Le mardi 3 octobre, l'université de Lyon 2 décidait d'interdire la tenue d'un colloque intitulé : "Lutter contre l'islamophobie, un enjeu d'égalité". Le colloque qui devait se tenir le 14 octobre avait pour but de faire interagir des acteurs associatifs et des chercheurs universitaires sur la question d'un islam politique. Très fortement contesté, le colloque a été annulé par la présidence de l'université Lyon 2, qui promet tout de même l'organisation d'un rassemblement similaire à venir.
Et les musulmans laïques ?
Dans le contexte de la polémique, le porte-parole du Collectif des musulmans progressistes et laïques a souhaité répondre dans une lettre ouverte à la présidente de l'université Lyon 2. Nasser Ramdane Ferradj, président de l'association annonce : "Je ne suis pas pour l'interdiction des débats. Ce qui pose problème, c'est le manque de pluralité. Ce n'est pas normal que la seule voix qui soit entendue soit celle d'un antiracisme qui n'en est pas un." Étonné de ne pas avoir été invité, il admet difficilement qu'un débat contre l'islamophobie puisse se tenir sans donner la parole à des acteurs laïques. Le militant ne réclame pas l'annulation du débat, ou la suppression des associations qui devaient en faire partie : "Si l'université veut continuer à les faire intervenir, très bien, mais pas tout seul. Il faut un vrai débat. Cela permettrait aux étudiants, qui sont les cerveaux de demain, de se faire une opinion sur ce qu'est la lutte contre l'islamophobie." Dans une tribune publiée jeudi sur le site de Libération, Nasser Ramdane Ferradj déplore le manque de place accordée à ceux qui comme lui, sont des musulmans pratiquants et pourtant progressistes, laïques et fervents défenseurs de la République. "Nous ne comprenons pas le traitement qui nous est infligé par les médias. […] Au lieu de faire entendre nos voix qui condamnent l’islamisme, qui défendent le droit des femmes, qui approuvent le principe précieux de la laïcité, des journaux de gauche privilégient des organisations communautaristes."
Le colloque du buzz
L'annonce du colloque avait suscité de vives réactions sur la toile. Des associations comme Femmes contre les Intégrismes, , Forces Laïques ou Comités Auvergne-Rhône-Alpes dénonçaient des méthodes de propagande, visant à radicaliser le public accueilli lors du colloque. Des noms ont été annoncés comme étant ceux de sympathisants islamistes. D'autres voyaient dans le colloque un "meeting laïcophobe". L'événement a été largement décrié par des médias d'extrême droite comme Fdesouche ou le groupe Génération Identitaire mais aussi par des groupes laïques qui ont vu en ce colloque une manifestation des intégristes islamistes, comme la Licra qui dans un communiqué accuse l'université de Lyon 2 de faire la part belle à des idées islamistes, "en présence d'un fiché S". Des réactions contestées qui ont fait enfler la polémique au cours des derniers jours. Le 3 octobre, c'est pour des raisons de sécurité que la présidence de l'université a annulé le colloque. Dans un communiqué, l'université explique que "les conditions [n'étaient] pas réunies pour garantir la sérénité des échanges et le bon déroulement des débats". Toujours dans le même communiqué, la présidence affirme son soutien à la chaire d’Égalité, d'Inégalités et de Discriminations ainsi qu'à l'Institut Supérieur des Études des Religions et de la Laïcité, précisant que les "échanges trouveront à l'évidence d'autres formes d'expression et de mise en débat". Pour l'instant aucune date n'a été donnée pour un éventuel prochain colloque.
Le tribunal administratif saisi
À l'annonce de l'annulation du colloque, le Collectif contre l'Islamophobie en France (CCIF) a saisi le juge administratif. Le collectif demandait l'annulation de la suspension du colloque, au motif qu'elle nuisait gravement à sa liberté d'expression et à son droit de manifestation. Le tribunal a rendu sa décision, affirmant que "l’association requérante a été seulement invitée à participer au colloque […], la seule circonstance que cette association devait ainsi intervenir durant ce colloque ne peut permettre de considérer que la décision attaquée, qui n’a aucune répercussion directe sur ses activités, porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’expression et sa liberté de réunion." Une décision qui n'a pas manqué de faire réagir les étudiants qui aujourd'hui réclame la reprogrammation d'un nouveau colloque.