Vue de Lyon la nuit © Tim Douet
Vue de Lyon la nuit © Tim Douet

L'histoire vraie des loups-garous de Lyon et autres bêtes tueuses

Lorsque la nuit tombe, les monstres attaquent et se nourrissent de tous les innocents qui passent à portée de leurs dents. À en croire les légendes, le dernier loup-garou est né à Lyon.

Lyon, au VIe siècle, n’est plus le joyau d’autrefois. Brigands et bêtes féroces sèment la terreur sur les routes et rares sont ceux qui s’y risquent la nuit. Rumeurs et légendes sont déjà fortes sur tous les dangers qui menacent les manants. L’Église va en alimenter certaines pour asseoir sa propagande et tenter de dissuader ceux qui adorent encore les anciens dieux. Les lugarous font leur apparition, on les appelle aussi “Lug-gariens” – mot tiré (comme Lugdunum) du nom du dieu Lug. L’Église cherche à décrédibiliser les derniers adorateurs de cette ancienne divinité en leur donnant un aspect bestial repoussant, censé décourager ceux qui
voudraient embrasser cette voie révolue. Les Lug-gariens,synonyme de païens,vont se transformer progressivement en loups-garous. Quand il n’est plus nécessaire de combattre l’influence du dieu Lug, ces créatures nocturnes sont toujours utilisées par l’Église pour effrayer les âmes qui se détourneraient d’elle. Gare à ceux qui choisiraient le Diable, ses monstres veillent. Ainsi, durant des siècles,la propagande de l’Église nourrit toujours plus les légendes en racontant l’histoire de ces impies, hommes-loups qui sortent la nuit, ne faisant qu’une bouchée de leurs victimes.

Le mot loup-garou prend l’ascendant sur “lycanthrope”, d’origine grecque antique. Témoin de ces légendes qui vont prendre toujours plus d’importance au Moyen Âge, on trouve dans la cathédrale Saint- Jean une tête de loup accompagnée d’une lune. À Lyon, pendant près de mille ans, les loups-garous vont se faire discrets et Les Loups-garous de Lyon ne laisser aucune preuve de leurs forfaits, jusqu’à la naissance du plus célèbre de tous, mais aussi l’un des derniers.

Gilles Garnier, le dernier des loups-garous

Il y a les loups-garous qui nourrissent les légendes, et ceux qui resteront dans l’histoire. Gilles Garnier fait partie de ces derniers. Né à Lyon au XVI e siècle, il est arrêté à Dole en 1573 après avoir commis plusieurs crimes et dévoré la chair de ses victimes "sous forme de loup". L’"arrest memorable de la Cour" n’épargne aucun détail : Gilles Garnier est accusé d’avoir pris la vie d’une jeune fille de dix ou douze ans le jour de la Saint-Michel, dans une vigne, avec ses mains semblables à des pattes et ses dents. Il l’a dévorée en partie, puis a rapporté des morceaux à sa femme.

Huit jours après la Toussaint,"semblablement sous la forme d’un loup", il a tué par étranglement une autre fille, marquant son corps de ses dents; il n’a pu la dévorer car il a été surpris en plein forfait par trois personnes. Quinze jours après la Toussaint, sa barbarie est allée plus loin : il a attaqué un enfant de dix ans, de nouveau "sous la forme d’un loup", l’a mangé et lui a arraché une jambe pour garder des réserves. Son dernier crime a été commis le jour de la Saint-Barthélemy 1573 : il a attrapé un garçon de douze ou treize ans sous un gros poirier et l’a traîné dans un bois pour l’étrangler. Là, des gens à proximité se sont rués sur lui pour secourir l’enfant, mais il était déjà mort. Selon les témoins interrogés, Gilles Garnier est alors "en forme d’homme et non de loup", ce qui ne l’a pas empêché encore une fois de dévorer en partie sa victime.

Un phénomène à travers l’Europe

Dans les documents de l’époque,Garnier est présenté comme un "lycophile", un "ermite" qui a cessé de vivre seul en "prenant une femme". Alors qu’il errait dans les bois il aurait rencontré "un fantasme en figure d’homme qui lui promit monts et merveilles" et lui aurait "donné le choix de devenir quand il voudrait ou loup, ou lion, ou léopard, mais il avait préféré loup". Et si cela ne lui convenait point, cette créature présentée comme le Diable lui aurait permis de se transformer en vent, selon les aveux de Garnier, “le pauvre lycanthrope". Comme pour rappeler la présence tangible des loups-garous, les documents font référence à une autre affaire, en 1521, dans le diocèse de Besançon : deux bourgeois qui avaient renoncé à leur baptême pour suivre la voie de Satan et s’étaient transformés eux aussi en loups. Tout comme Garnier,ils mangeaient des enfants. Les écrits de l’époque recensent d’autres cas d’hommes-bêtes dans toute l’Europe. Pour mettre fin à cette terreur, Gilles Garnier est condamné à mort et brûlé vif à Dole. Avec lui disparaissent les derniers loups-garous et autres bêtes humaines. La propagande de l’Église se tourne vers de nouveaux ennemis à décrédibiliser et à présenter comme des "mangeurs d’enfants" : les protestants. Mais les bêtes n’ont pas dit leur dernier mot.

Les "bêtes" de lyon

La fin du Moyen Âge et la Renaissance ne rendront pas les nuits plus sûres dans la région lyonnaise. L’histoire a retenu la Bête du Gévaudan, qui a marqué les esprits avec plusieurs attaques commises entre 1764 et 1767. D’autres l’ont pourtant précédée. Entre 1754 et 1756,une ou plu- sieurs "bêtes" ont sévi dans la vallée du Rhône, jusqu’à Vienne, faisant plus d’une trentaine de victimes,des enfants et des adolescents retrouvés dévorés. La bête semble insaisissable, apparaissant à chaque fois là où on ne l’attend pas. D’immenses battues regroupant jusqu’à 2 000 hommes sont organisées pour la tuer,mais elle part commettre ses forfaits dans d’autres campagnes comme si elle savait ce qui l’attendait. Ses attaques sont recensées dans le Dauphiné, à L’Arbresle et même jusqu’à Roanne. Certains témoins disent avoir vu une hyène, comme la Bête du Gévaudan plus tard, avec une fourrure mouchetée. D’autres prétendent qu’il s’agit de loups, poussés parla faim à attaquer les hommes après un rude hiver 1754. Découvrant le goût du sang,ils auraient continué d’attaquer des proies qu’ils avaient comprises faciles et non armées.

Fin 1756, la bête disparaît, sans qu’elle soit jamais tuée ni capturée. Douze ans plus tard, une autre bête massacre dans le Gévaudan ; selon certaines théories, il aurait pu s’agir d’hommes, tout comme Gilles Garnier deux siècles plus tôt. Plus d’un siècle plus tard, en 1894, un autre monstre terrorise le Rhône : Joseph Vacher, l’un des premiers tueurs en série français. Il sera arrêté en 1897 et exécuté en 1898. Ce n’est plus une bête ou un loup, ou la propagande de l’Église : le monstre est cette fois bien réel.

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