Depuis le début du siècle, de nombreux scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur le massif du Mont-Blanc. Les nombreux éboulements de roches inquiètent les chercheurs quant à leurs conséquences et menacent la pérennité du site. Le réchauffement climatique est la cause directe de ces évènements.
Tout commence dans les années 1970. À l’époque, pas question de parler de "réchauffement climatique" puisque le terme est apparu à la toute fin des années 1980. Les scientifiques constatent simplement que les températures ont tendance à augmenter. Un chercheur de Zurich décide d’étudier de plus près le permafrost et ses différents états lorsque la température évolue au-dessus de la moyenne. Le permafrost, c’est un sol qui reste constamment gelé et sert de ciment entre différentes plaques rocheuses. On le trouve au-dessus de 2400 mètres d’altitude. Le scientifique a émis l’hypothèse que si cet état de gel permanent est menacé par la hausse des températures, son rôle de ciment serait lui aussi menacé, entrainant alors des chutes de pierres.
"Les phénomènes enregistrés sont de plus en plus importants"
La canicule de 2003 a mis en lumière ce phénomène redouté par les scientifiques. Durant cette période où les températures étaient très élevées, de nombreuses chutes de pierres ont été observées aux quatre coins du massif du Mont-Blanc. Grâce à une étude menée en 2005, des chercheurs du CNRS ont démontré que le dégel du permafrost était bien la cause des éboulements successifs. Mais leurs recherches ont mis en lumière d’autres phénomènes moins importants, avec des conséquences similaires.
"Certaines chutes de pierres sont liées aux séismes de l’arc alpin mais aussi à la fonte des glaciers. Leur diminution entraine une décompression sur les parois qu’ils appuyaient auparavant, occasionnant de nombreuses chutes de pierres. On parle alors de décompression post-glacière", explique Ludovic Ravanel, chercheur au CNRS dans les Alpes. Depuis 2005, pas moins de 80 éboulements supérieurs à 100 m3 ont été recensés, grâce à un réseau de témoignages mis en place partout sur le massif. Le constat est sans appel : chaque année, le permafrost est attaqué de plus en plus profondément et les craintes des scientifiques se manifestent. "Les phénomènes enregistrés sont de plus en plus importants. Fin août 2017 dans les Grisons, 3 millions de m3 du Piz Cengalo se sont effondrés, entrainant une avalanche rocheuse et une coulée boueuse et causant la mort de huit personnes", rappelle le chercheur.
Des travaux pour évaluer et prévenir le risque
Les nombreux effritements dans le massif du Mont-Blanc ont permis aux scientifiques d’identifier différents types de risques. "Nous avons évalué trois catégories. La première concerne les infrastructures de haute montagne qui se trouveraient sur le pan qui dégringole. La deuxième concerne les populations et les infrastructures qui se trouvent sur le passage de l’éboulement. La troisième, c’est le risque indirect comme la formation d’une coulée de boue et de pierres à la suite de l’éboulement", illustre Ludovic Ravanel.
Aujourd’hui, aucun système de prévention n’existe. "Depuis 100 ans, nous essayons de prévenir les avalanches et on n’a toujours pas la solution et nous, nous avons commencé il y a moins de quinze ans. Mais nos travaux avancent. Lorsqu’on sait qu’il y a un secteur à risque, on met en place un réseau de surveillance". Pour autant, les moyens des chercheurs restent insuffisants face à ce phénomène imprévisible. L’avenir ne s’annonce pas plus radieux puisque d’ici 2050, la température de l’air devrait augmenter de 2°C et accentuer considérablement les chutes rocheuses.