Ce mois-ci, on voyagera dans le temps, avec de jeunes artistes tout juste sorties des beaux-arts, deux peintres nés dans l’entre-deux-guerres et un empereur dont on ne connaît souvent à Lyon que la table. Mais aussi dans la géographie, d’un Sud fantasmé aux Fidji de visu pour finir à Annemasse. Bonne route.
En route vers l’épure à la Guillotière
La peinture, peu connue, d’Alfred Angeletti (1919-1991) regarde le monde et lui pose des questions. Elle traduit personnages, bandes obliques, dessins, pour les moduler, les ramener à l’essentiel, jouer sur les variations. Dans ses séries, il y a du Cobra ou du Dubuffet avec ses préoccupations entre figuration et non-figuration en route vers l’épure.
Alfred Angeletti – Jusqu’au 8 décembre à la B+ Galerie (Lyon 7e)
Sous la table aux Terreaux
La ville de Lyon connaît surtout sa “table” en bronze, visible au musée gallo-romain, attestant de l’admission des Gaulois au sénat romain. Claude (né à Lyon en 10 avant notre ère et mort à Rome en 54) fut proclamé empereur – le premier né hors d’Italie – après l’assassinat de Caligula, en 41 de notre ère. Enfant méprisé en raison de ses déficiences physiques, il était le mal aimé de la famille impériale. Adulte à l’élocution et à la démarche mal assurées, il était tenu à l’écart de toute activité publique. Il eut pour troisième et quatrième épouses Messaline et Agrippine, aux réputations sulfureuses, et un fils à la destinée tragique, Britannicus, dont Racine fit le sujet d’une tragédie. L’exposition met en lumière la figure d’un homme cultivé, bon gestionnaire, promoteur de réformes et soucieux de son peuple. À travers plus de 150 œuvres : statues, bas-reliefs, camées et monnaies, objets de la vie quotidienne, peinture d’histoire. Des extraits de films, des restitutions 3D et des photographies de l’artiste Ferrante Ferranti invitent le visiteur à sa redécouverte.
Claude, un empereur au destin singulier – Du 1er décembre au 4 mars au musée des Beaux-Arts
Plein Sud à la Croix-Rousse
Une histoire est peut-être en train de s’écrire entre la galerie Regard Sud, en haut des pentes de la Croix-Rousse, et l’école nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. Cinq jeunes femmes récemment sorties de l’ENSBA présentent leurs travaux autour d’une perception métaphorique d’un Sud dans un aller-retour entre réel et imaginaire : Ruth Cornelisse, Charlotte Denamur, Emma Marion, Amandine Mohamed-Delaporte et Nina Patin. Photographies, sculptures, installations, dessins et peintures dialoguent et s’opposent dans le désir commun d’interroger le rôle de l’image face à l’expérience de la réalité. L’image traduit ou non le réel sous ses multiples possibilités. Mythologies, iconographies religieuses, juxtapositions, réminiscences cohabitent, créent des flux et font appel à la sensibilité.
Le sable se retire – Jusqu’au 29 décembre à la galerie Regard Sud, Lyon 1er
Entre chien et loup rue Burdeau
Le travail de Vladimir Velickovick, né en 1935, est montré depuis les années 1950. Les toiles présentées ici vont de 2016 à 2018. Témoin, dans son enfance, des atrocités commises par les nazis en Yougoslavie, il continue aujourd’hui à entrer dans les chaos de l’existence et leurs atmosphères sombres, voire glauques. Le peintre explore encore et toujours les corps en souffrance, les corbeaux, les chiens menaçants, les horizons fermés, les gibets des suppliciés et ici les brasiers du Vésuve. Cette peinture obsessionnelle trouble, remue, inspecte l’apocalypse de notre monde, la tragédie de survivre, dans une figuration paroxystique qui vit dans la violence du noir.
Vladimir Velickovick / Danger – Jusqu’au 12 janvier à la galerie Pallade
À l’heure des Fidji rue des Fantasques
Olivier Menanteau est allé aux îles Fidji, indépendantes depuis 1970, où il a connu les coutumes culturelles, l’inscription de la colonisation. Scénariste et commentateur, il les retranscrit entre œuvre personnelle et documentaire, film et photographies. Il travaille au “second degré”, pouvant déclencher un fou rire au rappel de scènes de cannibalisme qui deviennent un “gag anthropologique”. Par exemple, lorsqu’il rappelle un épisode de 1867 où un missionnaire de l’époque, le révérend Thomas Baker, déclarait : “Je ne redoute pas les indigènes et nous espérons leur apporter du bien.” La réponse des habitants fut de le couper en morceaux à la hache et de déclarer : “Nous avons tout mangé à l’exception des bottes.” Avec la science du décalage, son ironie traque également les tics et les travers des “reporters” actuels, en mettant en avant un “amateurisme” soigneusement prévu et mâtiné d’une bienveillance bon enfant.
Olivier Menanteau / The Fiji times – Jusqu’au 23 février à la galerie Le Bleu du Ciel
Au temps des réseaux à Annemasse
Nés en 1984 et 1982, Émilie Brout et Maxime Marion vivent et travaillent à Paris. Ils ont débuté leur collaboration à l’Ensad Lab, le laboratoire de recherche des Arts déco de Paris, qu’ils ont intégré pendant deux ans. Leur travail a été lauréat des prix Arte Laguna et Talents contemporains de la fondation François-Schneider. Il a été présenté dans le cadre de la 5e Moscow Biennale for Young Art et de la 5e triennale de l’Adiaf. Ainsi que dans de nombreuses expositions collectives, aux États-Unis, en Chine, en Corée, en Croatie ou en Angleterre. “You should only have eyes for me” est leur première exposition monographique institutionnelle en France. Ils s’approprient l’imagerie du cliché, les stéréotypes des “réseaux sociaux” dans leurs films et installations.
You should only have eyes for me – Jusqu’au 19 janvier à la Villa du Parc (Annemasse)
RATTRAPAGE