© Mathilde Régis

Acte X des Gilets Jaunes à Lyon : "Il n'y aura pas de machine arrière"

À Lyon, l'acte X des Gilets Jaunes a démarré dans la rue de la République par un rassemblement devant le Crédit Mutuel. Propriétaire de la plateforme Leetchi, la banque a été choisie comme symbole suite à la fermeture de la cagnotte en ligne en soutien au boxeur Christophe Dettinger.

"Tiens, voilà les Gaulois réfractaires". Devant le Crédit Mutuel de la rue de la République, Sylviane accueille son mari et son fils, tous deux coiffés de perruque et de petites ailes semblables à celle d'Astérix. Inscrites au marqueur sur leurs Gilets Jaunes, les dates des rassemblements s'enchaînent : ils sont mobilisés depuis le début et ne lâcheront pas. D'abord à Saint-Quentin de Fallavier, puis à Bourgoin, la famille est depuis trois samedis dans les rues de Lyon.  "J'ai 40 ans de boulot derrière moi en élevant des enfants et aujourd'hui - sans la complémentaire - la Carsat me verse une retraite de 693 euros. On a cotisé bon sang ! On ne vole personne et maintenant on vient nous dire que l'on coûte trop cher ?!", s'exclame cette ancienne aide-soignante emmitouflée dans son écharpe en laine pour se protéger du froid glacial.

Sylviane et son mari, mobilisés avec les Gilets Jaunes depuis le 17 novembre ©Mathilde Régis

Avec Liliane, ancienne co-gérante de centre de formation, elles sont les oubliées de la politique d'Emmanuel Macron : des retraités de la classe moyenne au pouvoir d'achat amputé par l'augmentation constante des prix. "Une malheureuse galette des rois à 16 euros, vous vous rendez compte ? Ça fait plus de 100 francs ! Personne n'aurait payé ce prix là il y a quelques années. Les jeunes qui ont grandi avec l'euro ne se rendent pas compte à quel point les prix ont augmenté. La vie est beaucoup trop chère".  Sylviane s'inquiète pour la jeunesse et plaide pour la suppression des taxes sur les produits de première nécessité. Le Grand Débat ? Elle n'y croit pas. Caroline non plus d'ailleurs. "Les maires sont triés sur le volet et certains ont été refusés. Ce Grand Débat est une opération de communication. Et pendant que le gilet jaune fait écran de fumée, l'assemblée continue de discuter de la réforme sur le chômage".

En tant que cadre dans sa vie professionnelle, Caroline accompagne des managers et dirigeants d'entreprise. "Je travaille dans le capitalisme", plaisante-t-elle, soulignant que le mouvement des Gilets Jaunes est protéiforme et se compose de différentes origines sociales. "Dans mon travail, je vois des managers et des dirigeants d'entreprises pressurisés, en burn-out ou à la limite de l'être. Ils sont dans un non sens total à faire face aux délocalisations et aux chiffres à tout prix pour nourrir les actionnaires. Ils vivent dans la peur de se faire licencier, car avec une rupture conventionnelle, il y a six mois de carence. Qui peut faire face dans ces conditions ?" Charles embraye sur ces mots. "Les Gilets Jaunes, c'est le peuple. Nous sommes les 99% face au 1%. Il n'y aura pas de machine arrière",

"Vache à vote" 

Petit à petit, des groupes de Gilets Jaunes viennent rejoindre le rassemblement. Henri, muni de sa pancarte, essaye depuis des semaines de "réveiller les Lyonnais". Il en est convaincu, une mobilisation plus forte à Lyon pourrait faire basculer le mouvement. "Mais les Lyonnais sont macronistes, c'est difficile pour eux de reconnaître s'être trompé. Même si beaucoup sont d'accord en discutant, ils ne le sont pas prêt à se mobiliser franchement" déplore-t-il. Lui travaille chez Orange. "Le problème des entreprises publiques qui fonctionnaient, qui ont été privatisé et n'investissent plus, je connais bien. C'est la même chose chez EDF. On a tout perdu".

Henri se mobilise chaque semaine à Lyon avec les Gilets Jaunes ©Mathilde Régis

Flora aussi a été de toutes les mobilisations lyonnaises, celles sur la place Bellecour ou sur le péage du TEO, à Caluire. Au chômage aujourd'hui, elle entreprend bientôt une nouvelle formation après des études supérieures. "On subit clairement une forme de répression. Les mouvements violents restent minoritaires, mais aujourd'hui, on se pointe avec un gilet jaune et il y a une horde de forces de l'ordre", déclare-t-elle. Pour elle, c'est un signe d'inquiétude face à la volonté, partagée par tous ici, d'obtenir le référendum d'initiatives citoyennes (RIC), pour "toute matière""La possibilité d'une voix démocratique forte et puissante fait peur, notamment car nous voulons le référendum révocatoire. Ça rééduque le citoyen et lui redonne une place alors qu'aujourd'hui, il est considéré comme une vache à vote". 

À l'aide d'un porte-voix, Charles entame une prise de parole. Il est de ceux qui, lundi soir, ont voté dans le comité action de se rejoindre ce matin devant le Crédit Mutuel. "Le gouvernement a déclaré que la cagnotte pour Christophe Dettinger, le boxeur qui a pris la défense d'une femme, était contraire aux valeurs de la République et parlait de financement de la violence. Mais il y a quatre mois, une cagnotte Leetchi avait été ouverte en soutien à Esteban Morillo, condamné en justice pour la mort de Clément Méric. Cet été, il y en a eu une au fasciste d'extrême droite Yvan Benedetti, lui aussi condamné en justice", cite-t-il en dénonçant un "deux poids-deux mesures" de la part du gouvernement. "À ce moment-là, l'argent n'avait pas d'odeur. Le gouvernement parle de violence, mais qui est le plus violent ?" poursuit-il en citant les 67 blessés à la tête par des tirs de flash-ball. Les allocutions se poursuivront sur les conseils pour la manifestation de l'après-midi, notamment celle de ne pas ramasser les grenades lacrymogènes, et surtout pas de les renvoyer. Le conseil est entendu, même si les Gilets Jaunes présents ce matin semblent très loin d'être attiré par une quelconque forme de violence.

Acte X à Lyon : un millier de Gilets Jaunes marche en presqu’île

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