MÉTRO OUllins
©Elise Julliard

Pollution : quelle est la qualité de l'air dans le métro de Lyon ?

Des mesures sur la qualité de l'air dans le réseau métro de Lyon ont été effectuées en 2017. Lyon Capitale vous propose de consulter tous les chiffres de cette étude inédite qui montre des concentrations de particules fines dans le métro plus importantes qu'à l'extérieur.

La dernière étude publiée sur la qualité de l'air dans le métro de Lyon datait de 2002. Depuis 16 ans, aucune autre mesure n'avait été rendue publique, entraînant la suspicion chez des citoyens. Sur les réseaux sociaux, certains n'hésitaient pas à interpeller régulièrement l'autorité régulatrice du Sytral ou l'exploitant Keolis. Cette absence de donnée à Lyon s'est retrouvée soulignée chaque fois que la RATP communiquait les chiffres du métro parisien. Depuis avril 2018, il est même possible de connaître la qualité de l'air dans trois stations via un site dédié (voir ici).

Un chantier depuis 2015

En parallèle, des réseaux de transports en commun comme celui de Lyon ont travaillé de manière coordonnée pour étudier la composition de la pollution et particules dans les "enceintes ferroviaires souterraines". Une problématique majeure est apparue : comment analyser la pollution et étudier ces mesures avec des réseaux tous différents. Depuis 2015, le ministère de l'Environnement et l'INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques) ont lancé un  travail sur un protocole d’expérimentation commun. Le Sytral et Keolis ont participé à une phase expérimentale de mesures en 2017. Deux types de mesures ont alors été réalisées :

  • en mars 2017, des mesures des particules fines PM10 (inférieures à 10 micromètres, en comparaison un cheveu fait en moyenne 75 micromètres de diamètre) ont été effectuées durant 15 minutes dans chaque station en heures de pointe, matin et soir. Ces mesures sont des "instantanés" qui ne permettent pas de voir les variations dans le temps. Elles ont été réalisées pour hiérarchiser les stations et les regrouper.
  • en juin 2017, des mesures ont été réalisées en continu durant deux semaines sur le quai de la ligne B de la station Saxe-Gambetta, avec une semaine pour les particules fines PM10 et une semaine pour les particules très fines PM2.5 (inférieures à 2,5 micromètres). Contrairement à celles de mars 2017, ces mesures en continu permettent de voir les variations dans le temps. Ce sont les plus pertinentes en matière d'enseignements.

Contacté par Lyon Capitale, le Sytral a accepté de transmettre l'ensemble de ces mesures, que nous reproduisons ci-dessous dans plusieurs graphiques.

À noter, ces particules fines PM10 et très fines PM2.5 ne sont pas présentes uniquement dans le réseau métro, mais bien dans l'air ambiant, partout où nous respirons. Leur concentration dépend de plusieurs facteurs, tout comme leur composition qui peut être très variée (particules rejetées par les voitures, résidus de freinage, pneus, chauffage, composés organiques, cendres...) .

Ainsi, selon le Sytral, "les niveaux d'empoussièrement sont directement liés à la fréquence du passage du métro". Quant à leur nature, "Les particules métalliques analysées à la station Saxe sont composées à 88% de fer. Contrairement à l’air ambiant où les particules proviennent majoritairement du trafic automobile, la pollution des enceintes ferroviaires est issue principalement du roulement et de l’usure des matériaux en frottement du matériel roulant".

Plus ces particules sont petites, plus elles peuvent pénétrer loin dans l'organisme. Selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), "6 à 11 % des décès par cancer du poumon seraient attribuables à l’exposition chronique aux particules fines". Les particules fines peuvent être également à l'origine de maladie pulmonaire, cardio-vasculaire et être un facteur aggravant chez certaines personnes.

En France, selon le code de l'environnement, les valeurs limites pour la protection de la santé en matière de PM10 sont de 50 µg/m³ en moyenne sur 24 heures (à ne pas dépasser plus de trente-cinq fois par année civile ) et 40 µg/ m³ en moyenne annuelle civile. L'objectif de qualité est de 30 µg/ m³ en moyenne annuelle. Pour les PM2.5, les valeurs limites sont de 25  µg/m³ en moyenne annuelle, l'objectif de qualité étant à 10 µg/m³.

Dans tous les cas, ces limites basées sur des moyennes ne concernent pas la seule exposition dans les transports en commun, mais bien celle lors de l'ensemble de la journée. Les voyageurs ne passent que quelques minutes dans le réseau métro, quand le personnel travaillant à l'intérieur est forcément plus exposé, car présent plus longtemps. Selon le Sytral : "Le Conseil Supérieur d’Hygiène publique de France (CSHPF) a publié en 2001 un avis selon lequel ces valeurs (celles de la loi) ne sont pas applicables dans les enceintes ferroviaires souterraines. Le Conseil a proposé une méthode de calcul afin d’établir un seuil de concentration limite en PM10 (Csout) en moyenne horaire, basé sur la notion d’exposition cumulée dans l’air ambiant extérieur et à l’intérieur des enceintes de métro, et respectant la valeur limite journalière. Pour 2017, la valeur de référence pour Lyon est de 226 µg/m³".

