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Abus sexuels à l'OL : l'audience dévoile la discrimination du foot féminin

C'est peut-être un tournant important pour la professionnalisation des joueuses de football qui s'est joué ce lundi après-midi dans la salle A du tribunal de grande instance de Lyon. Une jeune joueuse écartée par l'Olympique lyonnais dans des circonstances qu'elle dénonce a demandé à être réintégrée au club, estimant qu'elle devait comme les hommes avoir une convention de trois ans. Or ces contrats de formation n'existent pas actuellement à l'OL. L'avocat du club a admis une “différence de traitement réglementaire” entre hommes et femmes et estimé que cela relevait du fonctionnement “des mondes” du football professionnel et amateur.

Le 5 juillet dernier, Mediapart révélait l'affaire d'un ancien entraîneur de l'OL qui aurait harcelé sexuellement deux footballeuses de 15 ans au printemps 2018. L'une des deux joueuses ayant dénoncé ces agissements a été écartée du club depuis. L'OL assure qu'il n'y a pas de lien entre les deux affaires et que la décision s'est faite sur “des critères objectifs sur les qualités sportives”. Ce que conteste la famille (lire ici).

Lundi, un procès en référé a eu lieu entre la famille de la jeune fille et le club. Les premiers demandaient la réintégration de la joueuse au sein de l'OL et la communication de tous les documents relatifs aux conventions de formation et aux contrats octroyés aux garçons du même âge. Contrats qui n'existent pas chez les jeunes joueuses de football dans les centres professionnels. Ce que critique l'avocat de la jeune fille, Maitre Ben Achour. “Dans notre République, le principe d'égalité est un principe essentiel. Et la loi dit qu'il ne peut pas y avoir de différences de traitement entre les hommes et les femmes”, assure l'avocat à la barre. C'est cette absence de cadre légal qui a permis à l'OL de se séparer de sa joueuse au bout d'un an. Là où les hommes entre 15 et 18 ans signent une convention pour deux ans (contrat apprenti) ou trois ans (contrat aspirant)  avant un éventuel contrat professionnel, aucune durée légale de formation n'existe chez les femmes actuellement.

“Deux mondes”

Une réalité confirmée par l'avocat du club qui parle de règlements propres à la Fédération et au football en général. “Cette demande [de la partie adverse] laisse croire que nous sommes en présence d'un seul monde. Or dans le domaine du football, il n'y a pas un monde, mais deux. Celui du foot amateur et celui du foot professionnel. Ce dernier ne relève pas de la Fédération française de football (FFF), mais de la Ligue de football professionnel (LFP). Chacune de ces institutions a des dispositions propres qui ne sont pas communes et ne se mélangent pas. Par effet de règlement, il y a une différence de traitement entre les deux mondes. Si l'académie est mixte sur le plan fonctionnel, les filles comme les garçons bénéficient du même soutien pour apprendre le football, l'accompagnement, etc., sur le terrain statutaire, les réglementations sont différentes. Cette différence sur le terrain réglementaire est reprise par la charte de football professionnel dans son article 13¹”, a plaidé la défense de l'Olympique lyonnais.

Selon cette “différence de traitement”, l’avocat assure que la jeune joueuse “a souscrit à une licence de sportif amateur pour une seule saison. Et il n'a jamais été question de promettre un engagement sur 3 ans”. Ce que conteste la famille de la jeune fille. “On nous a dit que Myriam était prise pour trois ans”, avait-elle confié a Médiapart. “Vous avez déjà vu des joueurs amateurs avec une licence comme tout le monde dont l’éducation est payée, le logement, la nourriture, les transports. Ils lui ont même financé un trajet Paris-Strasbourg en taxi”, abonde lundi maître Ben Achour.

“Le club théorise la discrimination”

L'avocat de la joueuse écartée n’admet pas qu’il puisse y avoir une différenciation entre jeune footballeur et jeune footballeuse. “Le club théorise la discrimination, lâche-t-il à la barre. Il reconnaît la différence de traitement, mais dit qu'elle se justifie et que c'est la faute de la Fédération.” Puis conclut : “Ça ne tient pas une seule seconde. Ce n'est pas le problème de la Fédération. C'est la loi. En France il y a une pyramide législative et la loi (l’article L211-5² du code du sport) est supérieure au règlement et à la charte. Le club sait très bien ce que c'est l'égalité quand il parle des joueuses pros, à ses actionnaires et aux partenaires. Mais quand vous en faites des tonnes sur l’égalité, il ne faut pas le prétendre, il faut l’appliquer derrière”.

La décision a d'abord été mise en délibéré au 16 septembre. Après avoir expliqué au juge “l'intérêt sportif et scolaire” pour sa cliente de savoir le plus tôt possible si elle allait être réintégrée au centre de formation de l'OL, le magistrat a avancé le délibéré au vendredi 26 juillet. Dans le même temps, selon nos informations, le défenseur des droits Jacques Toubon a été saisi par la famille de la joueuse.

¹ Dans son article 13, la charte de football professionnel indique quepour des raisons de commodité de rédaction, le genre masculin est employé, mais vise, en dehors des dispositions concernant les joueurs, à la fois les hommes et les femmes

² L'article L211-5 du code du sport dispose que “l'accès à une formation dispensée par un centre mentionné est subordonné à la conclusion d'une convention entre le bénéficiaire de la formation ou son représentant légal et l'association ou la société sportive”.

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