Procès Barbarin : les cinq moments clés de la première journée

De l'arrivée du cardinal Barbarin ce matin au tribunal de grande instance de Lyon, à son passage à la barre, revivez le 1er jour du procès de l'affaire Barbarin en cinq moments clés.

Le cardinal Barbarin est bien présent

Avant l'ouverture du procès, l'avocat du cardinal, Me Luciani, avait laissé planer le doute sur la présence de son client pendant les trois jours d'audience, ce lundi. À 9h30, le cardinal sort finalement par une porte juste devant le prétoire et fend la horde de caméras et de photographes qui l'attendait. La veille du procès, dimanche, l’archevêque de Lyon avait choisi de ne pas apparaître aux vœux diocésains, expliquant : “Demain en effet, avec cinq autres prévenus, nous devons nous présenter au tribunal et je pense plus juste de rester aujourd'hui dans la réserve et le silence.” Laissant un indice tout de même sur sa présence.

Une matinée de procédure technique

Dépôt des consignations, intérêt à agir, caractérisation des faits, les avocats des six prévenus ont pointé du doigt plusieurs exceptions de nullité et d’irrecevabilité dans le dossier Barbarin, ce lundi matin. Jean-Félix Luciani, l’avocat du cardinal Barbarin, a par exemple regretté de ne pas “savoir quel [était] précisément leur intérêt à agir, sans lequel il est impossible de mettre en mouvement l’action publique”. “En quoi l’omission de porter secours peut léser l’intérêt particulier des uns et des autres ? Il y a une confusion entre le rôle de plaignant et celui de ministère public”, a-t-il ajouté avant de pointer du doigt un procès médiatique. “On parle de débat citoyen ? Est-ce le lieu ? Êtes-vous devenue la troisième chambre parlementaire, madame la juge ? Le tribunal correctionnel est le lieu des souffrances et de l’honneur, pas de ça”, a conclu l’avocat. Avant le fond, on voyait déjà poindre là le mode de défense des deux parties. Du côté du cardinal Barbarin, la critique d'un procès hors de proportion, “une procédure spectacle”, “une action collective et pas individuelle”. Du côté des parties civiles, la volonté de parler surtout de la souffrance des victimes. “Il est inaudible d’entendre qu’il n’y a pas d’intérêt direct et personnel pour agir. Cela revient à dire que vous n’avez rien compris des souffrances des victimes d’agression sexuelle. Ce fait d’être maintenu dans le silence, même adulte, pour dénoncer soi-même les faits. Et ici, le seul élément qui a obligé les parties civiles à sortir de cet état, c’est la protection des enfants”, a lancé Me Debbache, l’avocate de François Devaux. Catherine Vernay, la présidente du tribunal, a finalement décidé de joindre le dossier au fond.

Pierre Durieux utilise son droit au silence

Ancien chargé de communication du diocèse de Lyon et directeur de cabinet du cardinal Barbarin, Pierre Durieux est appelé à comparaître pour des faits de non-dénonciation d'agression sur mineurs ou personnes vulnérables (article 434 alinéa 4 du Code pénal). Celui qui a quitté ses fonctions depuis a lu un cours texte pour dire qu'il était fils de magistrat, qu'il était scout dans une autre paroisse que les plaignants au moment des faits. “Bref, j'aurais pu être un scout confié au père Preynat”, débute-t-il. Il se dit “touché” par l'histoire d'Alexandre Hezez quand il reçoit sa demande de rencontre avec le cardinal. Une demande qu'il dit transférer “31 minutes après l'avoir reçue”. “J'y réponds 1h51 plus tard, après avoir relu et relu mon texte, insatisfait de pouvoir trouver les mots justes face à cette plaie béante”, ajoute-t-il. Depuis trois ans, il assure vivre “les regards gênés des voisins, le harcèlement téléphonique, les portraits dans la presse locale, pour un mail qui [ne lui était pas] destiné”. Son texte lu, Pierre Durieux décide d'utiliser son droit au silence, expliquant avoir tout dit pendant l'enquête. La présidente tente tout de même sa chance. “Quand on a un père magistrat et qu'on s'entend dévoiler de la sorte des faits d'abus sexuel, est-ce que vous n'êtes pas préformé à vous demander ce que vous devez faire dans ces moments-là ?” Pas de réponse. “Pourquoi les comptes rendus du conseil épiscopal sont-ils très succincts, voire peu précis ? Et pourquoi le père Preynat y est mentionné comme père X ?” Pas de réponse. “Vous voulez borner les questions pour éviter d'y répondre, pour contrôler. À quoi vous sert de contrôler la parole aujourd'hui puisque vous êtes venu ?” tente une dernière fois la magistrate. “La réponse tient au mot fidélité”, répond cette fois-ci Pierre Durieux.

