Piétonnisation de Lyon

Piétonnisation à Lyon : il y a encore du travail et pas là où on le pense

Première journée pour le test de piétonnisation de la Presqu'île de Lyon ce samedi 28 septembre et premiers constats. Il y a encore du travail à faire pour que l'idée entre dans les moeurs et pas forcément là où l'on pourrait le penser en premier.

Et soudain, le calme dans le centre de Lyon. Pour cette première journée d'expérimentation de la piétonnisation en Presqu'île, la disparition du bruit des moteurs dans le périmètre marque les esprits, ou du moins les oreilles. Ce bruit du fond n'est plus là, et d'un coup, rires, paroles, discussions... reprennent leur place dans la cité. "C'est le son de Venise, plus que celui de New York", s'amuse le président de la Métropole David Kimelfeld. Soudain, une voiture arrive, amenant avec elle un vacarme qui paraitrait presque désagréable tant on s'habitue vite à la nouvelle bande originale de la piétonnisation.

Les règles du jeu ont été posées par la métropole de Lyon lorsqu'elle a présenté cette expérimentation : les piétons sont prioritaires et peuvent marcher sur la chaussée dans un large périmètre allant de nord de la place Bellecour aux bas des pentes de la Croix-Rousse, certains véhicules, comme ceux des résidents, peuvent rouler dans les artères, mais à 5 km/h au maximum. Ça, c'est la théorie.

Au royaume du piéton, il ne sait pas encore qu'il est le roi

Après le fond sonore, la deuxième chose qui attire l'oeil reste tous ces piétons qui ne profitent pas de la piétonnisation. Massés sur les trottoirs, ils n'osent descendre sur la chaussée. C'est pourtant leur royaume d'un jour. La route n'est pas de la lave, ni un tabou : un couple tente sa chance. L'espèce humaine étant naturellement grégaire, une famille se lance à son tour. Puis, ils sont des dizaines à conquérir le milieu de la rue... jusqu'à l'arrivée d'un SUV massif, capot plus haut qu'un enfant. Sa vitesse n'est pas de 5 km/h, encore moins les 30 requis dans l'artère. Telles des hirondelles, les piétons retournent sur leur trottoir aux allures de nid douillet.

Quelques minutes plus tard, voici qu'ils sont à nouveau sur la chaussée, un cycliste joue de la sonnette à tout va pour passer sans freiner. Il se fera rabrouer, il n'est pas prioritaire. Quelques clichés fusent sur les vélos, avant qu'un duo en Vélo'v arrive à son tour, pédalant doucement, trouvant sa place dans le flux des piétons sans se transformer en propagande vivante contre les cyclistes à Lyon. On ne pourra pas en dire autant des trottinettes en location qui sont venues régulièrement bouleverser l'équilibre qui tentait de se mettre en place ce samedi.

Un nouveau code

En parallèle, la piétonnisation ne sera pas le salut des bacs à fleurs sur les voies de bus de la rue Édouard Herriot. Infranchissables sauf là où elles sont absentes, ces installations se retrouvent à maintenir les piétons sur les trottoirs. Impossible de traverser n'importe où, de voir les vitrines lorsqu'on fait le choix de la chaussée. Quand une voiture arrive rapidement, elles empêchent de retrouver le côté. Ainsi, Herriot se retrouvera être la rue où les piétons mettront le plus de temps avant de s'emparer définitivement de cet espace de liberté. 

Dès lors, à la lumière de ces premiers constats, cette expérimentation révèle l'immense travail qu'il reste à faire en matière de perception des déplacements dans la cité et de la place que chacun pense devoir occuper selon des codes qui semblent ne pas vouloir être brisés. Difficile de changer en une journée des décennies de construction mentale sur un espace public largement monopolisé par les véhicules motorisés. Une voiture qui passe trop vite dans le périmètre, et tout est à refaire. Ce samedi, progressivement, les piétons se sont faits plus nombreux, la foule plus dense. Sans rien dire, sans se concerter, ils ont imposé un nouveau code et les autres usagers de la route n'ont pas eu d'autres choix que de ralentir. Le pick-up qui s'est présenté face à eux paru anachronique, comme si son écosystème n'était pas celui là, poisson en dehors du bocal. Les choses se mettent en place, mais il faudra du temps.

D'autres expérimentations prévues

En Presqu'île, le président de la métropole a eu loisir d'observer tout cela, tout en prouvant malgré lui le poids des habitudes. "On se met sur le trottoir ?" lance-t-il aux télévisions présentes pour l'interviewer. Après quelques rires, tout le monde restera au milieu de la rue, recevant quelques regards noirs de la part de conducteurs de scooter qui voulaient passer.  

"On réajustera si nécessaire, embraye David Kimeldeld, On a vu des conflits d'usage apparaitre avec les voitures, scooters, vélos ou trottinettes. La piétonnisation met en exergue des difficultés et nous pourrons  les régler grâce aux expérimentations". Deux nouvelles journées sont déjà prévues les 12 et 25 octobre, d'autres suivront en novembre et décembre, "le périmètre pourra changer, le jour et les horaires aussi. On est là pour mesurer les bienfaits. À terme, la Presqu'île doit être piétonnisée. On ne peut pas dire : on le fera une prochaine fois, on doit avancer", précise le président de la métropole dont les proches ne manqueront pas de faire remarquer que le trafic routier ne s'est pas reporté ailleurs et que "ça circule bien sur les berges quand certains annonçaient des bouchons". L'apocalypse routière n'a pas eu lieu. 

Une nouvelle normalité

Interrogé sur les bacs à fleurs rue Herriot, installés par le maire de Lyon Gérard Collomb, David Kimelfeld réplique, "C'est une belle idée, mais il faut la discuter avec les habitants, les commerçants". Le tacle est discret, mais réel, la ville de Lyon a choisi de ne pas suivre les avis émis lors de la concertation publique. À travers cette dernière, le plébiscite pour la végétalisation s'était doublé d'un refus de la voir prendre la place des voies de bus et vélo.

Ce samedi, des dizaines d'enquêteurs de la métropole étaient sur le terrain pour recueillir les avis. Lors de quelques discussions, certains piétons regrettaient que cette journée ne soit pas une fête. Mais cette nouvelle normalité est l'atout de son éventuelle pérennisation. S'il est indéniable qu'il reste encore du travail à faire, il est désormais impossible de revenir en arrière. Ce 28 septembre, la boite de pandore a été ouverte à Lyon et plus personne ne pourra la refermer. 

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