Fontaines D.C. © DR
Fontaines D.C. © DR

Fontaines D.C., du rock irlandais qui coule de belles sources

Révélation marquante de 2018 pour les spécialistes, les Dublinois de Fontaines D.C. débarquent à Lyon ce mois-ci avec un premier album, attendu comme le messie, de rock tonique et lettré, immergé dans le grand bain du mélange de genres pop-culturel.

Est-ce parce qu’ils sont, comme le suppute le New Musical Express, la bande-son d’une génération anxieuse – d’accord, mais laquelle ? – et qu’ils sont donc posés vent de face dans l’ère du temps, comme des totems annonçant l’apocalypse, que les Fontaines D.C. sont à ce point rendus à la hype avant même, oserait-on dire, d’avoir accompli quoi que ce soit ? Reste que, disant cela, on exagérerait quelque peu, le quintet de Dublin s’étant signalé sur les radars avec autre chose qu’un look et une vague coupe à la mode (en clair, du vent) – qu’ils n’ont d’ailleurs pas – combinés à l’hypersensibilité des nez truffiers desdits suiveurs. Non, c’est plutôt avec une salve de singles déflagrants que Fontaines D.C. a arrosé l’année 2018 et installé dans les esprits une insoutenable impatience quant à son album à paraître en ce début d’année.

Sans doute en effet y a-t-il là quelque chose, en plus d’une inéluctable propension à l’efficacité mélodico-rythmique, d’irrésistiblement générationnel comme cela n’arrive qu’à chaque calende grecque et encore. Mais de multi-générationnel donc. Parce que l’anxiété est désormais une valeur partagée par tous et à vrai dire largement pressentie par la génération qui a su mettre en musique ce sentiment : celle du punk, dont se réclame en partie, et en droite ligne, Fontaines D.C., nouveaux hérauts – parmi d’autres, on le concède – de la désillusion.

Genres de Dublin

À l’ère du post-tout, à commencer par le post-modernisme, c’est aussi sans doute le spectre des influences du groupe (pas toujours audibles, mais bien présentes) qui provoque un tel appétit chez l’auditeur potentiel. La curiosité n’appelle-t-elle pas la curiosité ? (Vous avez trois minutes, soit la durée moyenne d’une charge fontainesienne.) Car, il faut bien le dire, ces cinq garçons dans le vent bercés à la contre-culture font feu de tout bois.

Délivrant un garage post-punk frontal, Fontaines D.C. cite pourtant parmi ses refrains préférés There she goes des La’s (groupe pop indé de Liverpool dont le seul et unique album marqua durablement les esprits) et Help me Rhonda des Beach Boys (qu’on ne présente pas), ce qui explique sans doute leurs facilités mélodiques, même planquées derrière l’urgence sonique. Aussi bien qu’Air ou les Pogues, PIL ou Nick Cave. Mais aussi, dans d’autres registres, Frank Sinatra et Coppola (leur nom est une référence au personnage du parrain Johnny Fontane, lui-même inspiré par Frank Sinatra), James Joyce, W.B. Yeats ou T.S. Eliot. Ici, il faut noter que la littérature et la poésie ne sont pas les moindres des préoccupations de ces jeunes hommes agités, à commencer par Grian Chatten qui aime à délivrer sa poésie de la déliquescence dans un état second proche du sommeil.

Connexion

De ce gloubiboulga pop épais comme une pinte de stout, Fontaines D.C. excelle donc à réaliser une synthèse qui interpelle immédiatement l’universalisme niché en chacun de nous – de préférence aux tréfonds conjugués de l’oreille interne et du cerveau reptilien. “There’s no connection available”, ânonne Chatten sur Hurricane Laughter, qui semble là encore tout droit tombé du camion (un poids très très lourd) contenant toute la discographie de The Fall. C’est pourtant tout l’inverse que prouve le succès de Fontaines D.C. et plus encore celui à venir : la connexion est parfaite et les branchés sont sur le pont.

Fontaines D.C. + Rank – Samedi 9 février à 20h30 au Sonic // COMPLET

[Article publié dans Lyon Capitale n°785 – Février 2019]

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