Cléa Vincent © Kamila K Stanley
Cléa Vincent © Kamila K Stanley

Les Nuits fauves de Cléa Vincent au festival “Changez d’air”

Tête d’affiche du festival de Saint-Genis-les-Ollières, Cléa Vincent a publié récemment “Nuits sans sommeil”. Où elle poursuit, en toute indépendance, son travail d’exploration d’une mélancolie dansante et amoureuse à la croisée de la chanson pop 80s et de la French Touch.

Au-delà de ce que Coluche appelait “les milieux autorisés”, Cléa Vincent est sans doute moins dans la lumière que ses consœurs de la (n-ième) nouvelle chanson pop française Clara Luciani, Juliette Armanet et même Fishbach, qu’elle a pourtant précédées dans ce concert national. Ça tombe bien, l’intéressée “préfère jouer partout que d’être invitée chez Drucker”, confiait début mars au webzine Addict Culture celle qui a donné ses premiers concerts sur tout ce que Paris compte de scènes ouvertes, plus tard là dans un kebab à Amsterdam, là dans une pizzeria à La Rochelle. Mais c’est dommage, car Cléa Vincent n’est pas la moins intéressante des artistes que L’Express avait surnommées début 2017 “Les nouvelles guerrières de la French pop”.

Synthés fiévreux et voix sucrée

Assumant les noces musicales utopiques de France Gall et Daft Punk (Elli, Jacno et toute la smala des “jeunes gens modernes” seraient témoins des épousailles), Cléa Vincent multiplie les clins d’œil à la pop synthétique des années 1980 et au rétro-futurisme tantôt dansant tantôt planant de la French Touch du tournant du millénaire. Surtout, elle fait figure de représentante d’une sorte d’hédonisme contrarié, d’un eudémonisme mélancolique matérialisé dans la friction entre ces synthés fiévreux et nostalgiques et cette voix sucrée aux limites d’une niaiserie volontaire, très 80s elle aussi. Les titres de ses albums, Retiens mon désir et Nuits sans sommeil, mais aussi l’EP Non mais oui, disent également cela : cette recension des états contradictoires, des moments oxymoriques, de ces élans amoureux qu’un coup d’arrêt change en souvenir ou que simplement on n’attendait pas.

Femme est la nuit

Pourtant, Nuits sans sommeil est bien le disque d’une émancipation assumée et réussie, qui transforme la chrysalide à l’œuvre sur Retiens mon désir en papillon, la jeune chanteuse en femme aussi (Sexe d’un garçon, Femme est la nuit empruntée à Dalida). Comme s’il s’agissait justement de ne plus retenir son désir, pour cette musicienne éprise de liberté. Particulièrement de liberté artistique. En 2012, lorsqu’elle est remarquée par Polydor, l’expérience tourne court et le label ne publie finalement pas ce qui devait être son premier album. La chanteuse-auteure-compositrice empruntera d’autres chemins, moins fréquentés, pour tracer sa voie vers un succès qui lui suffit amplement, construit sur un mode artisanal qui lui sied à merveille, en retrait des exigences d’une industrie musicale volontiers broyeuse de destins. Cléa Vincent y élargit aussi sa palette de motifs dansants (électro, house, disco…) aux côtés de Raphaël Léger qui, en temps que batteur de Tahiti 80, s’y connaît en groove délicat. Et livre un disque qui chemine sur la dialectique du laisser-aller et de la reprise de contrôle, de la rêverie et du retour au principe de réalité, en se délectant de ce perpétuel entre-deux, grisant et impalpable comme des nuits sans sommeil mais jamais blanches.


Cléa Vincent – Jeudi 16 mai à 20h30 à l’Escale (St-Genis-les-Ollières), avec Joe Bel et Melba, dans le cadre du festival “Changez d’air” (du 15 au 18 mai) – www.mairie-stgenislesollieres.fr

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