des vignes à Bagnols dans le beaujolais
Bagnols ©Tim Douet

Beaujolais nouveau : Les Pierres Dorées, la “petite Toscane” française

Le beaujolais des Pierres Dorées veut sa marque et ambitionne de devenir une dénomination viticole au sein de l’appellation socle “beaujolais”. Objectif affiché : monter en gamme pour les vins de garde.

On dit de lui qu’il est l’un des plus beaux vignobles de France. Avec ses villages teintés d’ocre qui jouent avec les reflets du soleil, ses arrondis parfaitement dessinés, entre collines vineuses et vallées serpentines, ses petites routes sinueuses qui vous emmènent d’un village à l’autre où, parfois, la nature a été transformée en tableau de maître. Les troublantes ressemblances avec le val d’Orcia et ses collines argilo-calcaires, dans la province de Sienne, l’ont naturellement révélé comme la “petite Toscane beaujolaise”.

AOC de zone

Si le vocable “pierres dorées” correspond depuis belle lurette à une aire géographique délimitée – ce “pays des Pierres Dorées” que l’office de tourisme éponyme s’efforce sans cesse de mettre en valeur –, il ambitionne aujourd’hui de devenir une appellation viticole spécifique au sein de l’AOP Beaujolais. Pour être exact, on parle de dénomination géographique complémentaire, qui vient s’accoler à l’appellation existante. L’objectif est de faciliter l’identification d’un terroir. Il s’agit en quelque sorte d’une AOC de zone. “Le but est de monter en gamme de manière générale et de faire face à la mauvaise image du beaujolais nouveau, plus particulièrement, même si la presse en parle en mieux depuis deux ans”, explique Manon Bertrand, permanente de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) Beaujolais, une association de producteurs. Si le projet est dans les seaux depuis 2013, le Beaujolais a très officiellement déposé le 19 septembre son dossier de candidature à l’Inao, qui délimite les zones de production et de protection des terroirs. “Les producteurs doivent nous faire la démonstration des spécificités des vins issus de ce secteur spécifique des Pierres Dorées, par rapport à ceux de l’AOP Beaujolais, et du lien entre ces spécificités, les caractéristiques du milieu naturel de ce secteur et les pratiques des professionnels”, explique à Lyon Capitale Noham Bekhiekh, chargé de communication à l’Inao.

Plus d’élevage

Les Pierres Dorées font étalage de leurs sols. De manière dominante, ceux-ci sont issus de marnes ou de calcaires durs de l’ère secondaire, ce sont les argilo-calcaires. Les vins sont fins, légers, le calcaire apporte au vin une touche de dureté agréable. Ce sont des terres bien drainées par les cailloutis et par la pente. “C’est aussi le terroir de prédilection des blancs”, explique Pierre-Marie Chermette, l’une des figures de proue de ce Beaujolais des Pierres Dorées. Dans une petite partie plus au sud-ouest, des sols de granit et de schiste donnent des vins plus fins, qui permettent plus de garde. “L’idée, poursuit Manon Bertrand, c’est d’avoir de l’élevage pour monter nos vins en gamme. En principe, les vins sont élevés jusqu’au 1er janvier, c’est une obligation. Nous, en Pierres Dorées, on va pousser jusqu’au 15 mars, minimum, comme ce qui se fait dans les crus. On pourra préconiser le fût de chêne pour les blancs (ou l’acacia) mais on ne veut pas non plus standardiser les vins. L’idée est d’avoir plus de rondeur dans les tanins, sur quelque chose de frais, ce qui permettra plus de complexité aromatique et de finesse en bouche.” L’ODG Beaujolais a proposé que 48 communes puissent faire valoir la marque “Pierres Dorées”. Soit une superficie de 1 500 à 2 000 hectares (entre un quart et un tiers de l’appellation Beaujolais) comprise entre Rivolet à l’ouest, la Saône à l’est, L’Arbresle au sud et Saint-Julien au nord. “L’idéal serait de faire des “villages” dans ces Pierres Dorées”, se plaît à imaginer Manon Bertrand. L’instruction par l’Inao de cette mention valorisante “Pierres Dorées” est de trois ans minimum. À cette date, les vignerons sélectionnés qui respecteront les critères définis pourront apposer sur leurs étiquettes “Beaujolais des Pierres Dorées”. Pour l’heure, une dérogation est accordée (de nombreux viticulteurs impriment déjà la mention sur leurs bouteilles) car le dossier est en cours d’instruction.

