Photo d’illustration. (Photo Antoine Merlet)

Lyon : le vrai tracé de l’Anneau des Sciences, les zones boisées menacées

Faut-il boucler le périphérique de Lyon pour 3 à 10 milliards d’euros, dans un contexte marqué par un recul de la voiture en ville et la crise climatique ? L’autoroute urbaine de l’Anneau des Sciences est au cœur des débats pour Lyon 2020 et les plans et tracés dévoilés par Lyon Capitale n’arrangent pas les défenseurs du projet.

Il y a ceux qui sont intimement convaincus qu’il faut le construire, comme Gérard Collomb, ceux qui font de son abandon une condition sine qua non à toute alliance politique ou négociation de second tour, à l’image d’Europe Écologie Les Verts, ceux à droite qui ne veulent pas trop prononcer son nom pour ne pas se fâcher avec des électeurs potentiellement sur son tracé ou qui sont pour, mais pas chez eux, et puis David Kimelfeld, en mode “oui, mais”, qui cherche surtout à savoir comment il va sortir de cette galère qui le rend inaudible chaque fois qu’il veut aborder les questions écologiques et climatiques.

L’autoroute urbaine de l’Anneau des Sciences (ou TOP, tronçon ouest périphérique) sera incontestablement l’un des points de débat des campagnes municipales et métropolitaines en 2020. Ce serpent de mer évoqué à partir des années 70, étudié dans les années 90, avant d’être tué dans l’œuf par Raymond Barre avait été ranimé par Gérard Collomb dans les années 2000. L’ancien président de la métropole n’est jamais parvenu à passer l’étape d’après, faisant essentiellement voter des études, tout comme son successeur David Kimelfeld.

En l’état actuel, l’Anneau des Sciences est censé boucler le périphérique de Lyon autour de 2030 grâce à 14 kilomètres d’autoroute à l’ouest, en partie enterrés dans deux tubes. En moyenne 60.000 véhicules par jour doivent l’emprunter. Sept échangeurs autoroutiers, surnommés “portes”, permettraient d’entrer sur la structure. “Loi Mont-Blanc” oblige, il ne peut y avoir d’embouteillages à l’intérieur des tubes, la régulation se fera donc aux entrées sur les échangeurs à l’extérieur. Ce sont donc ces zones qui accueilleront les bouchons, ainsi que les rues adjacentes.

Anneau des Sciences - chemin de la Bucheronne / Allée de la Palombière à Tassin (photo : Antoine Merlet)

La fin du flou

Jusqu’à présent, le projet restait flou pour les habitants de l’agglomération, la seule “vue” qui existait étant une représentation très imprécise qui n’indiquait pas les zones, mais simplement le nom des échangeurs. Lyon Capitale a pu se procurer un document où l’on voit clairement le tracé de l’Anneau des Sciences avec des vues aériennes indiquant les tunnels, les tranchées couvertes, pont, viaduc et voiries à ciel ouvert. Il ne manque que la position des puits d’évacuation des gaz polluants et particules fines qui rejetteront leur cocktail à proximité des habitations. Sur ces vues, on peut remarquer que les échangeurs seront situés sur les rares zones pouvant être construites autour de Lyon : forêts, terres agricoles, espaces de verdure. Même en partant de l’hypothèse improbable d’un anneau propre à 100 %, ces dernières zones naturelles seraient menacées par la construction de la structure. À Saint-Genis-Laval, l’une de ses “portes” arriverait à proximité d’une maternité et de l’écoquartier du vallon des Hôpitaux. “Des habitations, centrées sur les espaces naturels, seront bâties tout autour”, précise la communication officielle qui oublie la possible arrivée d’une autoroute à côté.

Anneau des Sciences - Saint-Genis-Laval à proximité de l'écoquartier du Vallon des Hôpitaux et d'une maternité (photo : Antoine Merlet)

Des forces en présence qui s’affirment

Anneau des Sciences - Chemin des Brindilles à Chaponost (Photo : Antoine Merlet)

Plusieurs lobbys se sont mis en marche pour défendre l’Anneau, à l’image de celui du béton et de la construction routière qui y voit l’un des derniers grands projets autoroutiers possibles sur l’agglomération avant que cela ne devienne socialement inacceptable (si ce n’est pas déjà le cas). Il y a aussi celui de l’hydrogène qui présente aux élus un futur avec des voitures propres, omettant qu’aujourd’hui 48 % des particules fines rejetées proviennent du freinage, des pneus et de l’usure de la route. Cela n’aura échappé à personne que si le métro de Lyon est électrique, ses tunnels affichent de fortes concentrations en particules fines. Les marches pour le climat réunissant jusqu’à 15.000 personnes à Lyon ont clairement affiché leur refus du projet jugé “climaticide”, quelques “vous serez morts quand l’Anneau des Sciences sera terminé, pas nous” ont fusé lors des mobilisations de la jeunesse pour le climat.

