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Comment Erdogan tisse sa toile à Lyon

Le pouvoir d’Ankara place ses pions dans l’agglomération lyonnaise pour muscler sa présence, renforcer son influence et, à terme, diffuser son idéologie. Laïcité, écoles islamiques et néolibéralisme au menu.

L’initiative est passée quasi inaperçue. Le 5 mai 2017, dans un salon sans âme de l’hôtel B&B de Monplaisir, le jeune parti Égalité et Justice (PEJ), créé en 2015 à Obernai, en Alsace, présentait ses candidats pour les élections législatives dans le Rhône. L’information n’aurait pas attiré notre attention si l’acronyme ne traînait pas déjà une réputation sulfureuse. Ses accointances avec l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie, sont désormais bien établies. “Le PEJ n’est rien moins que l’émanation politique de l’AKP”, confirme à Lyon Capitale Bernard Godard, ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur et des Cultes, aujourd’hui chercheur associé à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

3 % des voix des Turcs européens en région

Si le PEJ diffuse aujourd’hui dans tout le pays, c’est que la France est la deuxième communauté turque de l’Union européenne (325 000 ressortissants), derrière l’Allemagne (1,4 million) et devant les Pays-Bas (250 000). Avec 140 000 ressortissants de nationalité ou d’origine turque recensés par le consulat général de Turquie à Lyon (autant qu’en Belgique), la région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des plus importantes diasporas françaises, avec Paris et Strasbourg. Donc un réservoir de voix non négligeable. Environ 3 % de l’ensemble des voix des Turcs européens. D’où l’intérêt appuyé d’Ankara pour la capitale des Gaules. Lors du référendum turc d’avril dernier, les Turcs de Lyon ont voté pour un renforcement des pouvoirs du président turc à 86,1 %. Un score digne d’une république bananière et le record absolu au niveau mondial. Même en Allemagne, connue pour héberger l’organisation ultranationaliste des Loups Gris, qui collabore avec les organisations néonazies, le oui n’a pas été aussi élevé (75,89 % à Essen, 69,6 % à Düsseldorf). “Localement, il y avait 69 000 inscrits. Seulement 15 000 ont voté, quasiment tous pro-Erdogan”, croit savoir la responsable d’une association franco-turque locale. Si autant de ressortissants ne sont pas allés voter, c’est que “la communauté pro-Erdogan est tellement importante à Lyon que les autres n’y croient plus”, juge un homme d’affaires franco-turc influent de l’agglomération.

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