place capitale, dans l'administration, mais aussi dans les médias. Certains chercheurs prévoient même qu'elle deviendra la deuxième langue utilisée dans le monde des affaires. Mais notre but n'est pas d'imposer la langue française et de son prôner son importance. On constate simplement qu'elle prime dans les médias, avec de plus en plus d'émergences de tentatives avec des langues locales ou nationales." Christine Cognat poursuit en expliquant que le français, s'il unit une partie de la population, en rejette une autre : "Dès que l'on sort des capitales, on rencontre des gens qui n'ont pas été à l'école, et pour qui il est très difficile de comprendre le français. La langue française peut aussi être un risque de fracture sociale. C'est tout l'intérêt du colloque que de soulever des questions de ce genre." Durant deux jours, journalistes, mais aussi chercheurs français, guinéens et burkinabés débattront du rôle et de la place de l'omniprésent français. "Le but du colloque n'est pas d'apporter des réponses immuables, mais d'échanger, de mieux se connaître et de renforcer les liens. Et peut-être de mieux comprendre les enjeux du français dans leurs médias." Le colloque ouvrira les portes vers l'avenir. En insistant sur la francophonie, Christine Cognat espère que l'événement permettra de mettre en perspective le futur équilibre à trouver entre le français comme une langue "pratique puisque beaucoup utilisée malgré tout" et les langues locales ou nationales "qui relèvent vraiment de l'identité, de la culture propre."