Les mesures de mars 2017 en station (mesure de 15 minutes des PM10)

Ligne A (m = matin, s = soir)

Ligne B

Ligne C

Ligne D

Funiculaire Saint-Just

Funiculaire Fourvière

Ces instantanés ne permettent pas de dégager des variations précises. Cependant ils mettent en lumière que lors des mesures, la ligne A est celle où les particules fines PM10 sont les plus présentes avec une moyenne de 107 µg/ m³. À l'inverse, la ligne C et le funiculaire Fourvière sont celles où elles sont en concentration plus faible, avec des moyennes respectivement à 46 µg/ m³ et 38,75 µg/ m³. Une différence qui s'explique grâce à des portions à ciel ouvert. Enfin, la concentration la plus forte a été relevée le 14 mars 2017 dans la station de La Soie sur la ligne A (166 µg/ m³).

Les mesures de juin 2017 à la station Saxe-Gambetta pour les PM10 réalisées du 13 juin 2017 au 20 juin 2017 (En comparaison avec les données fournies par Atmo-Auvergne-Rhône-Alpes pour la même période pour la station de mesure de l'air extérieur à Lyon Gerland).

Les résultats des mesures pour les PM10 à la station Saxe-Gambetta dépassent à cinq reprises la valeur de référence Csout de 226 µg/m³. Selon le Sytral, la valeur très forte de 378,9 µg/m³ relevée le 19 juin est "due à une découpe de panneaux en bois réalisé à proximité de l'analyseur". Dans tous les cas, la concentration en PM10 reste bien plus élevée dans le réseau métro que celle relevée sur le site extérieur de Lyon Gerland par Atmo-Auvergne-Rhône-Alpes. Quand à l'extérieur la moyenne est de 20 µg/m³, elle est de 83 µg/m³ dans la station Saxe-Gambetta. En comparant les deux jeux de données, la concentration des particules fines est donc quatre fois plus élevée dans le réseau métro.

Les mesures de juin 2017 à la station Saxe-Gambetta pour les PM2.5 réalisées du 20 juin 2017 au 27 juin 2017 (En comparaison avec les données fournies, lorsqu'elles sont disponibles, par Atmo-Auvergne-Rhône-Alpes pour la station de mesure de l'air extérieur à Lyon Centre).

On peut souligner une récurrence dans les mesures avec des fortes concentrations de PM2.5 en début de soirée, entre 18h et 21h. Les valeurs dépassent alors régulièrement les 100 µg/m³. Seule exception, le dimanche 25 juin, où le seuil est légèrement dépassé une seule fois (100.1  µg/m³). Selon une source interne, en heure de pointe, la fréquence des rames joue dans l'augmentation de ces valeurs.

Enfin, en absence de données pour le site de Gerland pour cette période sur la page d'Atmo-Auvergne-Rhône-Alpes, nous utilisons ici celles du site de Lyon Centre pour réaliser une comparaison avec l'air extérieur. A noter, des mesures sont manquantes sur certains créneaux horaires. Ainsi, en comparant uniquement les créneaux où les données existent dans les deux cas, et en gardant en tête les limites inhérentes à cette absence de données sur l'intégralité de la période, la moyenne est de 53 µg/m³ dans la station Saxe-Gambetta contre 13 µg/m³ relevés sur le site Lyon Centre. Dès lors, la concentration de PM2.5 est quatre fois plus élevée dans le métro qu'à l'extérieur sur cette durée.

En maintenant ? 

Ces données restent aujourd'hui insuffisantes sur la qualité de l'air au quotidien, même si elles permettent de voir une concentration de particules fines bien plus importantes dans le réseau métro qu'à l'extérieur. Seules des mesures en continu ou plus longues sur l'ensemble des lignes, ainsi que l'analyse d'autres polluants comme le monoxyde de carbone et les oxydes d’azote, par exemple, permettraient d'établir une cartographie précise de la qualité l'air dans le réseau métro. Interrogé sur ces questions, le Sytral indique poursuivre les relevés. L'autorité mettra également en place "une centrale de mesure en continu des particules fines en 2019 sur le réseau métro TCL". En 2019, l'INERIS rendra ses analyses sur ces mesures de 2017 reproduites ci-dessus. De même, un protocole harmonisé de mesures devrait être mis en place en 2019. Reste que comme regarder le thermomètre ne fait pas baisser la température, lire simplement ces données ne diminuera pas la concentration des particules fines. Dès lors quelles seront les actions mises en place dans le réseau métro ? Selon le Sytral : "Une étude de modélisation de la production et de la migration des particules va également être lancée en 2019 afin de mieux cibler les actions permettant de réduire les sources d’émission et les zones d’accumulation", de même, "Les nouveaux matériels roulants prochainement livrés réduiront significativement le recours au freinage mécanique et donc l’émission de particules par frottement". L'autorité régulatrice pourrait également nouer des partenariats avec des instituts de recherche pour trouver des solutions permettant de réduire la concentration de particules fines.

S'il a fallu attendre 16 ans pour avoir de nouvelles mesures de la qualité de l'air dans le métro, désormais, il semble impensable que ce type de chiffres ne soient pas communiqués en continu d'ici 2020. La pollution devrait être l'un des enjeux de la prochaine campagne des municipales, et la qualité de l'air tout aussi importante qu'elle soit respirée à l'intérieur, extérieur, ou dans le réseau métro de Lyon. La pression citoyenne va se faire plus forte. Des systèmes pour évaluer son exposition au quotidien commencent déjà à apparaître, à l'image du capteur Flow de l'entreprise Plume. Ce petit objet connecté à attacher à son sac transforme chaque citoyen en capteur de pollution. Si les collectivités ne transmettent pas les chiffres, les start-ups le feront à leur place.

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