Il y a 20 ans : Internet fait fureur chez les néo-nazis

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Les néo-nazis n’ont pas attendu le boom Internet pour s’emparer de la toile. En cause, le site “Charlemagne Hammer Skin”, mené à la baguette par un webmaster lyonnais de 25 ans, qui relayait de nombreuses menaces de mort, injures antisémites et symboles nazis.

Lyon Capitale n°160 du 03/03/1998, © Lyon Capitale

@Lyon Capitale
Lyon Capitale n°160 du 03/03/1998, © Lyon Capitale

C’est d’un combiné nauséabond que le “Charlemagne Hammer Skin”, web site résolument néo-nazi, a gangrené les infinis recoins de la toile. D’une part, son appellation fait référence à l’empereur de l’Occident, d’une autre aux street-gangs fièrement aryens de nos voisins transatlantiques. Racines étymologiques à part, le site n’aura pas connu une vie particulièrement prospère. Mi-décembre 97, le webmaster, lyonnais est interpellé, coupant court les ambitions xénophobes, négrophobes, homophobes et autres du groupe. Eric Monnier est pourtant “un bon garçon de famille”, du moins ce qui décrivent ses pairs. 20 ans plus tard, les débats néonazis français sont rares ou plutôt discrets… Courant 2013, des skinheads terrorisaient les rues et bars de Besançon. Plus tôt encore en 2010, un Bunker Korps ouvrait ses portes à Lyon, plus précisément au fin fond du septième arrondissement…

Lyon Capitale n°160 du 03/03/1998, p. 10 © Lyon Capitale

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Lyon Capitale n°160 du 03/03/1998, p. 10 © Lyon Capitale
Un article de Lyon Capitale n°160, paru le 24 février 1998, signé par Frédéric Crouzet

Internet fait fureur chez les néo-nazis

Les enquêteurs de la gendarmerie maritime de Toulon viennent de démanteler un réseau de néo-nazis qui proféraient des menaces de mort sur Internet. L'auteur du très nauséabond site Web du "Charlemagne Hammer Skin", un jeune Lyonnais discret de 25 ans, a été interpellé en décembre. Mais ce serveur Internet violemment antisémite est toujours accessible sur le réseau informatique.
Sous une croix gammée, un homme masqué en tenue de combat tient un fusil d'assaut. Bruit de mitraillette. Sur le site Internet du groupuscule néo-nazi "Charlemagne Hammer Skin" l'accueil est aussi violent que prévenant. "La moindre des choses est de vous avertir que le contenu n'est pas certifié casher, dès lors si vous appartenez à la caste des déprépucés, si vous êtes un coco, un pédé ou bien une quelconque ordure négrophile : un conseil abstenez-vous de nous rendre visite", annonce la première page de ce web antisémite. Une icône est réservée aux "sous-hommes". Il renvoie sur une photo du camp d'Auschwitz. Sur les pages réservées aux "Aryens", le CHS propose la lecture d'articles thématiques sur le terrorisme, la lutte contre "la race juive", "comment se débarrasser des fonctionnaires". Depuis décembre, l'ensemble de la propagande antisémite diffusée par CHS sur Internet n'a pas été modifiée. En effet, le 18 décembre dernier, le webmaster de CHS, autrement dit la personne qui assure l'animation et la mise à jour des informations sur le serveur, a été interpellé à Lyon et son matériel informatique saisi. Ce bidouilleur lyonnais de 25 ans, Éric Monnier, fait partie des huit personnes écrouées dans le cadre du démantèlement de ce groupuscule, entamé par les gendarmes au mois de septembre. Le 11 février, la tête présumée du réseau, Hervé Guttuso, un jeune Marseillais de 25 ans, ancien membre du Parti nationaliste français et européens (PNFE) a été arrêté à Londres. Ces néo-nazis ont été mis en examen pour "menaces de mort, provocation à la haine faciale, apologie de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre" par un juge d'instruction toulonnais. Le CHS menaçait en effet de mort des personnalités en vue comme Anne Sinclair, Jean-François Kahn, Simone Veil et Patrick Gaubert, membre de la Licra et ancien conseiller de Charles Pasqua au ministère de l'Intérieur sur les questions de racisme. L'enquête avait débuté en septembre 1996, quand des documents à caractère néo-nazis avaient été découverts dans le Var, dans le giron d'une secte sataniste. L'enquête menée par la gendarmerie de Toulon et les Renseignements généraux a permis d'identifier 1 500 sympathisants du groupe à travers le monde, et qui se contactaient notamment via le serveur du CHS.

"Tamago-juif'

Chaque membre du réseau pouvait télécharger tout le matériel de propagande depuis n'importe quel ordinateur relié au réseau informatique. Ils pouvaient aussi s'amuser avec le douteux "tannago-juif", un "juif virtuel miniaturisé", tristement inspiré du jeu électronique japonais. Bien qu'il soit truffé de virus et de pièges informatiques, le site web antisémite du CHS est toujours consultable sur Internet. Et dans ces pages nauséabondes, tous les documents sont datés à l'année 108, l'année zéro étant celle de la naissance d'Adolf Hitler, 1889. Bien que les capos du réseau soient derrière les verrous, ce dangereux serveur Internet demeure toujours accessible sur le réseau informatique. Et la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) tente désespérément depuis six mois de le faire fermer. En octobre 1997, Lyon Capitale, comme de nombreux médias diffusés sur Internet, recevait un communiqué de presse, avec croix gammée en en-tête, par courrier électronique annonçant la création du serveur du CHS. La Licra et le centre Simon Wiesenthal ont rapidement obtenu' la fermeture du site, hébergé en France. Mais les nazillons ont trouvé au Canada une nouvelle terre d'accueil pour leur propagande. Depuis novembre, un prestataire d'accès canadien spécialisé dans le "politiquement incorrect interdit à l'étranger" diffuse sans vergogne dans le monde entier les insultantes pages web du CHS. Ces pages ont toujours été conçues en France, à Lyon plus précisément, par Éric Monnier, diplômé en physique de 25 ans. Lorsqu'ils ont perquisitionné au domicile de ce fils de bonne famille en décembre, les enquêteurs de la gendarmerie ont trouvé dans le disque dur de son ordinateur l'ensemble des pages web du serveur. Les enquêteurs auraient aussi découvert dans la machine saisie un logiciel permettant de simuler des numéros de cartes bleues. C'est avec ces faux numéros de cartes de crédit que les néo-nazis se seraient offert l'hébergement de leur site. Le petit génie lyonnais, qui passe pour être un garçon discret, était jusqu'alors inconnu des services de police et ne gravitait dans aucune organisation politique ou financière. Selon un enquêteur cité par Libération (19/02), Éric Monnier serait le seul de la bande "qui ait des capacités intellectuelles. C'est lui le patron". Bref, pour le réseau néo-nazi du CHS, Lyon était le centre névralgique par l'intermédiaire du jeune informaticien. Ce n'est pas la première fois qu'un internaute lyonnais est impliqué dans un délit de racisme et d'antisémitisme sur Internet. En 1997, deux étudiants avaient été mis en examen pour avoir envoyé, via Internet, des messages à contenu antisémite. Il s'agissait d'un acte isolé, d'une plaisanterie très douteuse de deux potaches. Ce qui n'est pas le cas des allumés des CHS, puisque des armes ont été retrouvées au domicile de certaines personnes perquisitionnées.

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