Pique-nique pour les mineurs non assistés – crédits: Gwendoline Troyano

Mineurs isolés à Lyon: un pique-nique pour alerter les pouvoirs publics

Un pique-nique a été organisé ce mercredi soir par le collectif AMIE place des Terreaux pour attirer l’attention des citoyens et des élus sur la politique lyonnaise défavorable aux mineurs étrangers non assistés. La veille, la Mairie de Lyon a signé une convention avec le Secours populaire pour accompagner les mineurs à nouveau au restaurant social. L’indignation est encore présente chez les militants.

Il est 18 heures place des Terreaux. Sous les fenêtres de l’Hôtel de Ville, Claude et ses camarades du collectif AMIE (Accueil des Mineurs Isolés Etrangers) attendent patiemment avec un groupe de mineurs isolés. Pour alerter l’opinion, et surtout les autorités publiques de la situation précaire de ces jeunes, ils ont décidé de faire un pique-nique public pour sensibiliser la population, en particulier la Mairie et la Métropole de Lyon. « Hier, il y a eu un miracle, ironise Claude, cela fait un mois que les mineurs devaient se débrouiller seuls pour manger, et depuis qu’on a décidé d’alerter de la situation, la Ville a signé une nouvelle convention avec le Secours populaire pour renouveler les repas. »

L’ordre de ce rassemblement se résume à l’absence de réaction de la Mairie suite à la fermeture temporaire du dispositif Sésame, dispositif qui permettait de donner un repas par jour aux jeunes migrants. Or, depuis que la Ville de Lyon n’a pas renouvelé la convention avec le Secours catholique, en charge de son organisation, les adhérents du dispositif ont choisi de continuer leur travail via le Secours populaire. Isabelle fait partie de ces personnes : « On est quand même un certain nombre à avoir quitté le Secours catholique. Aujourd’hui, on va annoncer que la Mairie a signé hier une nouvelle convention pour donner un repas une fois par jour aux mineurs réfugiés. Lundi prochain, une rencontre aura lieu entre deux responsables du Secours populaire et un responsable du CCAS (Centre Communal d’Action Sociale ndlr) pour parler de la procédure à mettre en œuvre. »

Près de 200 personnes sont venues assister au discours de Claude, Mireille et Adrien qui annoncent ces nouvelles aux mineurs, militants et personnes de passage. Des applaudissements se font entendre. Mireille souligne que l’expulsion du squat « La Cabane » puis l’hébergement temporaire dans le foyer de la Sarra sont condamnables : « Cette expulsion fait que 200 personnes au moins sont sans toit ! » Adrien, étudiant de Lyon 2, s’exprime sur un ton plus posé, mais reste sur la même longueur d’onde. Il fait partie des 7 étudiants qui hébergent depuis six mois une quarantaine de mineurs : « Ils ne prennent pas en considération les liens affectifs des mineurs. » Dès la fin de son discours, plusieurs militants exultent : « Un squat de fermé, 10 de réouverts ! » Laurence Boffet, conseillère du 1er arrondissement de Lyon, a lu devant le public le communiqué des élus de Lyon Citoyenne et Solidaire destiné au président de la Métropole David Kimelfeld : la Métropole est incitée à respecter la Convention de Genève pour les réfugiés et la Convention international des droits de l’enfant.

Frictions au sein du restaurant social : désaccord total entre les associations et la Ville et la Métropole de Lyon

Face à ce rassemblement public, la Mairie livre sa version des faits : le restaurant social est « géré par le CCAS de la Ville de Lyon, a historiquement pour vocation d’accueillir des familles (avec enfants) et des personnes sans-abri, en grande précarité mais majeures uniquement (le règlement intérieur interdit la présence de mineurs isolés). Pour un repas/jour. Mais depuis l’an dernier, à la demande de la Métropole, le restaurant social du CCAS de la Ville accueillait aussi des mineurs isolés sur les temps de repas mais à condition qu’ils soient accompagnés. »

Depuis la fin de la convention avec le Secours catholique, la Ville a autorisé les mineurs à venir seuls au restaurant social. Cependant, des frictions auraient eu lieu, entraînant l’arrêt des repas quotidiens : des comportements agressifs auraient été observés par le personnel du restaurant social. La Métropole, chargée de la question des mineurs non accompagnés, confirme ces faits : il s’agit avant tout de respecter le règlement juridique, pour assurer la sécurité des individus bénéficiant de cette aide, mais aussi des employés.

Pour autant, le terme frictions reste flou, aucune autre indication précise n’a été fournie. Aujourd’hui, le Grand Lyon prend en charge 1400 mineurs et 142 places ont été créées en moins d’un an. Mais les réfugiés migrants n’ont pas forcément les papiers adéquats dès leur arrivée, ce qui complexifie la procédure juridique pour les reconnaître mineurs en tant que tels : 96 refus pour 424 primo-arrivants d’après les chiffres du Grand Lyon pour la seule année 2018. Claude s’explique sur ce problème épineux : « J’ai l’impression que la MEOMIE (Mission d’Évaluation d’Orientation des Mineurs Isolés Étrangés) n’est qu’une rustine. Il y a très peu de places pour les jeunes. La Métropole sous-traite les demandes d’accueil : récemment, 85% des jeunes seraient considérés comme mineurs par le Forum des réfugiés, puis, la Métropole divise par 2 en refusant eux-mêmes des mineurs. Je vois cela comme un numerus clausus. Et s’il n’y a plus de place, il faut appeler la police, ou alors être hébergés par des bénévoles. »

À la question de savoir si les réfugiés se sont mal comportés au restaurant social, Claude, Isabelle et Adrien réfutent fermement. « Les garçons ne sont pas exigeants, ils sont calmes, volontaires, ils ne se plaignent pas. Ils ne sont pas violents et toujours reconnaissants. Le plus grave, aujourd’hui, c’est de les emmener à l’Armée du Salut. C’est dangereux pour eux », souligne gravement Isabelle. Avec le concours des étudiants et du collectif, le Secours populaire essaie de faire venir les papiers des migrants. La fatigue se fait sentir, mais Adrien et ses amis gardent le sourire : « On s’est beaucoup investi dans l’hébergement, les squats prennent du temps et de l’énergie ; l’administration, la scolarité et le médical constituent le gros du travail. »

Alors que les militants considèrent que la Ville et la Métropole se renvoient la balle, les deux entités soulignent leur regard attentif au regard des mineurs isolés. La Métropole insiste sur le nombre toujours croissant des demandes de prise en charge de mineurs : « Ce n’est pas un problème de compétence, mais un problème de flux. On parle d’un public fragile, ces jeunes ont un passé douloureux. Ces mineurs sont isolés, ils ont donc besoin d’encadrement. » La Ville et la Métropole affichent leur travail constant sur la question et indiquent que des solutions sont en cours de traitement pour résoudre ces problèmes d’hébergement avec la participation d’associations, notamment le Forum des réfugiés.

Quant aux principaux concernés, peu d’entre eux ont voulu faire part de leur situation. Léo*, mineur réfugié, nous résume leur état actuel : « On s’entend très bien entre nous, on sait qu’entrer en Europe ce n'est pas facile, mais là, tout ce qu’on a dû endurer sur Lyon rend notre quotidien beaucoup plus douloureux. »

*le prénom a été modifié

 

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