Fin 2017, nous rapportions que donner un ticket TCL déjà utilisé pouvait être puni d'une amende 150 euros. Alors qu'une manifestation est organisée à Lyon le 24 septembre contre ce que certains qualifient de "délit de solidarité", d'autres raisons ont pesé dans la décision du Sytral.
À l'automne 2017, une campagne de communication dans le réseau TCL met le feu aux poudres. Sur un prospectus distribué, il est inscrit : "Céder votre titre de transport n'est pas un acte de solidarité ou de générosité, cela contribue à entretenir la fraude. Ça s'appelle de la complicité de fraude et ça se paye". Ainsi, les utilisateurs ont appris que donner son ticket déjà utilisé à un autre voyageur était passible d'une contravention de 150 euros. Derrière, c'est le bad buzz pour TCL, accusé d'avoir mis en place un délit de solidarité. Un an plus tard, la colère ne retombe pas chez certains. le lundi 24 septembre, une manifestation sera organisée de 18h à 20h place Bellecour avec pour mot d'ordre : "La solidarité n'est pas un délit !"
Fin 2017, nous avions interrogé des sources au Sytral sur cette contravention de 150 euros, elles précisaient : "Réglementairement, le titre de transport est incessible. Quand vous prenez le TGV entre Lyon et Marseille, si vous descendez à Avignon, vous ne donnez pas votre billet à un autre voyageur. On est obligé de le rappeler, car c'est une pratique lyonnaise qui existe depuis plusieurs décennies". À cette époque, le Sytral avait mis en avant les tarifs solidaires, "nous avons des abonnements à partir de 9 euros par mois pour les faibles revenus". En parallèle, les mêmes sources internes rappelaient que la campagne de communication n'avait pas été mise en place pour lutter contre les particuliers qui pouvaient donner leur ticket à d'autres, mais bien contre "les réseaux qui se sont mis en place dans plusieurs stations comme Bellecour, Part-Dieu ou hôtel de ville, avec des gens qui récupèrent les tickets laissés sur les portiques et les revendent ensuite aux touristes, voire empêchent l'accès au distributeur ou s'attaquent à des personnes en fragilité qui n'osent pas refuser".
Au Sytral, on résumait alors : "la campagne était avant tout pour que les voyageurs ne nourrissent pas ces réseaux malgré eux et qu'on puisse lutter contre directement". Interrogé par Lyon Capitale mi-septembre 2018, une source police confirme ce problème "toujours d'actualité et de plus en plus préoccupant sur le réseau TCL", "Les bonnes âmes qui posent leur ticket en sortant du métro ne se doutent pas qu'il est parfois récupéré par des escrocs notoires qui vont ensuite les revendre à 2 ou 4 euros à des gens qui ne sont pas de Lyon. Le gros du problème est à la Part-Dieu où il y a souvent des interventions. L'entrée du métro à côté d'une gare est souvent la première image qu'ont les visiteurs d'une ville. Elle est parfois dévastatrice à Lyon". Cette source police poursuit : "Vous avez aussi des réseaux de pickpocket qui d'un côté vous font croire qu'ils veulent vous vendre un ticket, et de l'autre, vous font les poches, la campagne du réseau TCL était maladroite, car le vrai problème ce ne sont pas ceux qui donnent leur ticket, mais tout ce qu'il y a derrière".
"Une communication maladroite"
Alors qu'elle n'était pas encore présidente du Sytral lorsque la campagne a été validée, Fouzya Bouzerda admet : "cette communication était maladroite. Ce qu'on verbalise c'est moins le délit de solidarité que ce qui se trame dans les stations avec les réseaux de délinquance. La contravention est un outil pour lutter directement contre eux". L'élue va plus loin : "Oui un ticket est incessible et il y a un règlement, mais il y a ce que nous pouvons faire derrière aussi. On ne peut pas encourager la cession, mais on peut aussi faire de la pédagogie avec les voyageurs qui la pratiquent sans forcément les verbaliser automatiquement". Du côté, de chez Keolis, on confirme cette consigne de faire de la pédagogie envers ceux qui donneraient leur ticket à d'autres voyageurs. Les contrôleurs seraient sensibilisés sur la question et les contraventions de 150 euros données viseraient avant tout les réseaux. Néanmoins, la fonction de contrôleur a évolué dernièrement avec le test de sous-traitants sur des lignes éloignées de Lyon (lire ici). Dès lors, pour les usagers du quotidien, qu'en sera-t-il lorsque ils donneront leur ticket sous les yeux d'entreprise privée externe à Keolis ? La pédagogie d’aujourd’hui se transformera-t-elle en répression systématique demain ?
Jamais vu de vendeur à la sauvette à Lyon, jamais jamais — même à Part-Dieu autour de la queue aux 2 ou 3 insuffisantes machines à tickets TCL. Je suis à Lyon depuis 1999. C'est infantile cette culpabilisation individuelle de contribuer au business de méchants trafiquants. C'est surtout une façon de reporter sur l'individu — celui qui aide et celui est aidé — des problèmes de société non traités par les politiques, autrement dit de l'inégalité. Mais de quoi parle-t-on, bordel ! Des pauvres, qui utilisent les transports en commun, et non des gens qui se déplacent en surface, en Prius, Uber, Joe le taxi, Renault, Béhème, Merco. Non, ce n'est pas infantile cette culpabilisation, c'est une tactique au service d'une stratégie. Annihiler l'entraide.