@Tiravis Shinn

Pixies : 30 ans après

Déboulant au Radiant avec le rock toujours tapageur de leur septième album, Beneath The Eyrie, les Pixies de Frank Black entendent surtout fêter en tournée les 30 ans de l’album Doolittle, à la fois climax et apogée d’une carrière météorique dont l’actualité du groupe n’est qu’un vague écho.

Maintes fois rabibochés depuis leur séparation de 1991, après leur album Trompe Le Monde, définitivement brouillés avec leur iconique bassiste Kim Deal, parfait pendant féminin et quasi Némesis du rondouillard et gueulard Frank Black, les Pixies à l’époque Black Francis, ont une année 2019 bien remplie. Qui les voit publier leur 7e album, le 3e depuis qu’ils se sont remis à faire des disques en 2014 : Beneath The Eyrie. Sans doute le meilleur album de ces Pixies deuxième époque dans une veine western-gothique où Frank Black est particulièrement à l’aise et s’est souvent illustré, notamment avec l’un des groupes de sa seconde vie, The Catholics. Et surtout fêter les 30 ans de leur chef-d’œuvre, Doolittle, qui installa le groupe du Massachusetts sur le trône du rock indépendant et enfanta plusieurs générations de disciples de ce rock noise infiniment mélodique, aussi barré et curieux qu’aguicheur.

Car ce mélange de rock furieux issu de la scène noise, de pop bubblegum droit sortie des 60’s naïves et de surf music chorale façon Beach Boys, contribua à façonner, entre autres, la scène grunge. Kurt Cobain ne dira jamais assez combien les Pixies furent fondateurs et un titre aussi explosif et catchy que Smells Like Teen Spirit doit beaucoup à la formule magique des Pixies, parfois résumée sous le terme de pop milky-way – cassante à l’extérieur, moelleuse à l’intérieur – où les meilleurs pop songs ont toujours derrière la tête, après vous avoir fait les yeux doux, cette idée sournoise de vous casser la gueule.

Suicide, psychopathie, désastre et groove

En son temps, Doolittle où un titre primesautier comme Here Comes Your Man répond à l’ouverture napalmée et surréaliste de Debaser, qui cite le Chien Andalou de Bunuel ; où la sensualité surf de La La Love You le dispute à l’inquiétante et mélancolique étrangeté de Hey, au très hirsute Dead, au charme brumeux de l’hymne cosmique Monkey Gone to Heaven et à la bipolarité de Wave of Mutilation et Mr Grieves, fut très souvent désigné comme l’album rock de l’année 1989 par les spécialistes et les fans, tant pour sa diversité de tons que pour ses qualités d’écriture. Sans oublier cette propension à tirer un album groovy et crémeux, bien plus rond que les premiers essais du groupe, Come On Pilgrim et Surfer Rosa, d’obsessions thématiques pour le suicide, la psychopathie et le désastre écologique – ce en quoi la bande à Black était notoirement prophétique.

Bien sûr ce sont moins les titres de Beneath The Eyrie, tout récent album susmentionné, parfois co-écrit avec la bassiste Paz Lenchantin, remplaçante poste pour poste de Kim Deal que les classiques du monument Doolittle (au vrai, les Pixies ne feront jamais mieux), que viendront entendre les fans d’un groupe de toute façon habitué à remiser au second plan son actualité chaude pour surimprimer en priorité sa légende. Y compris le tube universel Where’s my Mind, antérieur mais ressuscité par David Fincher dans le finale de son Fight Club, et multirepris par tout un tas de groupes. En général le parfait moment de communion avec une foule renversée. Quand on fête les 30 ans de son apogée, on s’est depuis longtemps fait à l’idée qu’on n’échappe pas à la nostalgie. Et que c’est peut-être elle qui vous maintient en vie.

Pixies – Le dimanche 20 octobre au Radiant-Bellevue [Complet]

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