Palais de Justice
(Photo d’illustration) © Tim Douet

Gilets Jaunes jugés à Lyon : "il n'y a rien dans ces interpellations"

Arrêté en possession de deux couteaux et d'une matraque télescopique dans son sac, un Gilet jaune de 25 ans venu ce samedi depuis la Loire a été condamné à deux mois de prison.

Les mains croisées devant lui, Kevin est le premier à être jugé en comparution immédiate au tribunal de grande instance de Lyon pour l'acte VII des Gilets Jaunes. Du haut de ses vingt-cinq ans, il a fait la route à moto avec huit autres Gilets Jaunes depuis Montbrison, dans la Loire, pour "venir voir dans une grande ville comment ça se passait". Après un week-end en détention provisoire et une nuit à la prison de Corbas, le jeune homme a été jugé ce lundi pour "participation à un groupe en vue de commettre des violences volontaires et dégradations de biens publics". Arrivé à midi ce samedi à Lyon, il a été interpellé une heure et demie plus tard place de la République.

Une matraque télescopique "dans un bosquet de fleurs"

Lorsque la police le contrôle, il avait quitté son Gilet Jaune. La juge précise que "l'attention des policiers a été attirée par le fait qu'il dissimulait partiellement son visage". Dans son sac, les policiers trouvent un laguiole et un opinel, une pince coupante et une matraque télescopique. Kévin aurait trouvé cette dernière "dans un bosquet de fleurs". "Je me suis dit qu'un manifestant avait dû la laisser là, j'ai trouvé ça sympa de la ramener", a-t-il déclaré aux policiers lors de sa garde à vue. Le reste serait les effets personnels d'un artisan, qu'il porte sur lui dans n'importe quelle circonstance, comme pour bricoler sa moto. "Pour être tout à fait clair et simple, je reconnais ce qui m'est reproché. Mais c'était pour une manifestation pacifique, sans intention de casser quoi que ce soit", assure-t-il à la barre. "Les objets que j'avais dans mon sac, je n'ai pas pensé à les enlever. Et au moment où l'on s'est divisé avec les autres, si j'avais comme but de me servir de la matraque, je ne serai pas passé devant tous les policiers. C'est se jeter dans la gueule du loup."

"Pas besoin d'un préjudice ou de violences commises pour caractériser le délit"

Dans son réquisitoire, la procureure rappelle que le droit de manifester n'est pas celui de "transporter des armes dans les manifestations à même de démontrer être là pour en découdre avec la police". Concernant le jugement de Kévin, comme celui d'autres Gilets Jaunes, il n'y a "pas besoin d'un préjudice ou de violences commises pour caractériser le délit". Elle demande une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, 105 heures de travaux d'intérêt général à faire dans les 18 mois ainsi qu'une interdiction de se rendre dans le département du Rhône et de port d'arme pendant trois ans. Jugé "sévère" par la défense, le réquisitoire de la procureure appelle à "prendre en compte le casier judiciaire" du jeune homme. À 17 ans, il a été condamné pour un vol en réunion. Plus tard, il est mentionné dans une affaire pour blessure involontaire et condamné à deux reprises pour conduite sans permis et sans assurance. Depuis la rentrée de septembre, il travaille en intérim comme charpentier pour un revenu entre 600 et 800 par mois et se trouve endetté à hauteur de 10 000 euros pour des amendes routières.

"Il ne s'est rien passé, il est d'une honnêteté totale"

Pour son dossier, plusieurs gilets jaunes ont rédigé des attestations, ainsi que ses proches. Son père, présent dans la salle d'audience, décrit un garçon "sociable et gentil" qu'il illustre par son rôle d'organisateur d'activités pour le Téléthon dans son département. L'avocate de la défense, Me Burnichon, apporte une promesse d'embauche en CDI lors de son plaidoyer. "Je viens d'entendre des choses qui me laissent sans voix. Il est arrivé à midi avec des gens de son village de la Loire et il avait enlevé son gilet jaune pour aller boire un café. Il n'y a rien dans ces interpellations ! " s'exclame-t-elle.

L'avocate demande la requalification pour un jugement basé seulement sur le port d'armes. "On fait passer ces individus pour des délinquants alors qu'avoir un canif et une pince dans son sac, d'autant plus quand on fait de la moto, sont des habitudes dans les campagnes. Il est venu porter des opinions et des revendications. Curieusement, il est le seul à avoir été interpellé. La prévention, j'aime beaucoup, mais où est le groupement ? Je n'ai pas la matérialité des faits de violences volontaires ou de dégradations des biens. Il ne s'est rien passé, il est d'une honnêteté totale. Il n'y a pas d'outrage, pas de rébellion et pas un mot déplacé. On l'accuse d'intention qu'il n'a jamais eue. On veut créer une sorte d'amalgame parce qu'il y a eu des violences et des casseurs en fin de journée. Mais pendant ce temps, lui, il était en garde à vue" a-t-elle plaidé.

Déclaré coupable par le tribunal, il a été condamné a deux mois d'emprisonnement. En cette soirée de Saint-Sylvestre, il est sorti libre et verra prochainement le juge d'application des peines. Le tribunal a estimé ne pas avoir suffisamment d'informations pour mettre en place des travaux d'intérêt général face à sa promesse d'embauche et les problèmes financiers auxquels le jeune homme est confronté.

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