Le cardinal Barbarin à la barre

Premier vrai moment de vérité de ce procès. Pendant près de trois heures de questions, le cardinal n'a pas fait bouger sa version d'un iota. Lui aussi souhaite prononcer un propos liminaire. Il dit se présenter “par respect pour la justice de notre pays”. Très rapidement, il se fait affirmatif : “Je ne suis pas coupable des faits dont on m’a injustement accusé. Je n'ai encore moins cherché à couvrir des faits qui contredisent totalement ce dont j'ai fait ma vie.” Et revient alors sur les dates. Juin 2014, où il reçoit le témoignage d’Alexandre Hezez. “Je l'ai encouragé à ne pas renoncer et à trouver d'autres victimes”, assure l'archevêque. “Pourquoi ne pas avoir transmis les informations à la justice ?” interroge la magistrate. “C'est lui, Alexandre, qui me dit que les faits sont prescrits et qu'il s'en veut”, affirme Philippe Barbarin. Mais depuis quand le cardinal savait-il ? Il y avait d'abord “des rumeurs”, dit-il. Difficile pour lui d'en préciser la signification, la date et l'origine. Des rumeurs qui se vérifient en 2010, quand il reçoit le père Preynat, le 31 mars. Ce dernier avoue tout. Le cardinal dit lui avoir demandé s'il s'était passé quelque chose avec des enfants depuis 1990. “Il me répond que non”, certifie l’archevêque de Lyon. Ce dernier s'abrite aussi derrière les choix de ses prédécesseurs : “J’ai fait confiance au cardinal Billé, qui était un homme remarquable.” À ce moment-là, pas de prise en compte de ces rumeurs ?” s'étonne la magistrate. “Si vous dites : n'est-ce pas imprudent ? les faits vous donnent raison. J'aurais dû y penser et le laisser dans l'ombre pour qu'il se fasse discret”, répond l'homme d'Église. Philippe Barbarin n'en démord pas, il a respecté la procédure. “J'ai l'impression d'avoir fait ce que Rome m'a demandé”, martèle-t-il. Pourquoi avoir attendu le 1er septembre 2015 pour relever Bernard Preynat de ses fonctions, alors que la réponse de Rome est arrivée en janvier de la même année ? “Rome a demandé de le faire sans scandale public, c'est donc ce que j'ai fait”, conclut le cardinal.

Les parties civiles entre satisfaction et émotion

Après huit heures de débats, la tension est un peu retombée. Pour les parties civiles, il fallait que ce moment arrive. “Ce n'est pas une satisfaction en soi, mais une satisfaction dans le sens où dans notre pays aucun statut ne protège de la justice. L'intérêt de ce procès est de mettre des garde-fous à un phénomène dangereux et de mettre les justices des pays partout dans le monde face à leurs obligations”, a confié François Devaux. “Ce procès montre tout le mécanisme mis en place dans cette institution. Quand on dit “j'attends l'avis de Rome avant celui de la justice française”, ça prouve les dysfonctionnements”, abonde Alexandre Hezez, visiblement ému après cette première journée. Les larmes aux yeux, Jean-François Roche, victime du père Régis Peyrard dans le diocèse de Saint-Etienne il y a près de cinquante ans, est venu assister à l'audience. Il y a un mois, le père Peyrard a été condamné à six mois de prison ferme et douze avec sursis pour agression sexuelle sur mineurs, par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne. “Pas assez”, estime Jean-François Roche. Il pense que ce procès Barbarin se passera différemment et a un avis tranché sur les propos du cardinal : “Au moins, là, la présidente rentre dans le lard. Quant au cardinal, soit il est bête, soit il est malveillant, mais il savait très bien, au moins dès 2010.” Demain, ce sera au tour des quatre derniers prévenus de passer à la barre et des huit parties civiles. Alexandre Hezez se dit prêt à montrer que le cardinal Barbarin “n'a pas tout fait”, contrairement à ce qu'il a affirmé à la barre ce lundi.

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