Deux collectifs viennent de voir le jour pour s’opposer au projet : “Anneau des Sciences, non merci !” Et celui de Beaunant. Les plans tournent, des tracts circulent lors des marchés où les habitants découvrent un tracé à proximité de chez eux. Des gens de droite, de gauche, du centre, d’anciens cadres supérieurs avec un lourd carnet d’adresses, des militants écolos de la première heure, des citoyens qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois et qui s’inquiètent pour leurs enfants, d’autres du bruit ou du gaspillage de l’argent public pour un projet qui était peut-être pertinent en 1970, mais plus en 2030, des associations de défense de l’environnement et de la nature… Quand dans les années 1990-2000, la lutte contre le TOP était essentiellement une affaire d’écologistes, celle contre l’Anneau des Sciences réunit des personnes qui n’ont parfois rien en commun, même pas le tracé, la mobilisation dépassant les principaux concernés.

“Le risque c’est qu’on donne l’image de pouvoir préserver le centre de Lyon par des opérations de piétonnisation et d’exporter la pollution à l’extérieur. Pendant que la ville respire, la périphérie étouffe. Après les Gilets jaunes, c’est dangereux”, glisse un proche de David Kimelfeld. Pour tenter de faire passer le projet, il fut un temps où l’argument voulait que boucler le périphérique à l’ouest permettait de “partager la pollution avec l’est”, territoire déjà envahi par les routes. “Le principe sur un périphérique, c’est que l’on tourne, balaie Pierre Hémon d’Europe Écologie Les Verts, l’Anneau des Sciences peut contribuer à augmenter le trafic à l’est. Nous ce qu’on propose ce n’est pas de dévier la circulation de l’est vers l’ouest, mais de la réduire à l’est. Ça peut passer par un RER à la lyonnaise avec des diamétrales pour traverser l’axe nord/sud, est/ouest. On travaille actuellement sur le dossier avec un groupe d’experts et on fera des propositions très précises prochainement.”

Préparer la suite

Le temps passe, la question du financement estimé entre 3 et 10 milliards n’a toujours pas été abordée et une ouverture en 2030 s’éloigne de plus en plus. “S’ils continuent le projet, on va se retrouver avec des ZAD sur chaque zone d’échangeurs, il y aura des recours devant les tribunaux, on voit apparaître des notions de crime contre le climat. Le temps va continuer de tourner, la voiture reculera encore, et ce qui n’est déjà pas pertinent aujourd’hui le sera encore moins demain, philosophe une source technique à la Métropole de Lyon, on ferait mieux de préparer l’après dès maintenant et ne pas se laisser piéger comme l’A45. Certains ont défendu ce projet d’autoroute entre Lyon et Saint-Étienne jusqu’au bout et maintenant qu’il est abandonné, ça patine pour la suite, car personne ne s’était penché sérieusement dessus avant le couperet du gouvernement.”

L’équation à résoudre est désormais celle des alternatives pour permettre à la deuxième et troisième couronne, voire au-delà, de pouvoir venir à Lyon sans prendre la voiture et des usages à venir. Vaste question laissée en friche pour l’instant. Les yeux rivés sur l’Anneau des Sciences, ses promoteurs en ont-ils oublié de laisser une porte ouverte aux autres solutions ? Préparer la vraie ville de demain et non celle qui faisait fantasmer en 1970.

Annexe :

L'ensemble de ces vues sont tirées du dossier de consultation des entreprises pour la reconnaissance géologiques et géotechniques par sondages et essais. Il contient le "plan d'implantation des sondages carottes" et date de 2017.

Valvert

Valvert

Tunnel de Tassin

Tunnel de Tassin 

Alaï (avec des routes en extérieur dans une zone très verte)

Francheville

Tunnel de Francheville

Tunnel de Francheville et porte de Beaunant (avec des routes extérieures dans une zone très verte)

Tunnel de Saint-Genis-Laval (la mention Pierre Bénite est une erreur sur le document)

Tunnel de Saint-Genis-Laval

Tunnel de Saint-Genis-Laval et diffuseur à proximité de "l'éco-quartier"

Tunnel du Montmein

Tunnel du Montmein - porte de la Saulaie

Traversée du Rhône / port Herriot

Échangeur de Saint-Fons

 

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