Futur premier géoparc viticole mondial

Le “pays des Pierres Dorées” est candidat depuis quelques années au label “géoparc” de l’Unesco. Un géoparc est un espace territorial présentant un héritage géologique d’importance internationale. Selon la définition officielle de l’Unesco, “les géoparcs mondiaux sont des espaces géographiques unifiés, où les sites et paysages de portée géologique internationale sont gérés selon un concept global de protection, d’éducation et de développement durable”. Le Beaujolais pourrait très prochainement être reconnu comme le premier géoparc viticole du monde.

Beaujolais des Pierres Dorées

• 48 communes


• Entre 1 500 et 2 000 hectares


= 18 à 37 % de l’AOP Beaujolais


• Entre 6,1 et 13,3 millions de bouteilles

Auvergne-Rhône-Alpes, une grande région de vin

Dans sa Naturalis Historia, Pline l’Ancien évoquait déjà (vers 77 de notre ère) un cépage autochtone sur les terres aujourd’hui connues sous les appellations de Condrieu et Côte-Rôtie. Aujourd’hui, la filière viticole régionale, ce sont
47 appellations d’origine protégées (AOP) et 16 indications géographiques protégées (IGP), 50 % des surfaces de culture permanentes, 10 % des effectifs de l’agriculture et 586 millions d’euros en valeur. Rouges, blancs, rosés, tranquilles, effervescents, corsés, fruités, sauvages, frais, délicats, élégants, nobles, généreux, tanniques, rustiques, sucrés, vifs, doux… Ils sont tout ce que la vigne peut nous offrir, couleurs, goûts, saveurs et caractères, avec tout le savoir-faire des Drômois, des Ardéchois, des Ligériens, des Rhodaniens, des Isérois, des Savoyards et Haut-Savoyards, des Bugistes, des Auvergnats… Soixante-trois terroirs qui entrent dans leur troisième millénaire. Pendant plusieurs mois, Lyon Capitale sillonnera les vignobles de la région pour montrer cette richesse et cette diversité. Première étape en Beaujolais des Pierres Dorées.

Repères

47 AOP et 16 IGP
soit 97 % des volumes labellisés

15 % des producteurs français soit 9 420 producteurs de vins, dont 5 304 exploitations spécialisées

48 000 hectares de production

2,3 millions d’hectolitres produits par an

310 millions de bouteilles vendues chaque année
dont 75 % de vin rouge
jusqu’à 40 % à l’export (vin de la vallée du Rhône)

586 millions d’euros en valeur

– 4e production régionale en valeur après l’élevage, le lait et le fourrage

Dénomination géographique complémentaire

En 2016, l’Inao a reconnu trois “dénominations géographiques complémentaires” accolées à une appellation d’origine protégée dans les vignobles français. Cette mention permet de faciliter l’identification d’un terroir. La dernière en date (juillet 2017) est “Côte d’Or”, en Bourgogne.

La pierre dorée, vestige de squelettes d’organismes marins

La pierre dorée est assurément le trésor du Beaujolais méridional (et des monts d’Or). Les cristaux scintillant au soleil qui la constituent sont en réalité les vestiges de squelettes calcaires de petits animaux, les “lys de mer” (appelés ainsi en raison de leur ressemblance avec la fleur). Car, il y a peu ou prou 175 millions d’années, le Beaujolais était une plateforme sous-marine profonde de quelques dizaines de mètres. “On parle de roche “biogénétique”, issue du monde vivant”, explique le géologue Bruno Rousselle, conservateur de l’espace Pierres-Folles à Saint-Jean-des-Vignes. À cette roche sédimentaire sont venus s’ajouter des oxydes de fer qui lui ont donné cette singulière couleur rouille.

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