Sous protection policière avec ses deux enfants de sept ans à Lyon, l'épouse de l'ex-patron d'Interpol détenu en Chine depuis bientôt un mois met en cause la "campagne anticorruption" menée par le président Xi Jigping à son arrivée au pouvoir, "devenue un outil de persécution politique".
À Lyon, Grace Meng est toujours sans nouvelle de son mari, vice-ministre chinois de la Sécurité publique et ex-président de l'organisation internationale de police criminelle. Porté disparu il y a bientôt un mois, Meng Hongwei est détenu à Pékin. Le Comité national de surveillance, un outil anticorruption créé en mars par le président Xi Jigping, l'accuse de malversations. Son épouse n'y croit pas et dément que son mari ait été suspendue du bureau du Comité du Parti communiste au sein du ministère en avril dernier. "Dans notre pays, le mot "anticorruption" est un autre mot pour dire "justice". Maintenant, ce mot a été complètement sali. La campagne anticorruption est devenue un outil de persécution politique, à tel point que l'on peut dire qu'il est devenu synonyme d'"accusations injustifiées", lance-t-elle dans les colonnes du journal Courrier International.Selon le magazine américain The Atlantic,la détention de Meng Hongwei "illustre à quel point la participation chinoise, même au plus haut niveau des institutions internationales, continue d'être subordonnée au diktat du Parti communiste". L'élection de Meng Hongwei à la tête de l'organisation internationale de la police criminelle depuis moins de deux ans faisait plutôt craindre à l'un des plus célèbres dissidents chinois, Wei Jingsheng, qu'Interpol ne "devienne un outil très pratique pour le gouvernement chinois pour persécuter les activistes de la démocratie et les opposants politiques". En cause, le dévoiement du système des notices rouges émises par l'organisation pour permettre l'arrestation et l'extradition par un pays partenaire d'un individu recherché.
"Tous mes moyens de communication vers la Chine ont été coupés"
La question a été posée à l'épouse de Meng Hongwei : son mari aurait-il "eu des soucis du fait du retrait de la notice rouge concernant Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïgour, un opposant au régime de Pékin ?" "Non, il n'y a aucun lien entre cette affaire et les accusations contre mon mari. Il a respecté les directives d'Interpol. Il n'a rien fait de mal", répond-elle. Les journalistes notent un peu plus tôt que dans la déclaration du ministère de la Sécurité publique chinoise au sujet de la détention de Meng Hongwei pour corruption, il est écrit que "le chantage avec le parti n'est pas permis", sans que le parti ne précise la nature de l'accusation. Une réponse que ne détiendrai pas son épouse. Interrogée sur sa vision de la réaction d'Interpol à l'arrestation de son mari, elle remercie la France. "Le peuple français, nos amis nous protègent et nous aident selon leurs possibilités. Nous remercions les autorités françaises du fond du cœur. Mais je sens que la France subit une énorme pression chinoise". Elle ne souhaitera pas en dire plus. Contactée par l'ambassade de Chine en France pour récupérer une lettre de son mari, elle se méfie. "Je leur ai dit que je souhaitais récupérer cette lettre en étant accompagnée, devant témoins. Depuis, je n'ai plus de nouvelles de l'ambassade. Plus personne ne m'a contactée. De plus, tous mes moyens de communication vers la Chine ont été coupés. Mon téléphone chinois de ne fonctionne plus". Aujourd'hui, elle a quitté son domicile pour s'installer à l'hôtel et se trouve sous protection policière. Ses deux téléphones portables étaient tombés en panne le jour même où elle était allée déposer une plainte pour "disparition inquiétante", ce qui a déclenché l'ouverture d'une enquête par le parquet de Lyon.
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