Dans le quartier de la Guillotière, de savoureux baos et guabaos au menu de ce bistro du nord de la Chine.
“Farine deux fois tamisée/ Neige blanche en poussière envolée. /Avec du bouillon ou de l'eau, elle est malaxée / En une pâte élastique et collante./ Jusqu'à ce qu'elle soit brillante. / Pour la farce, travers de porc, épaule de mouton/ De graisse et de chair autant/ Coupées en petites sections / Perles de collier ou cailloux semés, / Racine de gingembre et bulbe d'oignon/ En une épaisse julienne tranchés et coupés / Cannelle piquante broyée / D'origan aquatique et de clavalier saupoudré/ Mélangés avec sel et condiment/ En une masse intimement.” Certains y verraient une critique culinaire exaltée. Il s'agit d'un récitatif (fu) du poète chinois Shu Xi. Daté du du IIIe siècle de notre ère, il est question de la réalisation des laowan, de petits pains farcis cuits à la vapeur, qu'on appellerait aujourd'hui baozi (ou bao). Le bao est en somme le burger à la chinoise : une petite brioche cuite à la vapeur et fourrée à sa guise que des millions de Chinois mangent chaque jour. Les baos sont sortis des cuisines des Chinatowns depuis seulement quelques années. C'est une mode, comme les raviolis en leur temps.
“En son gonflement la farce se devine, / Elle est tendre comme bourre de soie au printemps / Blanche à l'automne comme la soie cuite en son temps.” Deux siècles plus tard, dans sa Dissertation sur les bing*, Wu Jun parle toujours, avec une certaine emphase admirative, d'un “mets extraordinairement délicieux”. La sinologue Françoise Sabban, spécialiste des cultures alimentaires chinoises, explique que “les dénominations ont fluctué selon les périodes et les régions. Cette richesse terminologique atteste d'un choix de goûts et de saveurs dont on ne peut malheureusement plus apprécier l'ampleur**”.
Cotonneux
Colorés, sucrés, salés, vegan, le Bistro Zakka prépare les baos à toutes les sauces. “Tout est fait maison, avec des produits frais”, expliquent les cuisiniers. Bœuf haché et champignons de Paris, vermicelles, carottes, fenouil et shiitaké, porc braisé ou encore crevettes, ciboulette chinoise, omelette. Nutella et banane, pommes caramélisées parfumées à la cannelle pour le dessert. Douceur soyeuse au toucher, texture extraordinairement cotonneuse en bouche. Dans la même veine, le Bistro Zakka prépare aussi le guabao, un petit pain vapeur grillé, garni au choix de bœuf, de poulet ou de tofu.
“En un nuage s'épanouit et s'accumule la vapeur / Leur parfum s'envole et se disperse au loin / Dans ces effluves se perd la salive du flâneur/ Mâchant le vide, les pages leur jettent un regard de coin/ Et, se léchant les babines, porteurs / Et serveurs, le gosier sec, avalent en cœur.”